Le grand Israël des rois David et Salomon n'a jamais existé !

Le grand Israël des rois David et Salomon n'a jamais existé, foi d'archéologue juif.

De nouvelles découvertes archéologiques remettent en cause l'existence d'un royaume unifié aux XIe et Xe siècles avant J.-C., provoquant l'effondrement d'un pilier important de l'identité juive. 
Certains juifs en colère parlent de lecture révisionniste
L'Israël biblique tel que le décrivent les cinq premiers livres de la Bible, ainsi que les livres de Josué, des Juges et de Samuel, n'a jamais existé. Les découvertes archéologiques menées au Moyen-Orient depuis une cinquantaine d'années ont permis aux savants de se faire une raison: l'aventure des patriarches Abraham, Isaac et Jacob relève plus de la saga homérique que du récit historique, l'Exode, cet épisode qui conte la libération des Hébreux du joug égyptien grâce à Moïse, n'est qu'un pur produit mythologique, et la conquête de Canaan par Josué, le successeur de Moïse, n'a jamais eu lieu. 
Pour les archéologues, la Bible commençait à dire vrai – d'un point de vue historique – à partir des chapitres qui évoquent les règnes de David et Salomon, et ceux de leurs successeurs. Mais voici que les dernières découvertes archéologiques remettent également en cause l'histoire glorieuse de ces deux rois, et donc la monarchie unifiée d'Israël, considérée comme l'âge d'or de la Terre promise. Une histoire qui continue à jouer un rôle fondamental dans l'imaginaire juif contemporain. 
Dans le livre* qu'ils viennent de publier, Israël Finkelstein, directeur de l'Institut d'archéologie de l'Université de Tel-Aviv, et Neil Asher Silberman, directeur historique au Ename Center for Public Archaeology and Heritage Presentation de Belgique, offrent une perspective entièrement nouvelle de l'histoire de l'antique Israël, susceptible de remettre en question certains piliers de l'identité juive.
Les deux archéologues ne doutent pas de l'existence du roi David ni de celle de son fils Salomon (970-931 av. J.-C.) et de ses successeurs, mais ils remettent en question la nature de leur monarchie. Selon eux, ces deux rois n'ont jamais gouverné le royaume fabuleux décrit dans la Bible. Comme l'écrivent les auteurs, «politiquement, David et Salomon ne furent guère que des chefs de clan dont le pouvoir administratif, local, s'étendait uniquement sur la région montagneuse qu'ils contrôlaient», à savoir Juda, qui n'était en aucun cas un Etat constitué à l'époque.
La première monarchie digne de ce nom fut celle des Omrides, qui émergea dans le royaume du Nord à la fin du Xe siècle et au début du IXe, et à qui les archéologues attribuent aujourd'hui les puissantes constructions découvertes à Megiddo, à Gézér ou à Haçor. Autrefois, les savants étaient convaincus qu'elles étaient le fait de Salomon, comme le suggère la Bible.
Quant à Juda, ce n'est qu'au VIIIe siècle qu'il montre les signes d'une véritable puissance régionale, après que son riche rival du Nord eût été terrassé par les invasions assyriennes en 722. Selon Finkelstein et Silberman, les découvertes archéologiques permettent donc d'affirmer avec certitude aujourd'hui que Juda et Israël n'ont jamais formé une entité politique unie, et qu'ils ont entretenu très peu de liens entre eux.
Les archéologues expliquent cette indifférence mutuelle en révisant l'histoire de l'émergence du peuple israélien. Si l'Exode et la conquête de Canaan n'ont pas eu lieu, d'où viennent les Israélites ? Selon Finkelstein et Silberman, les premiers Israélites étaient en fait des autochtones, c'est-à-dire que leur origine était cananéenne. Pasteurs nomades, ils se sont peu à peu sédentarisés sur les hautes terres et en bordure des déserts aux alentours de 1200 av. J.-C. 
L'archéologie démontre qu'ils n'ont pas envahi ni détruit les cités cananéennes, qui se sont effondrées l'une après l'autre en l'espace d'un siècle pour des raisons encore obscures. 
Ainsi, «l'émergence d'Israël fut le résultat, et non la cause, de l'effondrement de la culture cananéenne […]. La plupart de ceux qui ont constitué le premier noyau d'Israël étaient des gens du cru.»


La population établie dans les terres du Nord se développa plus rapidement grâce à de meilleures conditions, tandis que Juda n'était qu'une région rupestre et marginalisée, à la population clairsemée. Aux XIe et Xe siècles, Jérusalem, sa capitale, est une modeste bourgade, et non le centre spirituel et militaire d'une monarchie glorieuse. Selon les auteurs, deux entités distinctes ont donc toujours divisé les hautes terres.
Pourquoi la Bible insiste-t-elle alors tellement sur l'âge d'or de la monarchie unifiée? Pour justifier l'expansion de Juda au VIIe siècle, qui est devenu un véritable Etat et dont le roi Josias (639-609 av. J.-C.) veut conquérir les terres du Nord, que l'Assyrie vient d'abandonner. Se prévalant d'un brillant passé, assoyant son pouvoir royal en se référant à deux rois mythiques, il légitime ainsi ses prétentions à établir un grand royaume unifié. Il a également le soutien de Dieu : c'est en effet à cette époque que le monothéisme devient véritablement la religion des Israélites. 
Le Pentateuque, ainsi que les livres concernant la monarchie unifiée de David et Salomon ont été écrits en réalité pour l'essentiel entre les VIIe et VIe siècles, même si certains épisodes ont vu le jour plus tôt.
Ce qui explique que certaines descriptions dans les premiers livres de la Bible correspondent en réalité à l'époque de Josias.

Les œuvres dites historiques de la Bible, qui décrivent entre autres l'âge d'or d'Israël, ont par la suite constitué les piliers de l'identité juive.
C'est pourquoi une bataille a commencé en Israël autour des recherches de Finkelstein et Silberman : certains juifs parlent de lecture révisionniste de l'histoire du pays, estiment qu'elle affaiblit la légitimité de l'Etat d'Israël, et accusent l'archéologue de fournir des armes aux Palestiniens.


La Bible, entre mythe et réalité (Partie 1)



La Bible, entre mythe et réalité (Partie 2)

La Bible dévoilée. 

Les nouvelles révélations de l'archéologie, par Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, Bayard, 432 p.

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