Après des incendies apocalyptiques, la Californie s’interroge sur son modèle de développement.

Après des incendies apocalyptiques, la Californie s’interroge sur son modèle de développement.

11 millions de Californiens vivent dans des régions exposées, dont 500.000 foyers dans des zones de risque élevé.
A Santa Barbara, en Californie, le 14 décembre 2017.

Mille cinq cents pompiers ont passé Noël sur le front des incendies en Californie du Sud. Trois semaines après avoir éclaté, l’incendie Thomas n’était pas encore totalement contenu mercredi 27 décembre et les sauveteurs ne pensaient pas pouvoir le déclarer éteint avant le 7 janvier. Avec 1 100 km2 détruits dans les comtés de Ventura et de Santa Barbara, c’est l’incendie le plus vaste qu’ait jamais connu la Californie. 

Embrasant le ciel de Los Angeles, il a entraîné l’évacuation de 105 000 habitants, dont quelques célébrités comme Oprah Winfrey, et détruit 1 063 constructions.

L’incendie a fait deux morts — un pompier et une habitante de 70 ans, tuée dans sa voiture alors qu’elle essayait de fuir. Mais s’il est le plus étendu de l’histoire de l’Etat — et l’un des plus spectaculaires —, il n’est pas le plus meurtrier. La tornade de feu qui s’est propagée au début d’octobre en Californie du Nord a causé la mort de quarante-quatre personnes, pour la plupart des personnes âgées qui n’ont pas eu le temps de se sauver alors que les flammes dévalaient brusquement les collines, en pleine nuit.

Ces feux apocalyptiques, aux portes des deux grandes métropoles de la Californie, ont fait de la saison 2017 la plus destructrice jamais enregistrée dans cette partie des Etats-Unis. Comme le craint le gouverneur Jerry Brown, les incendies semblent constituer « la nouvelle norme » de l’Ouest américain. Et l’Etat y est maintenant confronté « encore à Noël », a-t-il souligné, bien au-delà de la saison traditionnellement à risque, qui va de la fin d’août au début de novembre.

« Pire des mondes possibles »

Pour les scientifiques, cette annus horribilis s’explique par une combinaison de phénomènes qui ont créé « la recette pour une tempête parfaite », selon l’expression de Glen MacDonald, géographe et spécialiste du climat à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA). 

« Nous avons eu des précipitations significatives l’hiver dernier, ce qui a produit beaucoup de combustible : feuilles, branches, brindilles, explique-t-il. 

Puis, en 2017, non seulement il n’a pas plu mais nous avons connu des températures record : dans le nord de l’Etat, pendant l’été ; dans le sud, au mois d’octobre — qui a été le plus chaud jamais enregistré. » Phénomène aggravant, les départs de flamme se sont produits à des moments où les vents d’automne — dits « diablo » dans le Nord et « vents de Santa Ana » dans le Sud — soufflaient violemment.

Pour Glen MacDonald, coauteur d’un article sur le rôle du changement climatique, publié le 16 octobre par la revue scientifique en ligne PLoS One, l’alternance de périodes pluvieuses et de sécheresse extrême conduit au « pire des mondes possibles » sur le front des incendies. La population doit se préparer, dit-il, ainsi que les pouvoirs publics. 

« Il y a peut-être des solutions techniques, en matière de résistance des matériaux ou d’espace de défense entre les habitations. 

Peut-être faudra-t-il restreindre les zones habitables », envisage-t-il.
Le coût du seul incendie du Wine Country, dans le terroir viticole au nord de San Francisco, en octobre, est estimé à 9,4 milliards de dollars pour les compagnies d’assurance. 
De fait, ces catastrophes ont relancé le débat sur la viabilité du modèle de développement de la Californie, alors que la population y a triplé dans la deuxième moitié du XXe siècle. 

Avec son climat méditerranéen, la région est « en danger perpétuel », selon l’expression du San Francisco Chronicle

Mais le risque s’est accru du fait de la crise du logement, car celle-ci pousse les habitants à s’installer dans les territoires intermédiaires entre zones sauvages et urbanisées, qui constituaient traditionnellement un rempart contre les incendies.

Nouvelles réglementations

Désormais certaines associations proposent de ne plus autoriser la reconstruction dans les secteurs exposés ou de décourager les propriétaires en élevant le prix des assurances. Autre suggestion, les autorités locales pourraient préempter les terrains les plus à risque. Ces solutions supposent que ces dernières prennent le problème à bras-le-corps. 

Or, jusqu’à présent, les commissions d’urbanisme ont plutôt tendance à approuver des lotissements — de préférence de luxe —, malgré les menaces d’incendie. Quelque 11 millions de Californiens vivent dans des régions exposées, dont 500 000 foyers dans des zones de risque élevé.

L’évacuation des zones les plus proches des bois de Los Padres a commencé dès vendredi, avant d’être levée samedi pour certains quartiers.
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L’évacuation des zones les plus proches des bois de Los Padres a commencé dès vendredi, avant d’être levée samedi pour certains quartiers.
NOAH BERGER/ AP › Accéder au portfolio

En attendant des mesures à long terme, l’administration de l’Etat a imposé, le 26 décembre, de nouvelles réglementations aux compagnies électriques, soupçonnées de négligence dans le débroussaillage autour des pylônes. 
Elles pourront désormais couper l’électricité aux clients qui refuseront de faucher la végétation sur leur propriété. 

Le service des incendies a aussi entrepris de réviser ses cartes des zones vulnérables pour tenir compte de la brusque aggravation de la menace.

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