Réseaux sociaux, la nouvelle servitude volontaire

Réseaux sociaux, la nouvelle servitude volontaire.



Dans nos sociétés libérales, la censure ne vient pas du pouvoir, mais de la société. S’il est de plus en plus difficile de dire ce qu’on voit sans subir de représailles, les réseaux sociaux y sont pour beaucoup. 

A coups d’invectives, de menaces et de manipulations, des despotes du clic y exercent un contrôle social aussi horizontal qu’efficace. Reste qu’on n’éradiquera pas les fake news et autres inepties du net en cherchant à imposer une vérité officielle. 


On ne peut plus rien dire : ce lieu commun de comptoir, partagé par une grande partie de nos concitoyens, recèle bien sûr une grande part de vérité, comme le savent tous ceux qui, ayant imprudemment défendu une opinion susceptible de choquer quelqu’un, ce qui est le cas de toute opinion intéressante, en ont payé le prix en insultes ou en ennuis plus sérieux. 
Ce qui complique le tableau, c’est que ce contrôle croissant de la parole, donc de la pensée, va de pair avec un brouhaha appelé « parole libérée » dans lequel n’importe qui peut dire n’importe quoi, mais où, au concours de décibels, les mauvais affects, les idées simples et les bobards l’emportent toujours sur la pensée.
C'est génial la libération de la parole, à condition que tout le monde marche au pas. Et que toutes les femmes pensent la même chose. Cette libération est un embrigadement. Non au parti unique des Femmes.
Au point d’ailleurs que le gouvernement, avec une naïveté ou un cynisme confondants, suggère que l’on légifère sur la vérité – on reviendra sur l’arnaque des fake news.

La censure, c’est nous

On ne peut rien dire, on dit n’importe quoi. 
Ces deux vérités contradictoires se conjuguent par une forme de schizophrénie propre à l’âge numérique. 
Tout au long de l’époque déplorable que nous appelons passé, les peuples ont lutté contre les tentations liberticides des puissants. 
Aujourd’hui, la technologie aidant, ce sont les peuples qui semblent vouloir toujours moins de liberté. 
Peut-être vivons-nous l’émergence d’un totalitarisme des égaux dans lequel chacun surveille les propos de son voisin – sans parler de son assiette où sont servies les subventions publiques –, et dont le stade ultime sera celui de l’autosurveillance et de l’autocensure généralisée, chacun veillant à ne rien dire, puis à ne rien penser qui puisse le désigner à l’attention de ses semblables. 

C’est que la censure contemporaine ne vient pas du pouvoir, mais de la société. Et elle ne se contente pas de réduire au silence quiconque lui déplaît, elle s’emploie à l’étouffer par le bruit, l’invective et la manipulation. La parole libérée – de toute contradiction – est peut-être l’instrument privilégié d’une nouvelle aliénation.
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