« Des données importantes » auraient été « supprimées » du rapport de la Commission parlementaire d’enquête sur les prix des carburants qui sera présenté le 15 mai à Rabat.



« Des données importantes » auraient été « supprimées » du rapport de la Commission parlementaire d’enquête sur les prix des carburants qui sera présenté le 15 mai à Rabat.

Sans nul doute, cette histoire fera couler beaucoup d’encre et déclenchera une polémique dans les jours à venir. Et pour cause, le site d’information lakom2.com a dévoilé ce samedi l’existence de « deux versions » du rapport de la Commission constituée en 2017 pour enquêter sur l’établissement des prix des carburants et la concurrence dans ce secteur après sa libéralisation.

La dite Commission a été présidée par le Parti Justice et Développement (PJD) de M. El Othmani.

Comparant les deux copies, le site lakom2 a relevé que plusieurs « données importantes » qui auraient été enlevées du rapport final, notamment celles relatives aux profits réalisés par les sociétés de distribution opérant dans le secteur des carburants.

Voici, par ailleurs, les observations et les conclusions qui auraient disparu de la dernière version de ce rapport qui sera présenté le 15 mai prochain à l’hémicycle, selon ce site en langue arabe :
- Dans la 1ère version il a été signalé que depuis l’arrêt de l’activité de la raffinerie SAMIR de Mohammedia et donc l’arrêt des importations de pétrole brut, quelque 20 sociétés spécialisées dans la distribution des produits énergétiques au Maroc ont toutes commencé à vendre l’essence et le gasoil presque au même tarif et ont augmenté leurs prix de manière simultané, malgré que le secteur ait été libéralisé depuis près d’un an. Ce qui dénote d’une absence totale de concurrence entre ces sociétés comme si rien n’avait changé aux niveaux de la baisse des prix du pétrole ou celui du marché des énergies.

-Le même rapport a relevé que les sociétés de distribution sont les véritables maitres de la fixation des prix de vente dans les stations et veillent au respect des tarifs recommandés sous le prétexte de maintenir une image homogène alors que la marge bénéficiaire ne dépasse pas les 5 centimes le litre, le prix imposé par la société dominante restant ainsi déterminant.

– Las 1ère version du rapport fait état d’une différence entre les prix annoncés à la pompe et les prix finaux incluant tous les frais et les taxes, différence qui a augmenté avec le début de la libéralisation passant pour le gasoil de 1,35 dh en 2015 à 2,25 dh en 2016 puis à 2,38 dh en 2017 et pour l’essence de 1,16 dh en 2015 à 2,02 dh en 2016 et 2,01 dh en 2017.

-La version initiale indique également que la différence moyenne entre les prix après la libéralisation a enregistré des hausses de 96 centimes par litre pour le gasoil et 76 centimes pour l’essence, ce qui représente pour les sociétés de distribution une augmentation des bénéfices estimée à 7 milliards dh annuellement.

-La même version indique que si l’on tient compte de la différence entre les prix annoncés dans les stations et les prix incluant tous les frais en enlevant les frais de transport et de distribution fixés entre 6% et 7% et les marges de bénéfice (qui étaient fixés auparavant par le gouvernement), le profit est estimé à 80% de plus.
Ceci sans oublier que certaines sociétés investissent dans le raffinage, le stockage, la vente sur les marchés internationaux, le transport, la distribution et la vente au détail.
Ce qui lui procure des marges de bénéfice supplémentaires.
De nombreuses autres sociétés ont crée des partenariats internationaux leur permettant de s’approvisionner pour le marché local ce qui leur permet aussi des marges de bénéfices.
En plus, certaines sociétés sont présentes dans le transport, la distribution et la vente au détail ce qui leur permet de disposer encore de marges supplémentaires de bénéfices.

-Dans la 1ère version, on trouve également qu’au cours de 2017, les prix des carburants ont connu des hausses inattendues dans les stations, le gasoil ayant atteint 10,50 dh le litre et environ 11,50 le litre d’essence. Cette hausse a coïncidé avec les baisses du prix de pétrole sur le marché mondial.

– Les auteurs du rapport ont aussi enlevé une partie de la déclaration du président du conseil de la concurrence qui était comme suit : « Le président du conseil de la concurrence a déclaré aux membres de la commission que le gouvernement n’a jamais pris contact ou formulé une demande d’enquête à ce sujet, révélant que la seule demande qu’il reçu émane de la commission parlementaire et qu’il a désigné deux rapporteurs pour répondre à ses questions et présenter le point de vue du conseil mais qu’en l’absence de ses membres il ne peut rien approuver, et par conséquent il est difficile de faire état de l’existence ou non d’une entente entre les sociétés de carburants concernant la détermination des prix dans les stations ».

Mais le paragraphe suivant a été supprimé : « Malgré des indices prouvant l’absence de la concurrence et de la transparence nécessaire, mais qui ne constituent pas des preuves absolues revêtant un caractère juridique suffisant à même de prouver l’entente ».

Quant à la différence claire entre les deux versions, elle se manifeste dans les conclusions et les recommandations suivantes qui ont disparu de la version finale du rapport :

- Absence des mesures d’accompagnement de la libéralisation du marché des carburants, en premier lieu l’absence d’un système de suivi du mouvement des prix au niveau international et son impact sur le marché intérieur et l’intervention en cas de nécessité comme c’est le cas des produits alimentaires de base qui ont été libérés.- Observation de prix quasi similaires entre les prix de vente appliqués aux carburants par les différentes sociétés et les stations dans les différentes zones et régions.- Augmentation des créations de stations de carburants en comparaison avec la période d’avant la libéralisation.-Observation des différences résultant de l’application de la composition des prix (qui étaient pratiqués avant la libéralisation) et le prix de vente au public appliqué par les sociétés.
-Le non investissement des sommes accumulées (3,08 milliards dh environ) au titre du soutien de l’Etat destiné à la création de centres de stockage en vue d’assurer la réserve stratégique en carburants.
-Malgré la tendance baissière des prix des carburants au niveau international, la stabilité du dirham par rapport au dollar, et le maintien du niveau de consommation, les sociétés ont réalisé des bénéfices importants.
Ce paragraphe a été changé dans la version finale pour devenir : « le changement des prix du brut au niveau international est répercuté sur les prix au Maroc de manière directe, mais seulement au niveau de la partie changeante dans la composition tarifaire de manière inégale ».

Par ailleurs les recommandations suivantes ont disparu de la version finale :
- La protection du consommateur à travers la détermination du plafond de bénéfice conformément aux pratiques internationales.

- L’utilisation des 3,08 milliards dh non investis par les sociétés dans le développement des infrastructures de stockage, des sommes considérées comme des prêts pour la caisse de compensation.
- La facilitation de l’entrée de nouveaux acteurs au marché de la distribution des carburants car la grande concentration que connaît le secteur (2 groupes se partagent les provinces du sud et 4 monopolisent le reste des régions du Maroc, car la similarité des prix appliqués par les stations est le résultat de cette concentration et des similitudes des frais de gestion des stations de distribution qui ont adopté un même modèle). 

- Au cours de la période de transition, qui fait suite à la levée de la compensation sur les produits pétroliers, il faut mettre en place des mécanismes de contrôle pour combattre l’entente entre les sociétés de distribution des carburants en ce sens que le prix plafond est devenu le prix unifié imposé par tous les distributeurs portant ainsi atteinte à la concurrence entre les différents intervenants du secteur.
- Œuvrer au changement de la cartographie des distributeurs de carburants de manière radicale afin d’accompagner la libéralisation du secteur.
- Donner la possibilité à tous les supermarchés d’ouvrir des stations de carburants sous leurs enseignes comme en Europe (la France comme exemple) qui vendent les carburants avec une faible marge de bénéfices en tant que produit d’appel.
– Renforcer le contrôle sur les stations de distribution des carburants situées dans les autoroutes lesquelles profitent de leur présence sur un même tronçon pour s’entendre sur les prix de manière spontanée ou volontaire, le client ne disposant pas d’un autre choix. 

- Revoir le calendrier adopté par les sociétés pour réviser les prix de vente et qui était en cours avant la libéralisation et qui consiste à revoir les prix au début et au milieu du mois et ce afin d’éviter l’entente sur un même niveau de baisse ou de hausse des prix de carburants.


Source : Article19.ma

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