«Nous sommes en train de mourir»: sous le «siège» des sanctions, des Syriens envoient un message

«Nous sommes en train de mourir»: sous le «siège» des sanctions, des Syriens envoient un message
Alep, Syrie
Avec la nouvelle loi américaine Caesar contre Damas, la réalité déjà bousculée des Syriens ressemble de plus en plus à un «siège», comme le décrit l’humanitaire français Pierre Le Corf, vivant à Alep, au micro de Sputnik. Dans un récent documentaire, il donne l’idée de leur quotidien qui «tue les gens plus que les bombes».
La Syrie est «fatiguée» des sanctions régulièrement et nouvellement imposées, avouent les simples familles syriennes interrogées par Pierre Le Corf, le fondateur de l’association WeAreSuperheroes vivant à Alep.
«Les sanctions américaines n’ont pas été votées contre le couple présidentiel, ni contre le gouvernement syrien, mais contre la population syrienne», estime le Français. «Les sanctions américaines sont un siège, pas contre le gouvernement, mais contre les gens.»
À cause des mesures restrictives, les habitants se sont retrouvés privés des choses essentielles (nourriture, essence, traitement médical) et ne peuvent pas prendre soin de leurs enfants.
«Quand tu votes des sanctions, contre qui tu les votes? Contre les gens sans défense. Où est votre humanité quand vous votez ces sanctions?», s’interroge un père de famille syrien. «Laissez-nous au moins vivre et mourir avec dignité, mais pas mourir entre peur, famine et sanctions. Ces sanctions sont injustes».
Les catégories les plus susceptibles sont les jeunes, les vieux et les enfants. De plus en plus de jeunes ont des possibilités d’éducation limitées.
«Nous sommes en train de mourir à cause des sanctions», déplore une mère. «Nos petits n’ont jamais connu l’enfance. Ils sont nés et n’ont connu que torture à travers cette vie».

Précarité économique

La situation économique est devenue «incontrôlable» avec le pouvoir d’achat et le niveau de vie qui dégringolent, explique Pierre Le Corf. La livre syrienne s’est dépréciée, un dollar américain coûte plus de 800% de plus qu’au début de la guerre où il valait environ 45 livres syriennes contre 513 actuellement.
«Les salaires n’ont pas augmenté, la valeur de la monnaie a baissé et les prix ont augmenté. La plupart des gens pensent que maintenant c’est la guerre. Les bombardements quotidiens, beaucoup de gens qui mouraient c’était la guerre, mais c’était presque plus facile que le bombardement actuel [comparé aux sanctions, ndlr] qui tuent les gens plus que les bombes.»
Parmi les artisans et commerçants, qui «se sont effondrés ou ont été totalement pillés», certains recommencent doucement, se procurent un nouvel équipement s’ils peuvent se le permettre.
«Sans budget pour continuer, les gens n’ont pas le choix, ils doivent trouver les solutions, doivent essayer de s’en sortir. S’ils ont un peu d’argent, ils n’essayent pas, ils s’en vont. C’est là le vrai danger dans le pays. L’industrie est totalement ravagée et pas seulement à cause des sanctions, mais aussi par le fait que les gens ont perdu tout espoir. Alors, au lieu de recréer et de recommencer ici, ils préfèrent commencer ailleurs, commencer une nouvelle page loin de la guerre, loin du stress, du désespoir qui s’est installé ici», poursuit l’humanitaire.

Secteur médical

Le pays ne s’est heureusement pas retrouvé dans une situation critique lors de l’épidémie de Covid-19. Or, l’industrie médicale fonctionne «très difficilement». La chambre d’industrie d’Alep a créé ses propres respirateurs pendant l’épidémie, parce qu’il est impossible de faire venir le matériel depuis l’extérieur. Et alors qu’on peut se rendre à l’hôpital gratuitement, les problèmes commencent lorsqu’on a besoin de soins ou médicaments spécifiques.
«Le problème c’est que les médicaments nécessaires pour le traitement ne sont plus accessibles dans le pays à cause des sanctions», constate M.Le Corf.
«On ne peut pas se permettre les médicaments et si tu peux, probablement le médicament est interdit d’entrer dans le pays», précise une Syrienne interrogée pour le documentaire.
Un autre Syrien affirme ne pas pouvoir penser à autre chose que son cancer et ne pas avoir «le moindre espoir».
«Il y a beaucoup de gens qui meurent parce qu’ils n’ont pas accès aux soins, aux molécules nécessaires [pour les médicaments, ndlr], aux compétences nécessaires. Ils voulaient aller chercher ces compétences ailleurs mais ils ne peuvent pas voyager, sortir du pays», ajoute l’humanitaire.
«Nous sommes humains comme vous», résume une autre mère de famille, précisant que «rien n’est plus important que de pousser ses enfants à ne pas arrêter de vivre» dans n’importe quelles conditions.

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