Au Maroc, on parle encore de RSE 1.0. Il faut passer outre !

Au Maroc, on parle encore de RSE 1.0. Il faut passer outre !


Résultat de recherche d'images pour "shared value"Ce jeudi 28 juin 2018, j’ai participé à la 5ème Conférence Internationale sur la Responsabilité Sociale des Organisations qui a eu lieu à Casablanca. 
Au menu, des tables rondes, des rencontres, et une poignée de chercheurs discutant les dernières avancées scientifiques en matière d’innovation sociale, de développement durable et de responsabilité sociétale. Deux observations sont imminentes, paradoxales et inquiétantes. 
La première est la valse sur laquelle dansent encore une grande partie des grandes et moyennes entreprises de la place lorsqu’elles parlent de responsabilité sociale, ou ce qui est appelé RSE. La seconde représente les dernières tendances et avancées scientifiques sur le sujet. 
Pour la première, les cimentiers, les miniers, les industriels… font tous de la RSE, d’une manière ou d’une autre. Dans la forme, c’est correct, voire même apprécié et applaudi par la communauté des affaires et des institutionnels. Ces entreprises font des actions de philanthropie, d’apport en aides à la communauté où elles opèrent, certaines réfléchissent même à des actions qui soulageraient les maux sociaux les plus pressants qui touchent directement ou indirectement à la santé du business. Elles se retrouvent ainsi en train d’anticiper les séquelles d’un éventuel écroulement social ou pénalité régulatoire en appliquant des baumes apaisants sur tel ou tel aspect social ou environnemental.
Mais, au fond, et en prenant du recul quant à l’efficacité des actions de ces entreprises, l’on reste plutôt indécis. La transformation sociale est difficile. Elle requiert un investissement en temps, en matière grise, et en moyens. Elle requiert surtout de l’audace. L’audace de s’arrêter sur ses acquis et de pouvoir les remettre en question. Admettant que ces entreprises qui se veulent socialement responsables soient essentiellement motivées par la résolution de problèmes sociétaux, la réalité a montré que si l’approche adoptée par ces acteurs a apporté des résultats positifs pour une tranche de la communauté, ces résultats restent néanmoins confinés dans l’espace et dans le temps, ne pouvant générer un impact social profond, durable et surtout réplicable sur une population plus large. Après plusieurs années d’œuvres sociales et de budgets dépensés, le taux de chômage des jeunes est toujours croissant (40% informellement), les disparités entre les riches et les pauvres encore plus profondes (un taux multiplicateur de 12 d’après Oxfam), et la dégradation de l’environnement (pollution urbaine, accès à l’eau, à l’énergie…) s’accentue. Est-ce à dire que ces actions de RSE ne servent à rien ? Que c’est un effet de mode qui passera et qu’il revient au gouvernement et à lui seul, au bout du compte, de s’acquitter de ses responsabilités de création du bien-être social ?
Absolument pas, évidemment ! Ceci nous amène à la deuxième observation qui est celle des apports de la recherche scientifique. Let’s face it. Aujourd’hui, les leaders scientifiques et professionnels ne parlent plus de la RSE dans sa forme de philanthropie et de solidarité. C’est décrit comme étant archaïque, inefficace, et inefficient. Les actions d’œuvres sociales et environnementales satellites au cœur du business – ou encore non matérielles au business – ne sont pas vouées à produire un impact sociétal durable. Il est aujourd’hui prouvé par des études empiriques que les entreprises qui mettent en œuvre des stratégies de durabilité (sustainability) matérielles au business et directement liées à celui-ci sont celles qui sont susceptibles de s’inscrire le plus efficacement et le plus longtemps dans un processus de création de valeur sociétale et de développement économique, social et environnemental.
Image associéeUn exemple de concept lié à cette perspective est celui de Création de Valeur Partagée (Created Shared Value) introduit par Michael Porter et articulé autour de la reconfiguration de la chaîne de valeur de l’entreprise ainsi que de ses produits et services pour servir la communauté (et se servir ?) au mieux. Par la création de clusters et de partenariats win-win, l’entreprise crée un environnement où l’ensemble des parties prenantes trouvent un compte. Nespresso est donnée comme exemple d’agriculture responsable, Johnson&Johnson pour le bien-être des employés, Unilever pour l’achat responsable, etc. Le concept, attrayant théoriquement, fait tout de même l’objet de critiques par certains auteurs notamment en termes de faisabilité. Mais, il a néanmoins l’avantage de présenter un cadre, bien que non parfaitement précis, dont les entreprises peuvent s’inspirer pour penser de nouveaux modèles d’interaction avec leurs parties prenantes et leurs communautés en particulier.
De manière synthétique, que ce soit la Création de Valeur Partagée ou un autre concept équivalent, l’idée est de pouvoir repenser le business modèle, le développer, le retranscrire, de sorte à ce que la création de valeur économique se fasse pour et par la création de valeur sociale. C’est uniquement dans cette complémentarité intelligente et réfléchie que les entreprises peuvent espérer sortir de la spirale morale de la RSE 1.0.

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