L’incident de Hay Hassani, à qui la faute ?


L’incident de Hay Hassani, à qui la faute ?




La pauvreté n’est pas une honte, tout le monde n’est pas né avec une cuillère d’argent dans la bouche ; « mais la vanité dans la pauvreté, c’est le diable dans le bateau », soulignait l’auteure suédoise, Fredrika Bremer dans son œuvre « Les voisins » (1845).


Le topo. Hay El Hassani est un des plus anciens quartiers de Casablanca, situé au sud-ouest de la ville, comptant plus de 300.00 habitants répartis sur 26 km2. 

Les découvertes archéologiques dans le secteur attestent d’un peuplement du site depuis la Préhistoire. Jadis, les hommes dans ce secteur chassaient les animaux pour se protéger et ensuite utiliser leur viande comme nourriture pour survivre.

La vie sauvage où régnait la loi de la jungle fait désormais partie d’un passé très lointain.

Mais quand une foule de jeunes attaque des marchands de bétail à Hay Hassani pour arracher de manière sauvage un cheptel de moutons, ce n’est pas pour lutter contre « la faim » mais plutôt pour autre chose. En droit pénal on appelle ces actions violentes : « rapine », « vol » et « pillage »…

Ce n’est pas cette fameuse « faim » dont parlent certains internautes y compris un universitaire, disciple du méticuleux sociologue marocain Paul Pascon.

Ce n’est pas non plus une histoire de pauvres qui n’ont rien de quoi se mettre sous la dent à cause d’une quelconque « famine » en ces temps difficiles de la pandémie de Covid-19 et qui sont sortis comme des loups affamés pour attaquer le premier passant. Rien de tout cela.

Tout en accordant les circonstances atténuantes à ces jeunes aventuriers, on peut se poser la question suivante : ces jeunes dans la fleur de l’âge, oisifs et sans emplois peut-être, n’ont-ils pas en fait tout simplement envie de manger, comme tout le monde, des brochettes de « boulfaf » gratis, et que dans la confusion qui régnait dans le souk ce jour là, mettre la main sur ce « butin » qui est tombé du ciel, certains parmi eux voulaient le revendre pour en tirer quelques sous pour la fête ?

Bref, ceux qui ont regardé les images de ce triste incident n’en croyaient pas leurs yeux car la rapine n’a jamais fait partie des comportements des Marocains, et ce, abstraction faite de la richesse des uns ou de la pauvreté des autres.

C’est avant tout, une question de principes et de morale dans une société musulmane où il est inconcevable de s’en prendre aux biens d’autrui sous quelque prétexte que ce soit, sans oublier que le Maroc n’est pas la jungle, c’est avant toute chose un État de droit.

Le Royaume n’est pas non plus à l’image du défunt et funeste état fantoche dit-État islamique où les barbus de tout poil avaient inventé de nouvelles règles, et de nouveaux codes de comportement pour justifier leurs pillages soutenus par une propagande religieuse qui a inondé le Monde Arabe du Golfe à l’Atlantique. D’ailleurs, les préceptes de l’Islam condamnent de manière catégorique et sans équivoque ces comportements de brigands des grands chemins.

Pour rappel, la police a interpellé une vingtaine de personnes dont des mineurs suite à l’incident de Hay Hassani afin de tirer au clair les tenants et les aboutissants de cette affaire qui a eu lieu à la veille de la fête religieuse de l’Aïd Al Adha.

Scandalisés, nombreux hommes de loi affirment que « la pauvreté » ou « le manque d’argent » ne justifient nullement l’attaque, par des énergumènes à coups de pierres, d’innocents marchands de bétail ou ailleurs des transporteurs et automobilistes sur les autoroutes du Maroc.

« Manque d’éducation » et de « civisme », soulignent d’autres, mais surtout à ne pas confondre avec « pauvreté », « faim » ou « manque de moyens », s’indignent-ils.

Bien évidemment, qu’après sept décennies d’indépendance le Maroc n’a toujours pas réussi à éradiquer la pauvreté ni de réduire le gap entre riches et pauvres.

Bien évidement qu’en 2020, il y a encore des centaines de milliers de laisser-pour-compte qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ou l’équivalent d’un dollar par jour.

Mais sans chanter le refrain de « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes », il faut reconnaître que la situation de la pauvreté dans le Royaume n’est pas due à un manque de volonté politique de l’État. L’initiative INDH a été lancée en 2005 dont l’objectif était clair et bien défini : la lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale; en un mot réduire l’écart entre les nantis et les petites gens qui triment du lever du jour au coucher du soleil afin de joindre les deux bouts.

On raconte que la base électorale du PJD et ses alliés islamistes ont été parmi les plus futés à tirer profit de certains des fonds ouverts aux associations dans le cadre de cette Initiative. Vrai ou faux? Une question à poser à ces barbus, est-ce qu’ils font profiter dans le sillage de leurs activités philanthropiques les plus démunis du quartier Hay Hassani?

Par ailleurs, il faut dire ouvertement quelques vérités qui fâchent : la responsabilité partagée d’une certaine élite au pouvoir, les cadres du PJD en tête de liste.

Nombreux parmi cette élite vivent dans leurs tours d’ivoire et ne voient les choses qu’à travers le prisme étroit de leurs intérêts immédiats, notamment matériels et de prestige politique. Parmi eux, des « élus du peuple » refusent d’assumer les conséquences d’une gestion calamiteuse des affaires de la cité à commencer par celle de la capitale économique du Royaume et dont l’incident de Hay Hassani n’est que la partie visible de l’iceberg.

Après 10 ans dans les méandres du pouvoir, les islamistes du PJD ne savent pas ce qu’ils veulent exactement, sauf de s’éterniser au gouvernement et advienne que pourra…

Dans cet ordre d’idées, Abdeslam Meghraoui, professeur de sciences politiques à Duke University aux États Unis a une explication intéressante :

Au Maroc, dit-il, « on ne sait pas ce que vraiment veulent les gens ou ce qu’ils pensent à cause de la rareté des recherches et des travaux en psychologie sociale… Mais l’observation de la vie quotidienne indique que la majorité des gens vit dans un certain nombre de contradictions ».

Et d’ajouter : « Elle veut la démocratie et la Charia (loi islamique), elle s’attache au pouvoir de la majorité mais ne s’intéresse pas aux droits des minorités ».

« Elle insiste sur la suprématie de la loi mais quand cela ne correspond pas à ses besoins, la loi n’a aucune valeur. Elle rêve du changement pour des raisons opportunistes mais elle s’inquiète profondément des conséquences sociales de la modernité », conclut-t-il.

Tout a été dit ou presque car n’est-ce pas là où réside le noeud du problème ?

Par Ali Bouzerda

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