INÉGALITÉS SOCIALES. COMMENT RÉDUIRE LE GAP ?

Les inégalités d’accès à l’éducation, la santé et l’emploi sont les vecteurs qui creusent le fossé social. Consolider le système d’information, agir en amont des inégalités et l’intégration des jeunes sont les pistes privilégiées par le gouvernement.

L’étude élaborée par la Direction des études et des prévisions financières (DPEF) avec comme problématique «la question des inégalités sociales : Clés de compréhension, enjeux et réponses de politiques publiques» cherche une plus-value qui tire la sonnette d’alarme sur les causes de l’amplification du phénomène. 

Tout en indiquant que la paupérisation ainsi que le creusement des inégalités est un phénomène mondial, les rédacteurs de l’étude semblent être conscients de la complexité de la question visant à agir sur les inégalités à leur genèse ainsi que pour les mécanismes de redistribution pour corriger les insuffisances du modèle de partage de la richesse nationale. 

Pour schématiser, ce sont 3 causes majeures qui entretiennent les inégalités que sont l’éducation, la santé et l’emploi ; les secteurs «névralgiques sur lesquels une action vigoureuse devrait être déployée en vue d’infléchir la situation actuelle», indique l’étude de la DPEF.

Plusieurs mesures proposées

Pour ne pas se cantonner dans le rôle de l’observateur passif, la DPEF a cherché plutôt à lister des mesures qui doivent désormais guider les politiques publiques et les efforts agrégés en vue de lutter contre l’injustice sociale qui est la somme des inégalités relevées. En gros, le département de Benchaâboun insiste sur «le recours aux leviers structurels pour agir à l’amont sur les inégalités sociales». 

À côté de ces leviers structurels qui pourront constituer un puissant rempart contre la prolifération des disparités sociales et spatiales, la DPEF recommande «de placer la question de l’inclusivité genre et de l’intégration des jeunes au cœur des politiques publiques de lutte contre les inégalités». Il s’agit pour le gouvernement de renforcer la convergence des dispositifs dédiés au ciblage, qui devra être accompagné de «la consolidation du système national de l’information en vue de favoriser la collecte et le traitement des données sur les inégalités». La nouvelle approche devra aussi se baser sur un nouveau système d’évaluation dans l’objectif de relever les insuffisances qui affectent les conditions de vie des individus et leur aptitude à assurer leur mobilité sociale. À noter que le positionnement du Maroc par rapport à un échantillon de 11 pays comparables permet au Maroc d’occuper une position favorable même si des efforts supplémentaires devront être déployés en matière d’éducation. Les contre performances du Maroc dans le secteur de l’enseignement sont perceptible à travers divers indicateurs traités par le rapport de la DPEF, notamment la durée moyenne de scolarisation (DMS) qui est de 5 ans contre 8,4 ans comme moyenne internationale, ce qui fait de la problématique de la déperdition scolaire l’un des facteurs originels de l’inégalité. En dehors de l’impact néfaste du système éducatif sur le creusement des inégalités, l’étude souligne avec force l’urgence de l’élargissement des bases de création de la richesse nationale et le relèvement du contenu en emplois, tout en «intensifiant les efforts pour atténuer les effets négatifs sur la vigueur de la consommation des ménages en vue de procéder à la régularisation des prix des biens et des services qui pèsent sur le budget domestique», précise l’étude. 


Les manifestations de l’inégalité

Pour la DPEF, le débat sur les inégalités qui renvoie souvent aux disparités en termes de répartition des richesses reste fractionné et ne permet pas d’élucider les dimensions des inégalités, dont notamment celles des capacités
d’accès aux services socioéconomiques de base ou pour la lutte contre les entraves structurelles à la mobilité sociale. Le constat de la DPEF cite le lancement par le Maroc de plusieurs initiatives dans le domaine social qui a favorisé l’amélioration des conditions de vie des populations. «Dans le sillage de la progression régulière du revenu national brut par habitant, la pauvreté monétaire a été fortement réduite, passant de 15,3% à 4,8% respectivement entre 2001 et 2014. 

Quant à la pauvreté multidimensionnelle, celle-ci a baissé significativement pour passer de 24,5% en 2001 à seulement 6% en 2014», selon les données de l’étude. La baisse importante de la pauvreté dans ses multiples dimensions s’est accompagnée d’un recul du taux de vulnérabilité, qui s’est établi en 2014 à 12,5% contre 22,8% en 2001, soit une baisse de 10,3 points. Il a atteint 7,9% en milieu urbain et 19,4% en milieu rural en 2014 contre 16,6% et 30,5% respectivement en 2001. Pourtant «la pauvreté et la vulnérabilité restent des phénomènes ruraux par excellence au Maroc», comme le déplore la DPEF. 

Malgré ces avancées positives, les inégalités affichent une résistance à la baisse, de même que par milieu de résidence, les inégalités sont plus intenses en milieu urbain. Sur une échelle régionale, les inégalités sont plus prononcées dans les grandes métropoles du pays, dont notamment Rabat-Salé-Kénitra et Casablanca-Settat. 

En outre, dans sept régions, les indicateurs restent en deçà de la moyenne nationale. De fait,  l’examen de l’évolution des inégalités sur la période 2001-2014 laisse apparaître une dynamique de rattrapage, quoiqu’à un rythme différencié au niveau des régions de Casablanca-Settat, Souss-Massa, Marrakech-Safi et Béni-Mellal-Khénifra. En revanche, les autres régions ont accusé des hausses différenciées du niveau des inégalités. 


De nouveaux instruments sophistiqués pour le suivi

La consolidation du système national d’information passe d’abord par changer le mode de mesure des inégalités au Maroc qui est d’ordre monétaire et qui sont issues des deux principales enquêtes du HCP. La DPEF suggère de remplacer ce critère par un autre plus large «à partir des données sur les revenus, à l’instar des pays avancés et d’autres économies émergentes». L’alignement sur cette approche serait opportun pour capter la complexité des inégalités et mieux cerner sa dynamique. La production statistique des données devra «mesurer l’efficacité des actions déployées dans toutes les dimensions».

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