Le prix à payer pour dire oui à Macron !

Sagesse, Engagement, Liberté : le triptyque de la visite de Macron chez les Cathos ou comment les catholiques doivent réinvestir le champ politique en ne mettant pas la vérité sous le boisseau ?
Lundi 9 avril 2018, le Président de la République était l’invité de la Conférence des Évêques de France dans le cadre prestigieux du Collège des Bernardins, pour servir à « une réparation du lien entre l’Eglise et l’Etat » pour reprendre la formule du Président.

Des mots choisis et une stratégie bien pensée

De part et d’autre, les esprits les plus chafouins se sont étonnés, voire offusqués que l’on invite le Président et qu’il vienne. Comme il l’a expliqué, les catholiques sont des concitoyens et ils se doivent d’être respectés comme tel, fustigeant au passage ceux qui ont usé de la récupération électoraliste et ceux, de ses prédécesseurs notamment, qui ne juraient que par l’exclusion de tout ce qui ressemble à un catholique, encore plus s’il est un clerc.
Le Président a offert une tribune très bien structurée et charpentée, convoquant les écrivains catholiques engagés et faisant référence à l’Ecriture, un Président cultivé, allant même jusqu’à évoquer à travers une citation, la dernière Exhortation Apostolique du Pape François publiée le jour même.
Oui, nous pouvons largement critiquer ce discours et démonter ce qu’il dit en lisant des intentions plus ou moins cachées, que l’on suppute la plus-part du temps en écoutant un homme politique qui fait le contraire de ce qu’il dit.
Au début, le Président semble mettre l’idéal maçonnique au même niveau que la foi catholique, alors que les deux appartenances sont incompatibles.
Nous pouvons lui reprocher de légitimer de nouvelles formes de familles en décrivant « ces concitoyens qui cherchent à créer des cellules familiales de modèles traditionnels à partir de schémas familiaux qui le sont moins », laissant sous-entendre que comme les prêtres les accompagnent, ces schémas sont ainsi légitimés par l’Église elle-même. De tout temps, il y a eu des réalités diverses, nous ne pouvons le nier mais là où nous ne pouvons être d’accord c’est quand l’Etat en fait la promotion et la légitimation au détriment du bien commun. L’accompagnement et le respect des personnes n’ont jamais entrainé la reconnaissance légale et la justification de comportements opposés au bien des plus fragiles.
D’aucuns diront qu’il a voulu amadouer les catholiques, les endormir, les enrôler dans sa marche réformiste, libérale libertaire et surtout démobiliser les laïcs catholiques directement concernés par les lois sociétales qu’il veut faire passer en pétrifiant l’épiscopat toujours sensibles aux promesses d’un concordat qui les vassalise. La tranquillité vaut bien de belles déclarations et les attentions du politique pour obtenir le silence des clercs et la condamnation de ces « catholiques atroces » qui ne lâchent rien.
Peut-être ou peut-être pas, nous ne sommes pas dans son cœur ou dans sa tête.
Pourquoi ne pas le prendre au mot ?
Et en même temps !
Et si nous prenions le sujet différemment ?
Et si nous sortions de notre torpeur ?
Et si nous écoutions et entendions le Président ?
Et si nous comprenions ce qu’il veut nous dire ?
Et si nous avions le courage d’aller au-delà de ce qu’il représente ?
Le Président a convoqué l’Union Sacrée de 1914 où contre toute attente de la part des Républicains, les Catholiques ont rejoint le front pour se battre pour la mère Patrie. Il a fait référence aux résistants, aux Justes, aux fondateurs de l’Europe, au Père Hamel et enfin au Colonel Beltrame. Toutes ces figures qui chacune à leur façon, ont donné par leur engagement, un supplément d’âme à la France.
Ainsi, le Président a voulu nous montrer qu’il ne veut pas laisser les Catholiques aux marches de la République mais nous invite à y prendre notre part, à continuer de nous y investir et d’y être présents dans le social, dans l’éducation, dans la culture, mais aussi dans la politique.

Il nous invite à faire un triple don : Don de notre sagesse, Don de notre engagement et Don de notre liberté.La première réaction peut être de se dire que nous n’avons pas besoin de sa demande, ni de son autorisation pour nous donner, la seconde réaction est que si ces dons doivent être faits, il faut qu’il le soit avec tout l’amour que nous pouvons avoir pour notre pays, la France.
Le Président nous invite à être nous-mêmes, il nous invite à être « ce point fixe », à ne pas dévier et à ne pas être dans l’air du temps mais bien ancrés dans nos convictions, sans être donneurs de leçons mais simplement présent au monde et rappelant les fondamentaux de la vision que nous avons de l’homme, de tout l’Homme, de tous les Hommes. 
Reprenant même cette citation de Pascal au sujet de la religion chrétienne « Vénérable parce qu’elle a bien connu l’homme ». Il nous rappelle, peut-être sans le vouloir, combien la vision anthropologique que porte l’Église grâce à la révélation est si riche et si importante. Nous avons là un trésor à faire voir au monde.
Nous sommes face à un Président qui nous interpelle, il veut que nous soyons ce petit caillou dans la chaussure républicaine, qui lui rappelle que l’on ne peut pas tout faire, tout autoriser et si j’osais, qui lui rappellerait selon la formule de Saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens (1Co, 10, 23) que « tout m’est permis mais tout ne m’est pas profitable », cela peut aussi s’appliquer à un pays.
Dans sa conclusion, le Président nous renvoie à notre responsabilité.
Accepterons-nous cette responsabilité ou allons-nous la refuser ?
Où sont les catholiques en politique ?
Allons-nous continuer à nous plaindre de ne pas être entendu, ni même écouté ?
Les Papes nous invitent à ce même engagement mais eux nous invitent à ne pas mettre la vérité sous le boisseau et à la proclamer. Il ne faudrait pas que l’appel présidentiel à la prudence soit compris comme un sacrifice de la vérité face à la réalité mais bien comme la soumission de la volonté à la vérité. Et bien entendu, de le faire avec l’humilité qui sied aux enfants de Dieu.
Et si nous réfléchissions autrement ?

Et si nous nous disions qu’il a raison de dire que les catholiques ont délaissé le champ politique ?

Entend-on la voix des catholiques dans La République en Marche alors qu’on nous dit qu’ils sont nombreux ? En politique comme au judo on peut battre un adversaire plus fort que soi en prenant appui sur lui, en utilisant sa force pour le faire basculer ?
Les catholiques ont investi depuis longtemps le terrain de la charité et du social, où ils excellent au service des plus pauvres de notre société. D’autres ont investi le champ de l’éducation à travers les écoles et l’enseignement, la République sait ce qu’elle doit aux écoles catholiques notamment dans l’exigence d’un niveau solide d’instruction.
Mais où sont les catholiques dans la politique ? Bien entendu des catholiques sont élus, sont présents dans des partis politiques mais quel cadre d’action leur donne-t-on ? Quel soutien leur offre-t-on dans ce quotidien ? Quel supplément d’âme un catholique qui est élu doit-t-il avoir ?
Quel peut être l’apport d’un engagement des catholiques aujourd’hui ?
Dans sa sagesse l’Eglise enseigne une Doctrine Sociale, car « La Révélation chrétienne conduit à une intelligence plus pénétrante des lois de la vie sociale. » Cet enseignement est fondé sur la nature et la raison. Il est donc accessible à tous.
Il est essentiel que tous les catholiques connaissent et sachent utiliser ce corpus pour décrypter le monde dans lequel nous vivons. 
L’Eglise donne également des lignes de forces pour ceux de ses enfants qui s’engagent en politique, nous pouvons relire la note signée du Cardinal Ratzinger en 2002, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui revenait de façon précise sur les conditions et les risques de l’engagement des catholiques dans la vie politique . Nous pouvons aussi nous souvenir des principes non négociables proposés en 2006 .
Nous voyons un monde qui évolue sans cesse et de plus en plus rapidement, il est important que des hommes et des femmes puissent prendre le temps de comprendre le monde et de poser des balises pour nos contemporains.

Si nous, les catholiques, ne nous engageons pas et si nous n’aimons pas le monde dans lequel nous vivons, qui le fera ? Aimer c’est vouloir le bien de l’autre jusqu’au don de soi. Nous sommes invités à donner notre vie pour que le monde soit sauvé. Il ne s’agit pas d’un échange comme le négocierait un lobby « donnant-donnant ». 
Les catholiques, laïcs et clercs, n’ont pas à soutenir Macron contre tel ou tel avantage puisque le bien que nous cherchons n’est pas celui d’un « clan catholique » mais le bien commun de tous. Défendre la vie ou le droit d’avoir un père et une mère pour l’enfant, l’accompagnement de la souffrance et non l’euthanasie, ne sont pas des demandes au profit des catholiques mais pour tous les français.

L’expérience montre qu’il ne suffit pas de lire un livre pour mettre en œuvre la Doctrine Sociale de l’Église. Souvent la dignité de la personne humaine, fondement de la vision anthropologique que propose l’Église n’est pas bien comprise puisque c’est au nom même de la dignité de la femme ou du malade que des droits comme celui de l’avortement et de l’euthanasie sont revendiqués.
Pourtant, cette doctrine est partageable avec le monde car elle se fonde sur les lois de la vie sociale observables, sur la nature humaine qui est justement ce que nous avons en commun avec tous les hommes, point de rencontre possible dans notre dialogue avec les autres religions et philosophies.
Mettre en œuvre ces lois de la vie sociales nécessite de les travailler, de les assimiler, de les comprendre,  mais surtout d’en vivre et de les respecter.
Mais si les catholiques ne vive pas leur foi, ils ne pourrons être les témoins authentiques de ce qu’ils croient. Nous ne pouvons être que doctrinaires, idéologues rigoristes ou relativistes or. il nous est demandé d’être la lumière qu’on ne met pas sous le boisseau, ces phares dans la nuit qui proposent un chemin balisé pour le bien de l’Homme et de tous les Hommes.
Urgence catholique face à la provocation de Macron
Alors l’urgence s’impose ! Oui le discours du Président est une provocation !
Urgence d’une formation à la Doctrine Sociale de l’Eglise, à l’anthropologie chrétienne qui porte cette vision de l’homme et de ce qu’il est pour lui-même et pour le monde.
Urgence d’une formation à l’action politique, à la déconstruction de la subversion, à l’action culturelle …
Urgence d’une formation des intelligences et d’une transformation des cœurs.
Sans cette clé, comment faire le triple don de la sagesse, de l’engagement et de la liberté qui nous est demandé.
Sans cette formation et cette transformation préalable, les applaudissements et les soutiens des catholiques au discours « séduisant » du Président ne seront que consentement à la tromperie et à l’abdication de leurs responsabilités.
La grandeur des catholiques n’est-elle pas d’être capable de faire vivre la France et l’Europe de cette « sève catholique » qu’il nous faut d’abord aimer pour la faire connaître.
Cette « sève catholique » n’est pas à chercher dans une construction nouvelle ni dans le processus de soumission aux impératifs de la mondialisation et de l’argent par abandon de la vérité sur le bien.

Les catholiques doivent répondre présents, sentinelles de l’invisible, pour rappeler qu’il n’y a qu’un seul sauveur, Jésus-Christ qui est le chemin, la Vérité et la Vie.


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