« Au Zimbabwe, Robert Mugabe semble fini »


Au Zimbabwe, Robert Mugabe affirme être détenu par l’armée....

Alors que l’armée a pris le contrôle de Harare, la capitale du pays, et malgré les dénégations des généraux, le président zimbabwéen s’est dit mercredi 15 novembre, détenu par l’armée.
Le président  du Zimbabwe Robert Mugabe en avpril 2016


Le président zimbabwéen Robert Mugabe a affirmé mercredi 15 novembre au téléphone à son homologue sud-africain Jacob Zuma qu’il était détenu par l’armée.

« Le président Zuma s’est entretenu plus tôt aujourd’hui (mercredi) avec le président Robert Mugabe qui lui a dit qu’il était détenu à son domicile mais a ajouté qu’il allait bien », selon un communiqué de la présidence sud-africaine. L’Afrique du Sud a annoncé avoir dépêché la ministre de la défense et des anciens combattants, Nosiviwe Mapisa-Nqakula, et le ministre de la sécurité d’État, Bongani Bongo, comme envoyés spéciaux dans le pays.
L’armée nie toute tentative de coup d’État

Des échanges de tirs nourris ont été entendus dans la nuit de mardi 14 à mercredi 15 près de la résidence privée de Robert Mugabe. « Peu après 2 heures du matin (00 h GMT), nous avons entendu environ 30 à 40 coups de feu tirés pendant trois à quatre minutes en provenance de sa maison », a rapporté sous couvert d’anonymat à l’AFP un témoin, résident dans le quartier de Borrowdale.

À lire aussi?: Au Zimbabwe, l’armée dément un coup d’État

L’armée s’était déployée mardi dans la journée dans les rues de la capitale Harare. Selon l’agence Reuters, l’accès aux bâtiments officiels (ministères, parlement, tribunaux) était bloqués et plusieurs personnalités dont le ministre des finances, Ignatius Chombo, étaient semble-t-il détenues par les militaires.

Dans une allocution télévisée mercredi 15 novembre à 4 heures du matin, le général Sibusiso Moyo a démenti toute tentative de coup d’État. « Il ne s’agit pas d’une tentative de renverser le gouvernement », a-t-il assuré. « Nous ne faisons que viser les criminels qui entourent » le chef de l’État, a-t-il poursuivi. « Dès que notre mission sera accomplie, nous nous attendons à ce que la situation retourne à la normale. »
Dérive sécuritaire

L’armée semble toutefois bien en train de manœuvrer pour contrôler le pouvoir zimbabwéen. Lundi 13 novembre, le chef d’état-major, le général Constantino Chiwenga avait dénoncé le limogeage du vice-président Emmerson Mnangagwadu la semaine dernière et prévenu que l’armée pourrait « intervenir » si la « purge » ne cessait pas au sein du parti présidentiel, la Zanu-PF.

Longtemps pressenti comme dauphin du président Robert Mugabe, Emmerson Mnangagwa, 75 ans, a été démis de ses fonctions la semaine dernière et a fui le pays, après un bras de fer avec la première dame, Grace Mugabe, 52 ans.

Collaborateur depuis 40 ans de Robert Mugabe, ancien ministre de la justice avant d’être nommé vice président en 2014, il avait pris la tête, en 2016, d’un groupe de contestataires au sein du parti. Emmerson Mnangagwa a le soutien de l’appareil sécuritaire et des anciens combattants qui critiquent la dérive dictatoriale du régime.
La Croix




« Au Zimbabwe, Robert Mugabe semble fini »




Pour le chercheur Thierry Vircoulon, chercheur associé au Programme Afrique Subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (Ifri).




La Croix ?: Robert Mugabe a accédé à la présidence du Zimbabwe il y a trente ans après avoir été premier ministre de 1980 à 1987. Pourquoi a-t-il été si populaire alors??

Thierry Vircoulon?: Robert Mugabe a combattu pour l’indépendance de son pays. Une fois cette lutte remportée, il a tendu la main à la minorité blanche au lieu de plonger son pays dans la guerre civile. À cela, il a préféré la réconciliation?: par exemple, il n’a pas exproprié les blancs de leur propriété, il en a maintenu au pouvoir.


Que s’est-il passé par la suite??

T.V.?: Une fois au pouvoir, Robert Mugabe l’a rapidement monopolisé en commençant par neutraliser ses camarades de lutte. Il a ensuite manipulé les résultats des élections. Dans les années 1990, le pays a commencé à connaître des problèmes économiques, l’inflation a fait des ravages.
Pour répondre à la grogne montante, en particulier chez ses anciens compagnons d’armes, il a exproprié les fermiers blancs en 2000.
Ces derniers détenaient encore l’essentiel des terres agraires du pays. Il l’a fait brutalement. Des milliers de fermiers blancs ont quitté le pays, qui a plongé encore plus dans la crise.

À lire?: Au Zimbabwe, Robert Mugabe affirme être détenu par l’armée

Vous apparaît-il comme anachronique ??

T.V.?: Il l’est autant par son âge – il a 93 ans et exerce le pouvoir depuis 37 ans, sans partage – que par son discours – il fait toujours référence à la lutte pour la libération du pays alors qu’une majorité de Zimbabwéens sont nés après l’indépendance. Et il y a le côté caricatural qu’il a pris ces dernières années?: ses siestes pendant les réunions, ses propos anti-blancs…

Cela ne trompe pas l’Afrique d’aujourd’hui, même s’il bénéficie toujours de la sympathie et du soutien des partis issus de la lutte pour l’indépendance, comme le Frelimo au Mozambique ou l’ANC en Afrique du Sud.
Aujourd’hui, au Zimbabwe, Robert Mugabe semble fini. Le parti présidentiel, la Zanu-PF, va l’écarter ainsi que sa femme, Grace Mugabe, et mettre à leur place, une nouvelle équipe dirigeante. La transformation du parti en monarchie familiale ne pouvait pas être acceptée par le Zanu-PF.



Propos recueilli par Laurent Larcher de La Croix







Commentaires