Ce que sera l’assurance islamique au Maroc.


Ce que sera l’assurance islamique au Maroc.

Tous les métiers de l’assurance seront ouverts d’entrée de jeu aux opérateurs Takaful. 
Le modèle économique prévu permettra d’équilibrer le jeu en matière de tarifs par rapport à l’assurance conventionnelle. Les excédents techniques et financiers seront répartis entre les clients.



Alors que tout laissait penser que l’élaboration du cadre réglementaire de l’assurance islamique, dite Takaful, allait prendre son temps, le chantier semble plutôt lancé sur les chapeaux de roues. En effet, le régulateur du secteur des assurances (ACAPS) a transmis aux professionnels, depuis quelques semaines déjà, une première mouture bien dense de ce cadre (une circulaire et un arrêté), dont La Vie éco a pu avoir la primeur. Depuis, les discussions pour affiner ce premier jet ont bien avancé entre les parties, qui pourraient même boucler leurs concertations ce mois de septembre. 
 
Pour autant, quelques semaines seront encore nécessaires avant que les solutions d’assurance participative n’arrivent effectivement sur le marché, le temps que le Conseil supérieur des oulémas labellise le cadre réglementaire, que les opérateurs soient agréés… Dans le meilleur des cas, tout cela devrait se faire d’ici mars prochain, selon les professionnels.

Ce qu’il faut retenir du cadre actuellement sur la table, qui aborde autant la réassurance que l’assurance islamique, c’est d’abord la décision de l’ACAPS d’ouvrir d’entrée de jeu tous les métiers de l’assurance aux futurs opérateurs Takaful. Cela recouvre un très large éventail d’opérations : vie et décès, accident et maladie de travail, produits de capitalisation, assurance des risques techniques des biens meubles et immeubles, assistance et jusqu’aux métiers les plus pointus telle que l’assurance maritime. Cela a désarçonné les opérateurs qui tablaient plutôt sur un élargissement graduel du champ d’action du Takaful afin de roder progressivement cette nouvelle industrie en évitant de déstabiliser l’assurance conventionnelle. Les professionnels s’attendaient en effet plutôt à ce que les premiers produits autorisés se limitent à l’assurance de personnes (décès, invalidité, épargne et retraite, accident de travail…) appelée Family Takaful, et que le catalogue soit enrichi d’ici quelques années de l’assurance de biens (General Takaful). Les assureurs tiennent toujours à cette configuration qu’ils défendent actuellement auprès de l’ACAPS.

En tout état de cause, assureurs et banques participatives doivent accorder leurs violons à terme afin que les solutions d’assurance participative accompagnent comme il se doit les financements proposés aux clients. Dans l’immédiat, les banques ont décidé de se passer de l’assurance participative dans le cadre des financements Mourabaha immobilière qu’elles accordent (seuls financements qu’elles sont actuellement habilitées à proposer). Néanmoins, cela ne pourra durer qu’un temps puisque pour garantir la stabilité du marché il s’agira de couvrir les emprunteurs ainsi que les biens immobiliers financés.

Deux types de rémunération pour les opérateurs Takaful

Aussi, quand on en arrivera au produit Ijara destiné au financement automobile, dont le contrat-type est en cours de labellisation au niveau du Conseil supérieur des oulémas, les banques devront d’entrée de jeux adosser leurs financements à des solutions Takaful.

En second lieu, le nouveau cadre fixe les choses en matière de modèle économique des futurs opérateurs Takaful, qui lui aussi faisait l’objet de beaucoup d’anticipations. Avant d’y venir, précisons que les acteurs du Takaful seront constitués sous forme de fonds alimentés par les donations de participants qui sont propriétaires de ces fonds. C’est là la parade qui permet au Takaful d’être conforme à la Charia, car si le hasard et l’incertitude, qui sont inévitablement à la base de toute activité d’assurance, sont généralement proscrits par les règles islamiques, ils sont tolérés sous le régime de la donation. Etant propriétaires des capitaux apportés au fonds Takaful, c’est aux participants que doivent aussi revenir les excédents techniques et financiers. La réglementation en détermine précisément le mode de répartition, à savoir que pour les opérations en cas de vie ou d’investissement, les excédents réalisés au titre d’une année sont répartis entre les participants disposant des contrats dont la garantie a couru durant l’année. 
Pour les autres opérations d’assurances, les excédents au titre d’une année sont répartis entre les participants disposant des contrats dont la garantie a couru au moins six mois durant l’année en question, selon différentes méthodes. Si le fonds Takaful adhère par exemple à la méthode sélective, les excédents réalisés sont répartis uniquement entre les participants dont les contrats n’ont pas enregistré de sinistres au cours de l’année.

Une batterie de garanties financières pour pérenniser le secteur

Bien sûr, l’entreprise Takaful a aussi droit à une rémunération et celle-ci pourra se faire selon deux modèles. Le premier dit Wakala consiste pour l’opérateur à percevoir une commission fixe déterminée de manière forfaitaire ou sur la base du montant des contributions des participants. En termes clairs, cela suppose que les opérateurs tirent leur rémunération uniquement des commissions prélevées à la source sur les contributions au fonds Takaful, sans être intéressés au résultat technique comme cela a cours dans l’assurance conventionnelle. C’est précisément la configuration que les professionnels recommandaient d’écarter. Leur argumentaire est que cette manière de faire risque de surcharger les primes facturées dans le cadre du Takaful par rapport à l’assurance conventionnelle. Sans compter que le fait de ne pas intéresser l’opérateur Takaful aux excédents ne l’encourage pas à optimiser sa gestion technique (acceptation des risques, indemnisation des sinistrés, réassurance…) et financière (placements) des fonds et le poussera à se contenter d’une simple gestion administrative.

Heureusement, la réglementation autorise un deuxième mode de rémunération qui pallie toutes ces insuffisances. Il s’agit de la Moudharaba à travers laquelle l’entreprise perçoit une part des revenus générés par les placements réalisés par l’opérateur Takaful. Du reste, pour tirer parti de l’un et l’autre modes de rémunération comme ils le souhaitent, la réglementation autorise les futurs opérateurs Takaful à combiner la Wakala et la Moudharaba.

Par ailleurs, comme cela est de mise pour le secteur de l’assurance, la réglementation du Takaful précise de manière très détaillée un ensemble de garanties financières que doivent constituer les opérateurs Takaful. Celles-ci comprennent d’abord une batterie de provisions techniques (pour capitaux et rentes à payer, risque d’exigibilité, pour excédents techniques et financiers…) ce à quoi s’ajoutent des provisions qui s’imposent pour des opérations d’assurance spécifiques (accidents du travail…). Viennent ensuite les exigences en matière de marge de solvabilité (qui détermine de manière générale le montant minimum des ressources exigées pour la pratique des opérations d’assurance) dont différentes méthodes de calcul sont précisées par la réglementation aux opérateurs Takaful, selon les opérations dans lesquelles ils se spécialisent. Notons aussi que la loi impose aux entreprises de prélever annuellement au moins 40% des excédents techniques et financiers pour alimenter une réserve de stabilité qui sert à combler le déficit éventuel résultant de l’insuffisance de l’actif représentatif des provisions techniques par rapport aux provisions.

L’alimentation de cette réserve cesse néanmoins d’être obligatoire lorsqu’elle atteint un pourcentage donné des primes émises nettes de rémunération de gestion (50% pour le General Takaful, 30% pour le Family Takaful…).

 
Deux types de rémunération pour les opérateurs Takaful
Les intermédiaires en assurances ayant reçu un agrément avant la date d’entrée en vigueur de la circulaire sur le Takaful devront présenter au régulateur du secteur des assurances (ACAPS) une demande d’extension d’agrément pour exercer ce nouveau type d’opérations, ainsi que le prévoit le projet de cadre en cours de discussion entre le régulateur et les professionnels. 
Il faut cependant noter que les nouvelles activités participatives envisagées par les intermédiaires doivent correspondre aux catégories pour lesquelles ils sont déjà autorisés. Une liste de correspondance devrait être émise prochainement à cet effet. En outre, la demande d’extension d’agrément doit être accompagnée d’un document descriptif et détaillé des compétences et connaissances de l’agent d’assurances, personne physique, ou du représentant légal de l’intermédiaire, personne morale, en matière d’assurance Takaful, appuyé par les attestations de stages ou de formations effectués en relation avec ce domaine. 
 
L’ACAPS peut refuser la demande d’extension d’agrément, lorsqu’elle juge que les demandeurs ne disposent pas des connaissances ou compétences suffisantes en matière d’assurance Takaful.


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