La Presse : " Les tricheurs de la science "
Si La Presse le dit, c'est que ça doit être vrai ! ahahahahah
Excellent article Madame Malboeuf, du solide !
La science ne ment pas, les savants assoiffés de reconnaissance et d'argent, qui sont dictés par certains lobbys pharmaceutiques, OUI !
Excellent article Madame Malboeuf, du solide !
La science ne ment pas, les savants assoiffés de reconnaissance et d'argent, qui sont dictés par certains lobbys pharmaceutiques, OUI !
Ils
devraient être des modèles de rigueur. Ils ont plutôt truqué leurs
résultats, détourné des fonds, menti ou volé des écrits. Depuis cinq
ans, près d'une centaine de scientifiques canadiens ont été punis pour
malhonnêteté, révèlent des données obtenues par La Presse. Et ils sont
de plus en plus nombreux à se faire prendre.
De plus en plus de tricheurs démasqués
Dans
chaque bureau de l'hôpital d'Ottawa, les révélations du Dr Paul Hébert
déclenchaient un séisme. Le spécialiste des soins intensifs était
lui-même sidéré. Et enragé par ce que la responsable de son programme de
recherche venait de découvrir.
«
Une professionnelle de la santé fraudait, elle fabriquait des données
de recherche ! », confie le chercheur, aujourd'hui chef du département
de médecine au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) et
auteur de travaux qui ont transformé la pratique de la transfusion
sanguine.
Dans
le cadre de l'étude qu'il faisait à l'époque, l'employée tricheuse
devait absolument prélever le sang de patients à des moments précis pour
qu'on mesure l'effet d'un traitement. Mais au lieu de remplir sa
mission le samedi, comme il le fallait, elle ne s'est jamais présentée à
l'hôpital. De retour le lundi, elle a recueilli le sang en douce et
écrit la mauvaise date sur les fioles, en espérant brouiller les pistes.
Mais ses collègues surveillaient le réfrigérateur.
«On l'a congédiée, mais à l'hôpital, la crise a duré des semaines. Elle a failli ruiner l'étude», explique le Dr Hébert.
Quinze
ans plus tard, il se souvient de tout. Entre deux nuits d'insomnie, il a
alerté les organisations concernées et repris la collecte de données
auprès de 40 patients. Une somme de travail colossale, qui s'est étendue
sur un an et lui a coûté 100 000 $.
L'étude
a ainsi pu être publiée dans une revue prestigieuse. Mais cela
n'empêche pas le spécialiste de frémir en pensant à ce qui aurait pu se
produire. « Découvrir la fraude seulement après la publication, ç'aurait
été un désastre... »
Il n'en avait encore jamais parlé publiquement.
Des
désastres, le médecin sait bien que d'autres universités en
connaissent, y compris au Canada, où est survenu l'un des pires
scandales.
Du
fond de l'Université Memorial, à Terre-Neuve-et-Labrador, le chercheur
Ranjit Chandra est devenu une vedette mondiale en publiant des études
sur des multivitamines miracles et d'autres au sujet de 700 bébés
n'ayant finalement jamais existé. Il les inventait et recopiait des
séries de chiffres d'une étude à l'autre.
L'université
a enterré l'affaire pendant 12 ans, ignorant de nombreux dénonciateurs
et laissant son professeur empocher une fortune - jusqu'à ce qu'il
quitte le Canada en douce, en 2002.
À
la même époque, le chercheur James Xu est entré dans un laboratoire
albertain en pleine nuit pour ajouter une substance dans les
éprouvettes, afin que les expériences de son équipe semblent
concluantes.
Plus de fraudeurs démasqués
Combien
de délinquants sévissent encore au Canada ? Ces cinq dernières années,
les universités du pays ont transmis aux autorités fédérales des
rapports d'enquête concernant 192 chercheurs, dont 83 ont été jugés
malhonnêtes, révèlent de nouvelles données obtenues par La Presse. Leur
analyse montre que le nombre de chercheurs sanctionnés annuellement a
augmenté de 54 % au cours de cette période.
Treize
d'entre eux avaient fabriqué, falsifié ou détruit des données. Les
autres avaient menti dans leurs demandes de subvention, détourné des
fonds publics, plagié ou bâclé leur travail (détails ci-contre).
Peu de cas rendus publics
À
Toronto, Sophie Jamal a berné une très prestigieuse revue médicale.
L'endocrinologue avait altéré sa base de données pour faire croire que
le fait d'appliquer un onguent avait fait augmenter la densité osseuse
de ses patientes à risque d'ostéoporose. Elle a donc perdu son emploi
l'an dernier, et perdu à jamais le droit de demander des subventions
fédérales.
En
2013, les Américains ont révélé qu'un pathologiste prometteur de
l'Université Western Ontario (Hao Wang) avait faussement rapporté avoir
réussi une greffe de rein sur deux singes.
La
même année, l'Université McGill a obtenu gain de cause contre l'un de
ses chercheurs les plus connus - et les plus subventionnés -, Avi
Chaudhuri. Le professeur de psychologie avait menti au sujet de 14
voyages en Inde, prétendant s'y rendre pour faire ses recherches, alors
qu'il y faisait plutôt rouler une entreprise lui appartenant. Il a été
congédié.
De
leurs propres aveux, plusieurs scientifiques ne se font jamais prendre.
Environ 2% des chercheurs sondés lors d'enquêtes scientifiques
admettent avoir déjà falsifié ou fabriqué des données. Et 9% avouent
avoir déjà adopté d'autres pratiques discutables.
Les
scientifiques détestent parler de ces dérives en public, par crainte
que la population n'oublie que 90 % d'entre eux sont rigoureux et
honnêtes, et ne condamne injustement la science dans son ensemble.
En
privé, par contre, « il y a un besoin criant de se défouler, vous
n'avez pas idée ! », constate le professeur Bryn Williams-Jones, qui
dirige les programmes de bioéthique à l'UdeM et collabore à une enquête
internationale lancée par son ancienne étudiante, Élise Smith.
Le
sondage portait sur la signature des études savantes, mais les
participants en avaient long à dénoncer. « Ils nous parlent d'abus, de
manipulations de données, de harcèlement, de conflit d'intérêts...
énumère le bioéthicien. Leurs témoignages font déjà 300 pages ! »
Influence mortelle
«
Le manque d'intégrité, c'est hyper dangereux ; les décideurs se basent
sur des données scientifiques de toutes sortes dans leur travail »,
prévient le professeur Williams-Jones.
En
santé, il suffit d'un seul délinquant pour causer « d'immenses dégâts
», car des millions de médecins se fient aux études pour traiter leurs
patients, précise le Dr Hébert.
« La recherche clinique frauduleuse ou mal menée peut tuer. »
Des
chercheurs ont accusé deux scientifiques européens d'avoir eu ce genre
d'influence mortelle. Le premier (l'anesthésiste Joachim Boldt) prônait
l'emploi d'un soluté controversé pour réanimer les patients en
insuffisance circulatoire. Le second (le cardiologue Don Poldermans),
celui de bêtabloquants lors d'opérations à haut risque. Ces deux
pratiques tuaient probablement beaucoup plus de gens qu'elles n'en
sauvaient, a-t-on compris trop tard - après avoir découvert, il y a
quelques années, que chacun des deux hommes avait publié des données
fictives ayant brouillé les cartes.
Des
jeunes sont également morts après avoir attrapé la rougeole, parce que
leurs parents avaient lu que les faire vacciner risquait de les rendre
autistes. Dans sa pseudo-étude portant sur 12 enfants, l'ex-médecin
britannique Andrew Wafefield [ces faits restent discutables] avait
pourtant déformé le contenu de chaque dossier médical, sans exception.
Et caché le fait qu'un avocat lui avait versé plus de 700 000 $ après
lui avoir commandé l'étude pour justifier le dépôt de poursuites
judiciaires contre les fabricants de vaccins.
Des millions gaspillés
Chaque
année, les scientifiques malhonnêtes privent la société de millions de
dollars. « En fraudant, tu gaspilles tes propres fonds de recherche et
tu amènes plein d'autres scientifiques à suivre de fausses pistes avec
les leurs, dénonce le Dr Hébert. Ça mobilise des ressources rares en
pure perte, alors qu'elles auraient pu permettre de vrais progrès. »
Les
agences canadiennes tentent de réduire les dégâts en exigeant que les
délinquants remboursent les fonds mal utilisés. En cinq ans et demi,
elles ont ainsi récupéré près de 0,9 million, soit 80 % des sommes
réclamées (et l'équivalent de 0,038 % de leur budget annuel de 2,38
milliards).
Quarante-deux
chercheurs se sont par ailleurs retrouvés sur une « liste noire » qui
les empêchent de recevoir des subventions - dont sept pour toujours.
D'année
en année, le nombre de délinquants sanctionnés augmente. « On accepte
maintenant de recevoir les allégations anonymes, précise Susan
Zimmerman, directrice du Secrétariat pour la conduite responsable de la
recherche, qui assiste les agences subventionnaires. On essaie de
faciliter les choses pour encourager les gens à parler. »
Cas de plagiat, de falsification ou de fabrication sanctionnés de 2012 à 2017
39 par le Secrétariat pour le conduite responsable de la recherche (Canada) :
92 par la National Science Foundation (EU)
54 par l'Office for Research Intergrity (EU)
Un premier bilan détaillé
Dès
qu'un scientifique soutenu par des fonds fédéraux est soupçonné
d'inconduite, les universités sont tenues d'alerter le Groupe et le
Secrétariat pour la conduite responsable de la recherche. Elles doivent
ensuite leur transmettre leurs rapports d'enquête. C'est la règle depuis
décembre 2011, les trois agences subventionnaires fédérales s'étant
alors dotées d'une politique commune - une innovation notamment motivée
par le scandale survenu à l'Université Memorial. Le Secrétariat aide les
agences à faire appliquer les règles et compile les statistiques
rapportées dans ce reportage. C'est la toute première fois qu'il livre
un bilan détaillé des manquements et des sanctions enregistrées depuis
sa création. L'an dernier, les trois agences fédérales ont soutenu 36
000 chercheurs.
Pourquoi frauder ?
Qu'est-ce
qui pousse des scientifiques - censés chercher la vérité - à frauder ?
Voici ce qu'ont répondu les principaux intéressés.
La compétition féroce
«
Dans la position académique que j'occupais, ton estime de toi dépend
des subventions obtenues. [...] J'étais sur un tapis roulant et je ne
pouvais pas descendre », a déclaré le chercheur en obésité Eric Poehlman
lors de son procès criminel couvert par le New York Times.
Sans
fonds, un chercheur ne peut ni faire rouler son labo, ni publier, ni
être promu. « Et comme les athlètes qui se dopent, certains pensent
qu'ils ne peuvent pas réussir sans tricher », analyse l'éthicien Bryn
Williams-Jones, de l'Université de Montréal.
«
Trop de structures encouragent les comportements nocifs. Des taux de
réussite de 12 % lors des demandes de subvention, ça crée une
compétition hallucinante, qui favorise les manquements. »
La vanité
«
Ce sont la vanité et l'autoglorification qui l'ont motivé. C'était un
expert mondial, qui voyageait en première classe pour donner des
conférences à travers le monde. » L'éditeur scientifique Steven Shafer a
expliqué de cette façon pourquoi l'anesthésiste allemand Joachim Boldt,
a pu publier 94 études frauduleuses.
Besoin
de pouvoir, d'admiration, arrogance... Dans les sphères hautement
compétitives, ces traits narcissiques sont fréquents, d'après la
diplômée en psychologie légale Cristy McGoff, que le site
RetractionWatch a interrogée au sujet des cas gérés dans son université
américaine. « Se percevoir comme étant respecté et omniscient peut
amener quelqu'un à pousser le bouchon. »
La maladie
«
Certains de ses comportements étaient si illogiques et outrageux qu'il
est évident qu'il n'était pas capable de penser rationnellement à
l'époque. »
D'après
son avocat, c'est la maladie qui a poussé Scott Reuben à frauder. Des
épisodes de manie lui ont permis d'abattre un travail insensé, jusqu'à
ce qu'il ne parvienne plus à remplir ses engagements et commence à avoir
recours à son imagination.
Avide
d'attention et devenu inconscient des risques, l'anesthésiste a
prétendu avoir enrôlé 200 patients ayant subi un remplacement du genou,
alors que son hôpital effectuait très peu d'opérations du genre.
À l'époque du procès, il avait tout perdu - sa femme, son permis de médecin, sa fortune - et emménagé chez ses parents.
La pente glissante
«
Il a commencé à tricher un peu, et la tromperie est devenue totalement
incontrôlée. » Voici comment le chercheur norvégien Jon Sudbø a fini par
inventer 908 patients, selon ce qu'a déclaré son avocat à l'époque.
«
Le premier pas sur le chemin de la fraude est probablement franchi en
raison d'une peur égoïste », explique la psychologue Jennifer Crocker
dans la revue Nature. Tout commence par la crainte d'être mal vu ou « de
ne pas obtenir le poste, la subvention ou le prix convoités ». Mais le
chercheur se sent mal d'avoir triché et rationalise son geste pour se
revaloriser, ce qui rend le prochain pas facile à franchir.
L'obsession des résultats
«
Il vaut mieux publier des résultats positifs pour [sa] carrière. C'est
de ça qu'il s'agit : gravir les échelons. » Le lanceur d'alarme Peter
Wilmshurst a raconté au quotidien Der Spiegel que ses confrères peu
scrupuleux ne se font pas prier pour faire des cachettes.
«
De nos jours, les journaux et les organismes subventionnaires veulent
des résultats positifs », observe le professeur Vincent Larivière, qui
détient la Chaire sur les transformations de la communication savante.
«
Certains chercheurs vont donc prendre quelques libertés pour obtenir
des résultats plus frappants, afin de publier plus facilement dans des
journaux mieux cotés et d'être plus cités. C'est bien plus répandu que
la fraude. »
L'insécurité extrême
Le
professeur de psychologie néerlandais Diederik Stapel, doyen de sa
faculté, a inventé les résultats d'innombrables expériences jamais
faites. Dans le récit autobiographique de sa chute, publié en 2012, il
raconte combien la difficulté d'être publié l'angoissait et évoque son
insécurité extrême. « Marquer des points te fait applaudir et un
pointage élevé te fait applaudir très fort. Et les forts
applaudissements sont formidables, parce qu'ils noient tes doutes au
sujet de la valeur de ce que tu fais et de qui tu es. » « Comme un
alcoolique ou un héroïnomane, j'ai commencé à utiliser ma dépendance
pour tout régler : mauvais résultats, longue périodes sans trouver un
effet ou sans publier. »
L'argent
«
L'argent est un incitatif très fort, c'est la nature humaine... » Selon
l'éthicien Bryn Williams-Jones, l'appât du gain a vraisemblablement
motivé plusieurs fraudes scientifiques.
Au
Canada, Ranjit Chandra a inventé ses travaux au sujet de vitamines de
sa fabrication, censées repousser la démence. D'après la preuve déposée
lors de sa poursuite en diffamation contre CBC, il espérait réaliser des
ventes de 125 millions.
Après
avoir fui en Inde en 2002, l'allergologue est revenu pratiquer la
médecine dans la grande région de Toronto. La police a affirmé l'an
dernier qu'il en a profité pour frauder la régie de l'assurance maladie
ontarienne, avant de repartir en Inde.
Les justiciers de la science
Excédés
de voir leur réputation ternie, des scientifiques s'efforcent de
démasquer leurs confrères malhonnêtes et de nettoyer la littérature
savante. Voici leurs méthodes - si efficaces qu'elles font exploser le
nombre d'études discréditées et rayées de la carte.
Mauvais menteurs
Des
invraisemblances grossières provoquent parfois la chute de stars de la
recherche. Le Norvégien Jon Sudbø avait attribué la même date de
naissance à 250 des 908 cancéreux qu'il avait inventés. Et il a prétendu
les avoir trouvés dans une base de données qui n'existait pas encore.
Le
Canadien Ranjit Chandra a, quant à lui, attribué des scores cognitifs
si faibles à ses sujets (censément normaux, mais fictifs) qu'ils
semblaient atteints d'un retard mental.
D'autres
ont recyclé des séries de chiffres d'une étude à l'autre (dont Chandra
et le professeur de psychologie néerlandais Diederik Stapel). Ou
rapporté avoir réalisé un sondage en science politique si complexe
(l'étudiant américain Michael LaCour) qu'un autre étudiant désireux de
reproduire l'expérience a découvert que cela nécessitait un budget
insensé.
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