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Sahel : Qu'essaie de manigancer la junte algérienne ?

 

Sahel : Qu'essaie de manigancer la junte algérienne ?

Le 24 Juin 2021

Alger ne semble, pour le moins, pas avoir des visées totalement innocentes en tentant de prendre le relais de la France dans le corridor saharo-sahélien.

C’est sans doute, pour la région, la décision surprise de l’année. En l’occurrence, la cessation de l’opération Barkhane, par le biais de laquelle la France participait, depuis début août 2014, au maintien de la sécurité et de la stabilité du Sahel. Ou du moins était-ce son intention au moment où le président François Hollande avait décidé de mettre en place un cadre plus à même de permettre de poursuivre l’engagement militaire français initié avec l’intervention de janvier 2013 au Nord-Mali et même, dès le milieu des années 1980, au Tchad après l’invasion par la Libye de la fameuse bande d’Aouzou.

Car près de sept ans plus tard, le constat d’échec est inévitable, et en fait pour les observateurs, cela fait bien longtemps qu’Emmanuel Macron, successeur à partir de mai 2017 de M. Hollande à l’Elysée, aurait dû mettre fin à Barkhane: le terrorisme continue encore de régner dans la zone concernée, sans compter les nombreux morts, qui pour la seule armée française se sont élevés à une cinquantaine -le Niger, lui, avait perdu 89 hommes dans la seule journée du 9 janvier 2020, au cours d’une attaque menée par l’organisation de État islamique dans le Grand Sahara contre le camp militaire de Chinégodar, dans le Tillabéri.

Lutte contre le terrorisme au Sahel
Bien sûr, l’État français ne va pas complètement se désengager, puisqu’au moment de son annonce, officialisée le 10 juin 2021, M. Macron a plus exactement parlé d’une “transformation profonde” et le remplacement de Barkhane par “une opération d’appui, de soutien et de coopération aux armées des pays de la région qui le souhaitent” en lieu et place d’une “opération extérieure”, mais comment cela va-t-il se matérialiser exactement? Et surtout, que cache la visite qu’a effectuée selon des indiscrétions de l’hebdomadaire français Jeune Afrique le chef d’état-major de l’armée algérienne, Saïd Chengriha, à Paris? Certes, le ministère de la Défense nationale algérien a “catégoriquement” démenti, le 15 juin 2021, la présence de M. Chengriha dans la capitale française et a fustigé une “tentative de désinformation avérée”, mais il n’en reste pas moins que de nombreuses sources assurent que l’Algérie est bel et bien en discussion avec la France pour prendre son relais.

Et que ce n’est qu’après avoir perçu des signes encourageants que M. Macron aurait dissous Barkhane. Le président français ne parlait-il d’ailleurs pas lui-même le 16 février 2021, dans une déclaration sur la lutte contre le terrorisme au Sahel, d’un “réengagement algérien” -mais aussi marocain? On y reviendra. Pour la voisine de l’Est, dont la Constitution autorise pour rappel désormais officiellement l’intervention de son armée en dehors de ses frontières -suite au référendum constitutionnel du 1er novembre 2020-, l’idée serait, de la sorte, d’affirmer le statut de “puissance régionale” que revendiquent ouvertement de nombreux officiels algériens, à commencer par le président Abdelmadjid Tebboune.

Ce dernier vient justement d’accorder une interview à l’hebdomadaire français Le Point où, outre des attaques contre “la monarchie” marocaine, qu’il a accusée d’être à l’origine de “la rupture” avec son pays, il s’est également signalé par des propos contradictoires où d’un côté il a nié toute intention de la part d’Alger de déployer ses soldats au Sahel -“la solution n’est pas là,” a-t-il plaidé- tout en assurant, de l’autre, que son pays “ne laissera jamais le nord du Mali devenir un sanctuaire pour les terroristes”.

Peut-être compte-t-il faire cela en se contentant de demander à son ressortissant et par ailleurs leader du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, Iyad Ag Ghali, de cesser ses opérations ? Car tout le monde sait les connexions que les services algériens entretiennent avec celui-ci mais aussi d’autres organisations jihadistes, au point qu’il ne fallait finalement pas s’étonner de voir l’agence Algérie presse service (APS) faire dire à M. Tebboune, dans une dépêche consacrée à sa sortie dans Le Point, qu’“en Afrique et dans le monde arabe nous sommes leaders contre la lutte antiterroriste”.

En tout cas, l’Algérie n’aura pas attendu d’en parler avec la France pour s’installer militairement au Sahel, étant donné qu’elle avait reconnu le 10 octobre 2020, après que le parti malien de l’Alliance démocratique du peuple malien (ADÉPM) a mis à nu ses velléités expansionnistes, que son armée avait bien mené ce qu’elle avait qualifié de simple “mission technique” dans le Nord "Mali"sans, soit dit en passant, en avertir les autorités maliennes.

Notoriété publique
Le Maroc, dont c’est un secret de polichinelle qu’il a ses entrées dans les cinq pays du groupement du “G5 Sahel” que sont le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, est pour sa part, pour l’heure, resté étrangement silencieux, et ce même après que M. Macron ait parlé donc, en février 2021, de son rôle éventuel. Va-t-il lui aussi envoyer ses Forces armées royales (FAR)? Ou s’agirait-il d’une coopération antiterroriste classique au moyen du renseignement -la Direction générale d’études et de documentation (DGED), le contre-espionnage marocain, est du propre aveu de son directeur général, Mohamed Yassine Mansouri, déjà fortement présente dans la région? Ou peut-être n’étaitce qu’une façon pour M. Macron de caresser dans le sens du poil le Maroc tout en voulant, en vérité, laisser la seule Algérie tenir en main les commandes sur le terrain?

Quoi qu’il en soit, le Royaume se trouve bien obligé, d’une façon ou d’une autre, d’intervenir, et ce non seulement pour des considérations géopolitiques qui restent en tout état de cause légitimes, mais avant tout pour sa propre sécurité intérieure, car c’est au Sahel que se trouve actuellement la base-arrière du Front Polisario, avec, c’est de notoriété publique, des accointances non avouées de l’État islamique dans le Grand Sahara -dont le dirigeant n’est autre qu’un ancien du mouvement séparatiste, à savoir le dénommé Adnane Abou Walid al-Sahraoui. Il lui faudra donc ne pas être distancé...

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