Philippe Besson nommé consul à Los Angeles : pourquoi c'est un signal désastreux !
La nomination du romancier, auteur d'un récit louangeur sur la campagne d'Emmanuel Macron et ami du couple présidentiel, pose plusieurs questions.
Emmanuel Macron a donc décidé de récompenser très généreusement son principal hagiographe, Philippe Besson, ami du couple présidentiel et auteur d’un récit enamouré de la campagne victorieuse menée par le jeune et "fascinant" inspecteur des Finances ("Un personnage de roman", Julliard, 2017).
L'écrivain sera le prochain consul général de France à Los Angeles. Une place très convoitée parce que prestigieuse (Hollywood), pas éreintante (quelques passeports à renouveler) et particulièrement bien payée – grâce à l’indemnité de résidence (dont le montant exact est… secret), plus de 12.000 euros, voire 15.000 à 18.000 euros par mois, et cela, net d’impôt dans la poche du récipiendaire, qui, pendant son séjour sur la côte ouest des Etats-Unis, sera très confortablement logé, nourri et blanchi aux frais de la princesse.
L'écrivain Besson prochain consul général à Los Angeles
Le fait du prince
De prime abord, cette péripétie prête à sourire dans cette macronie qui adopte les pires travers du vieux monde. Surtout lorsque le zélé porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, lance, pour justifier la chose :
"Je me réjouis qu'on sorte un peu uniquement des profils qui ont fait le Quai d'Orsay et l'ENA."
Evidemment, il oublie de mentionner que les quatre principaux responsables de l'exécutif – le président, le secrétaire général de l'Elysée, le Premier ministre et le directeur de cabinet de celui-ci – sont eux-mêmes issus de l'Ecole nationale d'administration. Et que nombre de postes pourvus par ce nouveau pouvoir ont été confiés à des énarques, à commencer par la présidence de Radio-France et celle de l'AFP. Amusant, donc. Mais, à y regarder de près, cette nomination-récompense est moins risible et plus inquiétante qu’elle n’y paraît.
Ils vont diriger Radio France et l'AFP : le triomphe des énarques
Il y a d’abord le message adressé aux diplomates de carrière. La nomination de Philippe Besson a été connue le lendemain du discours d’Edouard Philippe aux ambassadeurs français, réunis à Paris pour leur conférence annuelle. Or, ce jour-là, le Premier ministre a annoncé une baisse de 10% des effectifs du Quai d’Orsay à l’étranger d'ici à la fin du quinquennat en 2022, soit une suppression de 2.000 postes. Le but : faire baisser la masse salariale du ministère de 110 millions d’euros. Et voilà que le chef de l'Etat décide, fait du prince, de l’augmenter de plusieurs centaines de milliers d’euros avec la nomination de Besson. Et de priver des jeunes diplomates méritants, dont beaucoup rongent leur frein à Paris, d’un poste à l’étranger.
La tradition des ambassadeurs-écrivains
La belle affaire, direz-vous ! Les ambassadeurs-écrivains, voilà une tradition française bien établie. Certes. Mais regardons qui sont ces fameux écrivains. Saint-John Perse ? Claudel ? Giraudoux ? Gary ? Tous étaient diplomates... avant d’être des romanciers ou des poètes célébrés. Gary ? Romain Gary est entré dans la carrière "en considération des services rendus pour la patrie pendant la guerre", ce qui, à plus ample informé, n'est pas le cas de Philippe Besson.
Et Rufin ? Même Jean-Christophe Rufin, nommé ambassadeur au Sénégal par son ami Kouchner, a été attaché d'ambassade dans sa jeunesse et même membre du cabinet d’un ministre de la Défense, sans parler de ses postes à grande responsabilité à Médecins sans frontières (MSF) et à la Croix-Rouge.
Reste, c’est vrai, Daniel Rondeau, nommé ambassadeur par son ami Nicolas Sarkozy. L’écrivain-voyageur n’était pas diplomate. Mais il a été nommé dans une capitale à l’enjeu diplomatique quasi-nul – où, aux dires des hommes de l’art, il a d’ailleurs bien servi la France. Et puis c’était la sarkozie, le vieux monde, non ?
Règles de nomination modifiées !
Las ! Afin de rendre possible cette promotion-éclair, le chef de l’Etat n’a pas hésité à changer les règles de nomination dans la République. Jusqu’à présent, seuls les ambassadeurs faisaient partie des postes diplomatiques à disposition du gouvernement, c’est-à-dire qu’eux seuls étaient nommés, en conseil des ministres, par le président de la République qui pouvait choisir qui bon lui semble. En revanche, tous les autres postes du Quai d’Orsay devaient, de par la loi, être confiés à des diplomates de carrière. Mais un décret pris au cœur de l’été, le 3 août, a changé cette règle ancienne.
Il étend la liste "des emplois supérieurs laissés à la décision du gouvernement" à "vingt-deux postes de consuls généraux particulièrement importants". Sur le principe, cette "ouverture" n’est pas scandaleuse. La haute fonction publique souffre à l’évidence de son entre-soi. Mais, à l’évidence, cette décision a été prise non pour faire entrer de l’air frais sous les lambris du Quai d’Orsay (qui en aurait sans doute besoin), mais pour pouvoir récompenser un ami. Signal désastreux !
Désastreux à l’endroit des hauts fonctionnaires qui vont se dire que, plus que jamais, pour faire carrière, il faut être un courtisan. A l’endroit des citoyens aussi qui vont se demander si finalement la macronie n’est pas qu’une "République des copains" new-look.
Bref, si le chef de l'Etat, qui se dit si opposé aux populistes, voulait les booster, il ne s’y prendrait pas autrement.
Par Vincent Jauvert
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