INTERVIEW. "On peut nourrir la France en se passant des pesticides"


INTERVIEW. "On peut nourrir la France en se passant des pesticides"


Gilles Billen est directeur de recherche au CNRS/ Université Pierre et Marie Curie à Paris. 
Il explique que l'agriculture française est trop intensive et trop spécialisée. 
Cet article est issu du magazine Sciences et Avenir n°879 daté mai 2020.



Sciences et Avenir : Un retour à la polyculture-élevage est-il envisageable en France ?

Gilles Billen : Oui. Nous avons montré au sein du laboratoire milieux environnementaux, transferts et interactions dans les hydro-systèmes et les sols (Metis) qu'il est possible de nourrir la France en se passant des pesticides et des engrais de synthèse et en continuant d'exporter des céréales vers les pays comme l'Égypte qui en ont vraiment besoin. 
Et on préserve les ressources en eau et la biodiversité, tout en émettant deux fois moins de gaz à effet de serre.

Quel constat faites-vous du fonctionnement de l’agriculture française ?

L’agriculture est trop intensive et trop spécialisée avec, par exemple, l’élevage concentré en Bretagne et les grandes cultures dans le bassin parisien. 
Les éleveurs doivent importer du soja et les céréaliers sont obligés d’épandre des engrais chimiques car ils ne disposent plus de la matière organique des animaux. 
La question n’est pas tant d’édicter des règles pour raisonner l’usage des intrants et l’épandage des déjections animales que de s’attaquer aux racines de cette situation.

Comment en est-on arrivé là ?

Un système de polyculture-élevage dominait en France jusqu’en 1950. 
Il permettait le recyclage sur l’exploitation des déjections animales, largement issues de la fixation symbiotique de l’azote de l’air qu’assurent les légumineuses fourragères, comme le trèfle ou la luzerne, intégrées dans les rotations culturales à l’époque. 
C’est le recours massif aux engrais de synthèse, produits selon le procédé Haber-Bosch mis au point à la veille de la Première Guerre mondiale pour fabriquer des explosifs, qui a rendu possible l’intensification, la spécialisation et l’ouverture de l’agriculture actuelle.

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