Marée populaire... ou insurrection?



Marée populaire... ou insurrection?


La police lance un assaut en marge de la manifestation à Paris pour la défense du service public, le 22 mai 2018 (illustration)

La préfecture ne semble pas inquiète du déroulé de la manif unie de samedi à Paris, mais le dispositif policier sera imposant.

"Cette fois ça devrait bien se passer", souffle un commandant d'une compagnie de CRS. Après les fâcheux débordements du 1er mai -voitures brûlées, commerces saccagés, jets de projectiles et cortège disloqué- la préfecture de police de Paris semble tenir fermement la barre. La manifestation des fonctionnaires du 22 mai, ou encore la kermesse anti-Macronorganisée par le député insoumis François Ruffin le 5 mai se sont déroulées sans gros incidents. Mais elles n'étaient que les prémices de celle qui se profile ce samedi et pour laquelle l'affluence sera toute autre, espèrent les organisateurs. 
Pour sécuriser cette "Marée populaire" - car tel est son nom - du 26 mai qui défilera à Paris (et partout en France) sur un parcours s'étirant, sauf changement de dernière minute, de la Gare de l'Est à la place de la Bastille, en passant par celle de la République, la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) a vu les choses en grand. 

Marée basse, côté manifestants ?

Si la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon et la CGT de Philippe Martinez rêvent de voir se lever des vagues de manifestants, ils ne pourront pas compter sur un front uni de la gauche pour faire monter l'eau. Le parti socialiste, qualifié d'infect "boulet de la gauche" par le chef de file des insoumis, s'est notamment refusé à participer à cette "Marée populaire". Et côté syndicats c'est plutôt une marée basse qui se profile puisque ni Force ouvrière, ni la CFDT n'ont cette fois daigné unir leurs forces à celles des vilipendeurs de la politique "antisociale" du gouvernement. "Nous n'avons pas encore de projection de la participation", confie à la veille du rassemblement un CRS qui participera au dispositif de sécurisation, mais on imagine bien qu'ils seront tout de même beaucoup plus nombreux que pour la manifestation des fonctionnaires le 22 mai". Ils étaient alors 16 000 à Paris et près de 140 000 dans tout la France à travers 180 rassemblements. 
Ce sont d'ailleurs moins les organisateurs officiels de la manifestation que les éléments perturbateurs qui pourraient tenter de s'y greffer qui inquiètent les forces de l'ordre. Elles gardent en mémoire les dégâts causés, presque en toute impunité une heure durant, par quelques 1200 black blocs qui s'étaient arrogé la tête du cortège lors du défilé du 1er mai, se livrant à une véritable démonstration de force. Cette fois encore, les services de renseignement de la préfecture ont vu poindre sur les réseaux sociaux des appels plus ou moins explicites à l'action violente en marge du défilé.  
"Certains groupes essaient de rallier un maximum de monde et leur champ lexical est parfois alarmant", développe un fonctionnaire contacté par L'Express. La "marée insurrectionnelle" rêvée par les plus radicaux aura-t-elle lieu pour autant ? Rien n'est moins sûr: les derniers chiffres constatés n'incitent pas au pessimisme. Les éléments violents n'étaient pas plus de 200 le 5 mai lors de "la fête à Macron", et seulement un poignée à Paris le 22 mai dernier. Et si après être descendue, ce genre de marée finit généralement par remonter, une source à la direction du renseignement de la préfecture n'affichait ce vendredi "aucune inquiétude sérieuse". 

Marée haute côté force de l'ordre

Surtout, à l'initiative de la CGT, les organisations à l'origine des mots d'ordres de la manifestation se sont réunies dans la semaine, au siège du syndicat, pour mettre en place un dispositif, en concertation avec les autorités, de nature à "prévenir toute tentative d'intrusion massive" d'éléments perturbateurs violents, révèle la même source. 
Cela n'empêchera pas les services du préfet de Police de Paris Michel Delpuech de parer à toute éventualité en déployant de gros moyens. Selon nos informations, un total de 14 unités de CRS devraient être déployées dans les rues de la capitale, soit plus de 1200 fonctionnaires. Ils seront en outre appuyés par au moins cinq escadrons de gendarmes mobiles, portant le total du nombre de policiers en uniforme autour de 1600. "On sent qu'il y a eu une grosse réflexion de la part de la préfecture après les débordements du 1er mai", analyse un CRS pour qui le dispositif est presque aussi imposant que lors des manifestations monstre contre le CPE au printemps 2006. 
Côté équipement, ils pourront également s'appuyer sur six véhicules ELE, ces engins lanceurs d'eau, plébiscités par la troupe, dont l'usage s'est étendu après l'agression au cocktail Molotov d'un CRS lors du défilé du 1er mai 2017. "C'est deux fois plus que lors des manifestations précédentes", signe que les autorités ne veulent rien laisser au hasard. Comme pour la fête du travail, et au terme d'un débat moins vif avec les syndicats, le préfet de police a également autorisé l'usage de lanceurs de balles de défense, calibre 40 millimètres, le plus dissuasif. Mais sauf vague de violence, ils devraient rester dans les camions: "Il n'y a aucun intérêt à afficher des moyens disproportionnés si tout se passe bien", résume une source syndicale. 

Surtout pas de marée noire

Sur le papier, le dispositif prévu a tout pour satisfaire les policiers qui seront en charge du maintien de l'ordre. "On nous donne clairement les moyens d'assurer notre sécurité et celle des manifestants", estime un CRS qui juge toutefois l'événement sensible. "Les organisateurs mélangent de nombreux mots d'ordre et on ne sait jamais comment ce genre de cocktail peut tourner". Une allusion à la convergence qui se dessine entre différents mouvements.  
Les organisateurs pourront par exemple compter sur le renfort des étudiants contre la sélection à l'université et des lycéens contre les ratés de la plateforme Parcoursup. Mais aussi les associations des quartiers populaires et notamment le comité Vérité et justice pour Adama Traoré qui sont appelés à défiler en tête du cortège. Ou encore les zadistes qui pourraient se montrer à Paris, et plus sûrement à Nantes, en soutien à Maxime, cet étudiant qui a eu la main arrachée en ramassant une grenade lacrymogène à Notre-Dame-des-Landes.  
Tous défileront samedi et, même si la météo fait des siennes, il y aura des familles et des enfants. De quoi garantir "une ambiance bon enfant" veulent croire les organisateurs qui, à l'image d'Alexis Corbière, ont appelé à éviter toutes "les caricatures qui peuvent être interprétées comme des appels à la violence". 
De quoi aussi inciter les forces de l'ordre à une vigilance toute particulière 

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