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En Turquie, Erdogan peine à enrayer la crise de la livre turque

En Turquie, Erdogan peine à enrayer la crise de la livre turque

Des mesures annoncées par la Banque centrale freinent la chute de la devise nationale. Mais celle-ci a encore perdu 7 % contre le dollar dans la journée de lundi. Le chef de l’État dénonce un complot de l’étranger et poursuit en justice les twittos qui « mettent en péril » l’économie.
Légère lueur d’espoir sur la place Taksim. Ce vendredi, les tableaux clignotants des bureaux de change qui entourent le carrefour stambouliote commençaient à légèrement se stabiliser. Après la panique provoquée par sa dégringolade vertigineuse de vendredi dernier, la livre turque a légèrement remonté dès l’annonce par la Banque centrale d’un plan de sauvetage. Mais par rapport à la clôture de vendredi soir, la devise a encore abandonné 7 % dans la journée face au dollar.
Au menu: l’octroi de toutes les liquidités dont les banques auraient besoin ainsi qu’une réduction des ratios de réserves obligatoires exprimées en livres et en devises. Dès dimanche soir, le ministre turc des Finances et gendre du président Erdogan, Berat Albayrak, en avait déjà donné la couleur en annonçant pour le début de semaine une batterie de mesures visant à stabiliser la monnaie nationale, dont la chute a déteint sur les marchés mondiaux. En cette mi-août, la Turquie est devenue le point focal de tous les investisseurs de la planète, certains craignant un effet de contagion financière qui pourrait se transmettre en premier lieu par les pays émergents comme l’Indonésie, le Brésil ou l’Afrique du Sud.
À l’origine de cette crise sans précédent: le bras de fer qui n’a cessé d’aller crescendo, ces derniers jours, entre la Turquie d’Erdogan et les États-Unis de Trump. La tension, exacerbée par le maintien en détention d’un pasteur américain, est montée d’un cran ce vendredi avec l’annonce par le président américain d’un doublement des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium turcs. «C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase», observe un politologue turc.

Guerre sur Twitter

Les jours précédents les deux hommes n’avaient cessé de se provoquer par discours et comptes Twitter interposés, l’un annonçant des sanctions contre deux ministres turcs, l’autre menaçant son adversaire de riposte. Mais cette escalade n’a fait que précipiter une crise économique que tout le monde redoutait depuis longtemps. «Cette crise était prévisible», observe l’économiste Ozlem Albayrak (sans lien de parenté avec le gendre-ministre). Inflation galopante (16 % en juillet en glissement annuel), augmentation de la dette extérieure, chute de la livre turque de 40 % depuis le début de l’année: les indicateurs étaient au rouge. Ce fameux «vendredi noir», la devise nationale s’est effondrée de 16 % en une seule journée.
Les économistes, qui suivent de près cette saga à rebondissements, pointent du doigt l’amateurisme du gouvernement. Avant de se redresser dans la foulée de l’annonce du plan de relance, la livre a d’abord enduré, ce lundi matin, une nouvelle chute: celle-ci, disent-ils, aurait pu être évitée si le ministre des Finances avait anticipé en annonçant ses nouvelles mesures avant l’ouverture des marchés.
«Ils sont toujours en retard, toujours en train de rattraper, toujours trop tard, et il y a alors déjà eu des dégâts. C’est un cas d’école sur la manière de ne pas gérer une crise»
«Ils sont toujours en retard, toujours en train de rattraper, toujours trop tard, et il y a alors déjà eu des dégâts. C’est un cas d’école sur la manière de ne pas gérer une crise», estime sur Twitter l’économiste Timothy Ash, de BlueBay Asset Management. Nombre d’experts, qui s’inquiètent également de la mainmise d’Erdogan sur l’économie, renforcée par la nomination de son gendre au portefeuille financier après sa réélection du 24 juin, prônent une augmentation des taux d’intérêt.
Mais le chef de l’État en a fait sa bête noire. Tentant de rassurer sa population, il réfute l’idée d’une crise financière comparable à celle des pays asiatiques il y a vingt ans, et continue à dénoncer un «complot». «Quel est le motif de cette tempête dans un verre d’eau? Il n’y a aucune raison économique […]. Il s’agit d’une opération menée contre la Turquie», a-t-il encore répété, dimanche, devant des partisans rassemblés à Trabzon, au bord de la mer Noire.
Ce lundi, les journaux progouvernementaux reprenaient à leur compte cette rhétorique en titrant sur les «défis» de la Turquie, tandis que des vidéos d’hommes d’affaires pro-Erdogan brûlant symboliquement des liasses de dollars circulaient sur les réseaux sociaux. Pour sa part, le ministre turc de l’Intérieur vient d’annoncer avoir entamé des poursuites judiciaires contre 346 comptes twitter accusés de «mettre en péril l’économie turque en publiant des informations provocatrices sur le taux de change entre la livre et le dollar».
Dans cette tragédie économique, un seul secteur sort gagnant: le tourisme. Depuis quelques jours, les hôtels des stations balnéaires, très prisées l’été, voient affluer une clientèle de dernière minute. 
À Istanbul, ce sont les centres commerciaux et leurs marques de luxe étrangères qui ont été pris d’assaut ce week-end. «Je me suis acheté deux paires de chaussure de marque allemande pour le prix d’une en France», se réjouit Florence, une touriste française.

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