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Enzyme dévoreuse de plastique : Un espoir pour la planète ?


Enzyme dévoreuse de plastique : Un espoir pour la planète ?
18 avril 2018 à 12:26

Des bouteilles en plastique vides, à Mulhouse en 2013.
Des bouteilles en plastique vides, à Mulhouse en 2013. Photo Sébastien Bozon. AFP
En étudiant une bactérie, des scientifiques ont conçu par hasard une enzyme très friande de plastique. Une découverte à relativiser, selon Jean-François Ghiglione, chercheur au CNRS.

On connaît déjà les larves du ver de cire ou encore la bactérie Ideonella sakaiensis, capables de dégrader le polyéthylène téréphtalate (PET), composé essentiel des bouteilles en plastique. Aucun chercheur n’avait réussi à isoler leurs enzymes pour en faire une potentielle arme de destruction massive de ces plastiques qui, rappelons-le, polluent chaque année les océans à hauteur de plus de huit millions de tonnes. . .... Jusqu’à aujourd’hui.
Des scientifiques américains et britanniques, dont l’objectif était d’étudier l’enzyme PETase issue de Ideonella sakaiensis, ont réussi à concevoir «par accident, une enzyme encore plus efficace» que l’initiale, rapporte l’AFP, citant les conclusions de l’étude publiée lundi dans les comptes rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS). De quoi résoudre définitivement le problème mondial de pollution plastique ? Libération a interrogé Jean-François Ghiglione, chercheur au CNRS, spécialiste en écotoxicologie microbienne marine et directeur adjoint à l’observatoire océanologique de Banyuls.
Les chercheurs parlent d’une découverte accidentelle, comment est-ce possible ?
Il arrive parfois que la recherche nous amène des surprises, et cette fois ce fut une surprise de taille ! Après avoir isolé et caractérisé la structure 3D d’une enzyme capable de dégrader du PET, ils ont eu la chance de la modifier très légèrement en la manipulant et… cette enzyme s’est avérée plus efficace que l’originale. Il suffisait de rajouter quelques acides aminés, qui sont les briques des protéines, pour qu’ils observent en microscopie électronique une dégradation beaucoup plus rapide du plastique. Nous aimerions tous avoir autant de chance dans nos expérimentations !
Peut-on parler d’une avancée majeure ?
Je dirais qu’il s’agit d’une avancée significative qui démontre surtout la biodégradabilité du plastique, dont beaucoup doutaient il y a encore cinq ou dix ans. Mais il s’agit d’une preuve de biodégradabilité en laboratoire et non en milieu naturel, ce qui est totalement différent. Concrètement, ça ne servirait à rien de déposer des tonnes de cette enzyme sur du plastique dans la nature ni même dans une benne. Parce qu’à l’air libre ou même dans l’eau, elle serait aussitôt mangée par d’autres bactéries. Il faut donc relativiser. Ces travaux font avancer la recherche fondamentale dans ce domaine, mais on ne résoudra pas le problème de la pollution par les plastiques avec ces seuls résultats. La recherche sur la question des plastiques avance très vite. Elle bénéficie d’un soutien à la fois des gouvernements et des entreprises. Mais on ouvre tout juste la boîte noire de la biodégradation des plastiques, dont on ne connaît que peu de chose en milieu naturel.
Vers quelle dynamique doit-on justement avancer ?
Il faut continuer les efforts engagés et ne pas se dire que c’est gagné.   Loin de là. On peut néanmoins être optimiste en se disant qu’il existe plusieurs moyens pour lutter contre cette pollution qui nous concerne tous. Il faut poursuivre l’amélioration de la collecte, très contrastée entre pays du Nord et pays du Sud. Agir ensuite sur la réglementation des Etats pour tâcher de réduire la consommation des plastiques. Mais aussi tâcher d’améliorer le processus de recyclage et enfin se focaliser sur la recherche et l’innovation avec, pourquoi pas, la création de plastiques biodégradables à partir de cette fameuse enzyme. 

Le développement de l’aspect industriel, évoqué par certains, se fait pour moi en ce sens.

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