Le vaginisme en Tunisie: Des corps verrouillés et des peurs (Témoignage)
Le vaginisme est une contraction musculaire involontaire du plancher pelvien du vagin qui empêche la pénétration.
Amel (pseudonyme) voulait témoigner pour que les femmes dans la même situation qu’elle ne se sentent pas seules, pour qu’elles sachent qu’une issue est possible. Ce dont souffre ces femmes, c’est le vaginisme.
Le vaginisme est une contraction musculaire involontaire du plancher pelvien du vagin qui empêche la pénétration.
La jeune femme s’est mariée à 25 ans. Un mariage qui couronne 8 années d’idylle platonique. Amel n’a jamais eu de rapports sexuels avant le mariage, ni avec son financé, ni avec ses amoureux. ”À vrai dire mes amours étaient enfantins et discrets. Quant à mon mari, il respectait mon choix et il n’a jamais essayé de me bousculer”, dit-elle.
Et d’expliquer: “De par mon éducation et par conviction religieuse, je me suis interdit le ‘plus si affinités’ ”.
C’est donc vierge qu’Amel a entamé sa vie conjugale: “J’appréhendais beaucoup cette entrée brusque dans la sexualité”, avoue-t-elle.
Pendant plus d’un an, son mari n’a pas pu avoir un rapport sexuel complet avec sa femme, pas faute de désir, mais Amel n’était pas capable d’aller jusqu’au bout, en l’occurrence, la pénétration. Elle a eu beau essayer pourtant, inlassablement, dans les premiers mois de son mariage en tout cas.
“C’était extrêmement douloureux à chaque fois. Mon corps se crispait. Après se sont ajoutées la peur d’avoir mal et la crainte de l’échec. C’était épuisant à tous les niveaux”, raconte-t-elle.
Amel est une professeure universitaire, elle a entendu parler de ce mal. Puis, elle s’est renseignée encore plus à travers internet.
“J’ai la chance d’avoir un mari compréhensif. Il a essayé de créer un cadre agréable et confortable pour me décontracter mais en vain”.
Mais la compréhension de son mari n’était pas inébranlable: “Même s’il ne disait rien explicitement, je sentais bien son exaspération, sa colère parfois...Il ne voulait plus essayer, ne voulait plus me toucher. Après un certain temps, c’est devenu une vie entre deux colocataires, dénuée de tendresse, de signes d’amour”, se souvient-elle.
Leurs familles posaient également des questions, exprimaient leur attente d’une future grossesse. Sous pression, Amel craque et tombe en dépression. C’est son mari qui lui conseille de voir un psychiatre. Elle l’a fait.
“C’est à travers la thérapie que j’ai commencé à me comprendre”, confie-t-elle. C’était la première étape vers la guérison.
Après plusieurs séances, Amel voyait plus clair: “À la maison, on ne parlait de sexualité qu’en termes péjoratifs. Dès mon jeune âge, ma mère me ressassait l’impératif de se préserver des attouchements, des regards et des hommes en général. Je l’entendais avec mes tantes, décrivant unetelle de ‘putain’ parce qu’elle sortait avec untel, des filles qui ‘salissaient’ leurs réputations avec les hommes. Pour moi, la sexualité était sale, à bannir. C’était ancré en moi”, explique-t-elle.
La première fois que la jeune femme voyait un sexe masculin en érection c’était le soir de ses noces et cela l’a terrifié. “Je le voyais comme une chose tellement grande, je me demandais comment une pénétration serait possible. Notre différence génitale m’effrayais”.
Amel, tout en déplorant l’éducation “sévère” de sa famille, ne la rejette pas totalement “par conviction religieuse”, dit-elle. Seule différence avec sa mère, elle ne veut pas terrifier sa fille sur la sexualité: “Je vais lui répondre si elle me pose des questions à ce sujet”.
Car, entre temps, la jeune femme a eu deux enfants. Elle est guérie. Enfin, elle ne souffre plus de vaginisme, mais “les séquelles de cette période restent là: l’anxiété, la crispation mais beaucoup moins qu’avant”, confie-t-elle.
Problématique récurrente en Tunisie
Des femmes tunisiennes souffrant de vaginisme, Ines Trabelsi, psychiatre, psychothérapeute et sexologue, spécialisée dans les thérapies de couples en reçoit quotidiennement: “Parfois 3 patientes par jour”, affirme-t-elle au HuffPost Tunisie.
“Ce sont des couples en détresse, qui n’ont pas consommé leur mariage à cause de l’impossibilité de la pénétration ou une pénétration très douloureuse”, ajoute la spécialiste.
“Ce sont des couples en détresse, qui n’ont pas consommé leur mariage à cause de l’impossibilité de la pénétration ou une pénétration très douloureuse”, ajoute la spécialiste.
Il y a ceux qui consultent très vite (une semaine après le mariage) et ceux qui prennent du temps (un an et plus), précise-t-elle.
Si les couples sont de plus en plus conscients de la nécessité de consulter, elle déplore le fait que certains prennent beaucoup de temps avant de le faire: il y a ceux qui se dirigent d’abord vers les “remèdes” traditionnels, et il y a ceux, résignés qui se contentent d’autres formes de sexualité et ne consultent que parce qu’ils désirent avoir des enfants.
Autre pratique dénoncée par Ines Trablesi, le recours à des injections de botox dans le vagin pour affaiblir la force musculaire: “Cette pseudo solution fleurit sur internet alors qu’elle est très controversée avec des risques de rechutes notables. Le problème du vaginisme se traite au niveau des pensées”, clarifie-t-elle.
Pour agir sur ces pensées, il faut déconstruire une éducation rigide et transmettre des informations fiables sur la sexualité.
“L’éducation sexuelle des Tunisiens est pauvre. La pénétration, par exemple, est entourée de beaucoup d’extravagances, on y associe des risques d’hémorragie, une extrême douleur, etc. Il y a aussi des femmes qui ne se sont jamais touchées, qui ne connaissent pas leur corps. Les restrictions conjuguées aux désinformations engendrent un réflexe de protection. Une surprotection qui entraîne une phobie”, explique-t-elle.
La sexologue souligne que le problème surgit même chez les couples amoureux: “Il y a des maris qui croient que leurs femmes les rejettent, qu’elles ne les aiment pas alors que ce n’est pas le cas, l’inconscient de ces femmes surgit au moment de la pénétration et c’est plus fort qu’elles”, précise-t-elle.
Une agression sexuelle peut aussi produire cette hyperprotection. Après un viol, certaines femmes présentent une forme de vaginisme secondaire, avance la spécialiste.
Qu’il soit primaire ou secondaire, le vaginisme se traite. Pour y parvenir, il faut faire preuve de beaucoup de patience, d’assiduité dans les exercices: “Dans 95% des cas, les femmes guérissent, vont avoir des enfants et par voix basse sans problème”, rassure Ines Trabelsi.
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Merci de commenter nos articles