Pourquoi Emmanuel Macron a choisi de visiter le Maroc avant l'Algérie.

Pourquoi Emmanuel Macron a choisi de visiter le Maroc avant l'Algérie.

Ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, s'étaient d'abord rendus à Alger.

Emmanuel Macron débarque à Gao au Mali le 19 mai 2017. CHRISTOPHE PETIT TESSON / POOL / AFP
La rivalité entre le Maroc et l'Algérie tourne souvent à l'obsession entre les deux voisins. Quand Alger organisait en grande pompe son premier Forum africain d'investissement et d'affaires en décembre dernier, le patron d'un média local me confiait: «Le gouvernement organise cet évènement uniquement pour faire comme le Maroc qui a déjà son sommet panafricain.»
C'est aussi l'Algérie qui avait tenté en janvier 2017 de bloquer le retour du Maroc dans l'Union africaine, organisation continentale qui regroupe désormais tous les pays africains.
Un bras de fer qui s'invite dans la relation diplomatique qu'ont les deux pays d'Afrique du Nord avec l'ex-puissance coloniale: la France. Le tout neuf locataire de l'Élysée, Emmanuel Macron, se rend ces 14 et 15 juin au Maroc pour une visite privée au roi Mohammed VI. Le chef d'État français ne sera accompagné que de son épouse pour ce déplacement. Il sera directement reçu par le roi au Palais de Rabat.

Une rencontre «simple, rapide et dont le seul objectif est de permettre aux deux chefs d’État de faire connaissance», ont déclaré les conseillers du président français dans un point presse.
Mais si cette visite semble, au premier abord, plutôt banale, elle représente en réalité plus que ça au Maghreb où les deux grands pays de la région veulent prendre leur dessus sur le plan diplomatique dans leur relation avec Paris, qui pèse toujours lourd dans la géopolitique régionale.

Plus de points commun avec Mohammed VI

Les deux prédécesseurs d'Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy et François Hollande, avaient choisi de se rendre en Algérie pour leur premier déplacement dans la région. Le leader d'En Marche! s'était lui-même envolé à Alger pendant sa campagne présidentielle. Une visite qui n'était pas passée inaperçue après qu'il avait qualifié la colonisation de «crime contre l'humanité».
«Il y a une concurrence forte entre le Maroc et l'Algérie sur le plan diplomatique, analyse Jean-Noël Ferrié, directeur de Sciences-Po Rabat. Le Maroc s'ouvre vers l'Afrique de l'Ouest qui est une région où la présence française est historiquement forte et déterminante. Il y a aussi la question du Sahara occidental [région autonome marocaine qui réclame depuis 1976 son indépendance avec le soutien de l'Algérie, ndlr] qui est au centre de la rivalité entre l'Algérie et le Maroc. Mohammed VI veut s'assurer du soutien de la France sur cette question.»
À l'inverse du Royaume chérifien qui se montre dynamique sur la scène internationale, l'Algérie souffre de la santé très précaire – doux euphémisme – de son président Abdelaziz Bouteflika.
«Le pouvoir algérien est aux abonnés absents en raison de la maladie de son président et ce pays ne peut jouer le rôle qu’il voudrait alors que le roi du Maroc, malgré ses difficultés, se montre un acteur visible et engagé dans la région», déclare Pierre Vermeren, professeur d’histoire du Maghreb à Paris-I, dans les colonnes du journal Le Monde.
Emmanuel Macron se sent aussi peut-être plus proche d'un souverain encore relativement jeune (53 ans), qui a su se construire une image moderne auprès de son peuple, notamment via les réseaux sociaux. Mohammed VI n'hésite pas à laisser prendre en selfie avec les citoyens marocains qui l'interpellent dans la rue.

Rassurer l'Algérie

L'État algérien semble donc avoir perdu sa préséance sur le Maroc dans sa relation diplomatique avec Paris. «Le Maroc a acquis une plus grande importance dans le dispositif diplomatique français d'un point de vue sécuritaire et économique», ajoute Jean-Noël Ferrié.
Pour ne pas froisser le gouvernement algérien, Emmanuel Macron a fait savoir qu'il s'était entretenu au téléphone avec Abdelaziz Bouteflika.
Il a également dépêché son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, à Alger... la veille de son déplacement au Maroc.

«Je suis venu (...) dans une volonté de donner à notre relation une dynamique nouvelle, un partenariat de qualité, tant nos liens sont forts et peuvent être encore renforcés», a déclaré Jean-Yves Le Drian mardi 13 juin.
Venu discuter lutte contre le terrorisme avec son homologue Abdelkader Messahel, le patron du Quai d'Orsay a surtout répété qu'Emmanuel Macron souhaitait se rendre en Algérie «le plus rapidement possible».


Camille Belsoeur
Par Camille Belsoeur
Journaliste

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