Samir: Des actions judiciaires marocaines contre Al-Amoudi sont possibles

Samir: Des actions judiciaires marocaines contre Al-Amoudi sont possibles  


Samir: Des actions judiciaires marocaines contre Al-Amoudi sont possibles
AVIS JURIDIQUE. La procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la Samir peut-elle être étendue à ses dirigeants? et si oui, pourquoi et dans quelles conditions?

Médias24 a posé la question à une avocate réputée du barreau de Casablanca, notamment en matière de contentieux des affaires, Bassamat Fassi Fihri. Sa réponse est sans équivoque: "oui, et il faut faire vite" car trois ans après le déclenchement de la procédure, la Justice marocaine ne pourra plus se retourner contre ces dirigeants. La procédure de liquidation a été lancée le 21 mars 2016.
La question est d'autant plus pertinente que Mohammed Hussein Al Amoudi, ancien actionnaire de référence et PDG de la Samir, a été arrêté début novembre en Arabie saoudite sous l'accusation de "corruption". Ses comptes locaux ont été gelés.
Selon des sources médiatiques de premier plan telles que Bloomberg ou le Financial Times, des arrangements transactionnels sont probables entre une partie des personnalités arrêtées et l'Etat saoudien, en contrepartie de 70% des sommes suspectes qui seraient reversées à l'Etat.
Voyons alors quelques éléments d'analyse juridique et quelques conclusions qui en résultent, au regard du droit marocain, et qui confirment que la responsabilité des dirigeants est engagée.
Me Bassamat Fassi-Fihri considère qu'au vu des conclusions des experts désignés par le tribunal de Commerce dans le cadre de la procédure collective, plusieurs actions peuvent être engagées à l'encontre des dirigeants de la Samir, mais que le dernier mot revient au tribunal de commerce:
1. "L'action en comblement du passif à l'encontre des dirigeants de la Samir en application des dispositions de l'article 704 du Code de Commerce dès lors que les dirigeants ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la Samir notamment résultant de l'absence d'augmentation du capital et du défaut de convocation de l'assemblée générale extraordinaire et la poursuite d'une exploitation déficitaire";
2. "L'extension aux dirigeants de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la Samir sur le fondement des dispositions de l'article 706 du Code de Commerce dès lors qu'ils ont continué abusivement à exploiter l'activité de la société dans leur intérêt personnel et la distribution des dividendes par ses derniers alors que la trésorerie de la société était déficitaire et malgré le niveau très élevé de l'endettement de la société";
3. "L'extension aux filiales de la Samir de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la Samir sur le fondement des dispositions de l'article 570 du Code de Commerce si la confusion de leurs patrimoines est établie";
4. "La déchéance commerciale à l'encontre des dirigeants de la Samir sur le fondement des dispositions de l'article 712 du Code de Commerce".
La décision revient à "l'appréciation souveraine du tribunal".
Selon les sources de Médias24, le tribunal n'exclut pas de tels recours. A rappeler que le tribunal compétent est celui ayant prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire à l'encontre de la Samir, à savoir le Tribunal de Commerce de Casablanca.
Ce que dit le droit marocain
La responsabilité des dirigeants d'une entreprise en difficulté est engagée lorsqu'il y a faute.
"Le Code de Commerce a instauré un régime juridique sanctionnateur, en vue de réparer les dommages causés à l'entreprise et à ses partenaires en mettant à la charge des dirigeants fautifs tout ou partie du passif, ou le cas échéant, de les obliger à supporter l'intégralité de la dette sociale", explique Me Bassamat.
"En pratique, la faute de gestion consiste en une erreur de gestion, une imprudence, ou encore une violation des règles légales ou statutaires. La jurisprudence tant marocaine que comparée a retenu plusieurs types de fautes de gestion parmi lesquelles peuvent être citées: la mauvaise tenue de la comptabilité, l'investissement excessif ou inadapté, la poursuite d'une activité déficitaire".
Ce que dit le rapport d'expertise 
A notre connaissance, il n'y a pas eu d'audit en bonne et due forme. Le tribunal de commerce a toutefois commandé fin 2015, un rapport d'expertise sur la situation économique, sociale et financière de la Samir, qui a été remis début 2016 et qui a été élaboré par les trois experts désignés par le Tribunal de Commerce de Casablanca.
Ce rapport d'expertise qui est long d'une cinquantaine de pages et dont nous détenons copie, ne peut être résumé dans le cadre d'un simple article de presse. Citons simplement quelques-uns des constats ou conclusions:
« -Les Commissaires aux comptes de la Samir ont déclaré que la société a commencé à connaître des difficultés depuis 2007 compte tenu de la libéralisation du secteur et que la Samir avait bénéficié d'un prêt auprès de l'administration des douanes qui a augmenté la créance de cette dernière de sorte que de 2007 à 2011 le fonds de roulement était négatif ; il avait été convenu à cet effet qu'il soit procédé à une augmentation du capital de la société mais que cette augmentation n'est jamais intervenue ce qui a contraint les banques à financer les besoins financiers de la société.

« -La Samir a connu des changements considérables de 2007 à 2015 ayant engendré :
      a. La régression de son chiffre d'affaires ;
      b. L'insuffisance de ses capitaux propres découlant de :
           *De l'absence d'augmentation du capital de la société durant cette période ;
           *L'inscription sur les états financiers de la société d'un écart de réévaluation au cours de l'exercice 2014 à hauteur de 4.163 millions de dirhams ;
           *La distribution des dividendes à hauteur de 594 millions de dirhams entre 2007 et 2014 ;
           *L'enregistrement d'une perte à hauteur de 2.172 millions de dirhams au 30/06/2015 et à hauteur de 4.637 millions de dirhams au 31/12/2015
-L'insuffisance de l'Excédent Brut d'Exploitation découlant de :
           *La diminution de la marge du profit brut ;
           *L'influence du volume du leasing relatif aux projets d'investissement ;
           *La diminution du stock qui est passé de 1.087 millions de dirhams en 2011 à -3.029 millions de dirhams en 2014.
-Un Résultat net déficitaire découlant de :
           *L'augmentation des dépenses comptes tenu du recours excessif au crédit ;
           *L'augmentation des amortissements.

-Les capitaux propres sont insuffisants pour couvrir sérieusement les besoins de la société et garantir sa pérennité".

En conclusion, tous les éléments disponibles indiquent, sur la simple base d'un rapport d'expertise financière, et sans être allé jusqu'à un audit en bonne et due forme, que les dirigeants de fait et de droit, dont Mohamed Al Amoudi et Jamal Ba Amar, peuvent faire l'objet de décisions de la Justice marocaine, entre autres sous forme d'extension de la liquidation à leurs patrimoines personnels et/ou d'actions en comblement de passif.

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