«Les anti-vaccins ont clairement perdu, les gens veulent se faire vacciner»: mais où sont les doses ?
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Le 27.01.202
Alors que la France rattrape petit à petit son retard dans la campagne de vaccination contre le Covid-19, des problèmes d’approvisionnement frappent l’Europe. Une «situation très ennuyeuse» pour Jean-Paul Hamon, président d’honneur de la Fédération des médecins de France. Le praticien a confié ses inquiétudes à Sputnik.
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, s’est montré très ambitieux. Son objectif? Vacciner l’ensemble de la population française d’ici à la fin de l’été. Pour l’instant, le pays vient de franchir le cap du million de personnes ayant reçu une première dose. «L'Union européenne a commandé suffisamment de vaccins pour que, d'ici à la fin du mois d'août, tous les pays aient été livrés en doses suffisantes pour vacciner la population», a-t-il assuré le 26 janvier.
Problème de taille: les difficultés d’approvisionnement en vaccins, notamment celui de l’alliance biotechnologique américano-allemande Pfizer/BioNTech. Avec le sérum développé par l’américain Moderna, il fait partie des deux seuls actuellement approuvés par le régulateur européen.
«Si on compte vacciner tout le monde, la situation est préoccupante. Mais, pour une fois, le gouvernement n’y est pour rien! Cependant, leur communication est tellement mauvaise que les Français vont finir par croire que c’est à cause d’eux que l’on manque de vaccins», explique à Sputnik Jean-Paul Hamon, président d’honneur de la Fédération des médecins de France.
Olivier Véran a d’ores et déjà prévenu que son objectif ne pouvait être réalisable qu’à condition que «la totalité des vaccins que nous avons précommandés soient validés pour être utilisés par les autorités sanitaires européennes».
Autre point capital: «Il faut que les livraisons suivent et respectent les carnets de commandes. Si ces deux conditions sont réunies, nous aurons effectivement d'ici à la fin du mois d'août plus de 130 millions de vaccins.» «Nous n’en aurons pas assez», prévient de son côté Jean-Paul Hamon. À ses yeux, un tel objectif est trop difficile à tenir sur un délai aussi court.
«L’objectif premier est de vacciner les personnes à risques, âgées, fragiles, avec des comorbidités, le personnel soignant, etc. La stratégie de vaccination était parfaite sur le papier. Malheureusement, nous n’avons pas assez de vaccins pour l’appliquer rapidement», poursuit-il.
«Les fabricants ont beau avoir augmenté leurs objectifs pour 2021 (un milliard de doses pour Moderna, environ deux milliards pour Pfizer/BioNTech), le rythme de production n’est pas assez soutenu pour répondre à l’urgence», souligne Le Monde. Le quotidien vespéral rappelle un récent entretien donné par Ugur Sahin, cofondateur de BioNTech, au journal allemand Der Spiegel. Il a admis que la situation n’était «pas rose» et a lancé un avertissement: «Faute de nouveaux vaccins autorisés, il y a un manque que nous devons combler.»
Bruxelles a commandé 600 millions de doses à Pfizer/BioNTech. Mais dès le 15 janvier, les géants de l’industrie pharmaceutique rapportaient des retards de livraison dus à des difficultés de production.
Ils ont également profité de l’annonce de l’Agence européenne des médicaments (EMA) stipulant qu’un flacon de leur sérum contenait six doses de vaccins et pas cinq comme préalablement indiqué, pour informer qu’ils livreraient moins de doses que prévu pour le même prix! Problème, comme le note Le Monde: «Prélever cette sixième dose nécessite un geste spécifique et un matériel adapté qui n’est pas celui dont les soignants sont équipés de manière standard.» Très problématique dans pareil contexte.
Le Figaro souligne que, d’après CovidTracker, pour vacciner l’ensemble de la population adulte française –soit environ 52 millions d’individus– d’ici à la fin août 2021, «il faudrait vacciner 232.754 personnes chaque jour». Une cadence qui paraît hors de portée: «Au rythme actuel (moyenne des sept derniers jours), l'objectif de vacciner l'ensemble de la population adulte serait atteint le 6 septembre 2022.»
Crainte sur le sérum AstraZeneca
Jean-Paul Hamon reste optimiste: «Pfizer a annoncé vouloir accélérer la production. Je pense que nous allons avoir quelques jours de creux et puis le rythme de vaccination devrait accélérer à nouveau.»
De plus, Sanofi, qui a récemment enchaîné les échecs quant au développement de son propre sérum, a annoncé avoir passé un accord avec BioNTech. Cela «permettra de produire plus de 100 millions de doses à partir du mois d'août, sur une cadence assez régulière jusqu'à la fin de l'année, de façon à apporter tout de suite un complément [...] pour le marché européen», a annoncé le 27 janvier sur France 2 la ministre française déléguée à l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher.
Selon la ministre, le projet contribuera à satisfaire «la commande de 600 millions de doses qu'a passée l'Union européenne» et «rend cette commande réalisable. L'enjeu est de mobiliser toutes les capacités de production européennes pour augmenter la production de vaccins.»
L’autorisation d’un nouveau vaccin par l’EMA pourrait également être de nature à soulager les tensions d’approvisionnement. Mais, là encore, tout n’est pas si simple. Le mieux placé pour recevoir le blanc-seing de Bruxelles d’ici à la fin janvier est le sérum d’AstraZeneca. Mais celui-ci connaît également des difficultés de livraison. Surtout, il se retrouve au cœur d’une polémique depuis que les quotidiens allemands Bild et Handelsblatt ont affirmé le 25 janvier que le gouvernement allemand doutait de l'efficacité du vaccin sur les personnes âgées de plus de 65 ans.
Handelsblatt, que l’on pourrait comparer aux Échos en France, assurait disposer de sources gouvernementales lui permettant d’avancer que Berlin tablait sur une efficacité de seulement 8% pour cette classe d'âge. Un «léger» inconvénient de nature à remettre en cause l’autorisation.
Quant à Bild, qui mettait également en avant des sources gouvernementales, il indiquait que la coalition d'Angela Merkel s'attendait que le vaccin AstraZeneca/Oxford ne soit pas homologué pour les plus de 65 ans. Une telle décision aurait un impact très fort sur la stratégie vaccinale de nombreux pays européens dont la France.
Le 26 janvier, Berlin a réfuté de telles informations. Les journaux auraient «confondu» plusieurs données précisées dans les études. Même son de cloche du côté du porte-parole d'AstraZeneca dans une déclaration transmise à l'AFP: «Les articles selon lesquels l'efficacité du vaccin AstraZeneca/Oxford ne serait que de 8% chez les adultes de plus de 65 ans sont complètement faux.»
La non-homologation du vaccin d'AstraZeneca serait un nouveau coup dur porté à la campagne de vaccination française à l’heure où Sanofi accumule du retard dans le développement de son sérum et quand l’Institut Pasteur a carrément renoncé à la piste sur laquelle il misait le plus.
De surcroît, l’Union européenne semble bien décidée à bouder les solutions russes et chinoises, pourtant privilégiées par plusieurs pays. «Je vois mal le gouvernement acheter le vaccin russe», ironise Jean-Paul Hamon.
La situation devient pourtant urgente dans l’Hexagone.
La pénurie de doses se fait de plus en plus sentir. Récemment, l'agence régionale de santé des Hauts-de-France a annoncé que des déprogrammations «sont nécessaires pour pouvoir injecter la seconde dose aux patients qui ont déjà reçu la première», selon France bleu Hauts-de-France. «Un rendez-vous sur trois va donc être décalé dans les deux prochaines semaines », annonçait le média local le 21 janvier.
Jean-Paul Hamon lance une pique aux autorités:
«La répartition des doses a été faite n’importe comment. Des créneaux ont été bloqués pour des patients alors qu’il n’y avait pas le stock de vaccins nécessaire.»
L’heure est donc à la recherche de solutions. «Plusieurs experts s’interrogent sur le fait de porter le délai entre les deux doses du vaccin Pfizer à six semaines, soit quarante-deux jours, contre trois ou quatre semaines actuellement. L’intérêt serait de vacciner un maximum de personnes fragiles pour limiter l’impact sanitaire le plus tôt possible.
C’est une réflexion légitime et utile», a déclaré Olivier Véran. Invité à s’exprimer sur le sujet ce 26 janvier, il a toutefois expliqué avoir fait «le choix de la sécurité»: «Nous ne touchons pas au délai d’injection entre les deux doses.»
Un tel tableau n’incite pas à l’optimisme concernant la date du démarrage de la phase cinq de la campagne de vaccination, la dernière, qui doit traiter le reste des plus de 18 ans dépourvus de comorbidité. Afin de donner un ordre d’idée aux Français, Salam Moubarak, docteur à l’Institut national des sciences appliquées de Lyon (Insa), a créé, avec son collègue Maciej Kowalski de la start-up Omni Calculator, un «calculateur de queue pour le vaccin».
Selon l’application et à la vue des données actuelles disponibles à 10h39 le 27 janvier, un adulte âgé de 25 ans, homme ou femme non enceinte, sans conditions médicales et sans contact avec des personnes à haut risque portant le coronavirus devrait recevoir sa première dose de vaccin entre le 03/05/2022 et le 18/12/2022 pour une seconde injection entre 24/05/2022 et le 08/01/2023.
La file d’attente est longue. D’autant que l’adhésion des Français envers les vaccins grimpe. Comme le notait l’Ifop le 18 janvier, 54% des personnes interrogées souhaitaient la piqûre. «Soit trois points de plus que dans la première étude de janvier et surtout quinze points de plus qu’en décembre.»
«Les anti-vaccins ont clairement perdu. Les gens veulent se faire immuniser. C’est donc dommage de manquer de doses», explique Jean-Paul Hamon qui pointe l’urgence de la situation: «Le variant anglais est là. D’autres vont arriver.»
Cependant, le président d’honneur de la Fédération des médecins de France appelle à ne pas distribuer trop vite les blâmes dans cette affaire :
«N’oublions pas que c’est un vaccin qui n’existait pas il y a encore un an et qui cible un virus qu’on ne connaît pas depuis beaucoup plus longtemps. Technologiquement, c’est une prouesse.
Également au niveau de la production. Des dizaines de millions de personnes ont déjà été vaccinées dans le monde. Reste à accélérer le rythme.»
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