Face à la désillusion en Algérie, une juge tente la traversée clandestine de la Méditerranée !

 Face à la désillusion en Algérie, une juge tente la traversée clandestine de la Méditerranée !

Des membres de l’élite politique algérienne rejoignent les vagues de migrants illégaux d’Algérie vers les côtes espagnoles.

En Algérie, le désespoir est tel que même l’élite politique tente de rejoindre la rive nord de la méditerranée à bord d’embarcations de fabrication artisanale, au moment où l’image du pays a été ternie et de nombreuses incertitudes pèsent sur son avenir, en raison de tensions au sommet de l’appareil d’État liées à l’ampleur de la corruption et à une absence de vision d’avenir.

Au cours de cette semaine, des informations ont fait état de l’arrestation par une brigade des garde-côtes de la juge Salma Badri, membre de la cour de justice de Chelef, à l’ouest de la capitale, alors qu’elle tentait d’émigrer sur un petit bateau, avec une somme d’argent estimée à environ trois millions d’euros. Des rapports divulgués l’ont liée à «une affaire de corruption», mais il n’y a eu aucune déclaration officielle du juge en question ou des autorités à ce sujet. La chasse aux migrants subsahariens transitant par le territoire algérien, lancée par Alger ces derniers mois, a focalisé l’attention des médias locaux et internationaux et contribué à remettre en cause le rôle de l’Algérie par rapport la crise migratoire.

Toutefois, un autre phénomène commence à prendre de l’ampleur, selon des sources algériennes : le départ clandestin de ses propres citoyens et même d’une partie de son élite. L’Algérie fait partie des principaux pays d’origine de migrants clandestins arrivés aux frontières extérieures de l’Union européenne (UE), selon un rapport international.

Ceux qui fuient la nation nord-africaine comprennent des militants politiques de l’opposition et des cadres de la fonction publique qui tentent d’échapper aux lourdes peines qui accompagnent souvent les cas de corruption financière.

Un jeune militant et figure emblématique du mouvement contestataire du Hirak algérien, Chems Eddine Laalami, a été condamné dimanche à deux ans de prison ferme par un tribunal de Bordj Bou Arreridj, dans le nord-est de l’Algérie, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).

Chems Eddine Laalami, dit Brahim, avait été arrêté fin juin par les gardes-côtes algériens tandis qu’il tentait de traverser la Méditerranée clandestinement pour rejoindre l’Espagne.

Brahim Laalami était poursuivi dans deux dossiers, pour «discours de haine, outrage à corps constitué, diffusion de fausses informations» et «incitation à attroupement non armé», a précisé le CNLD, une association de soutien.

Le rythme des flux migratoires illégaux s’est intensifié ces derniers mois en raison de la montée de la crise sociale et économique dans le pays. Les médias espagnols ont récemment indiqué qu’environ 2 000 jeunes algériens ont débarqué sur la côte sud de l’Espagne, soulevant des questions sur la réalité de la situation en Algérie.

Ce qui est sans précédent, cependant, c’est le nombre d’activistes de premier plan et de cadres officiels qui ont rejoint les rangs des migrants illégaux.

Le militant de l’opposition Ibrahim Douaji a récemment atteint la côte espagnole pour échapper à ce qu’il a appelé «la répression et les restrictions» en Algérie. Il a déclaré qu’il avait été contraint d’émigrer illégalement afin d’échapper à l’étroite emprise sécuritaire des autorités sur ceux qui s’y opposent.

En 2019, un responsable du gouvernorat d’Oran et plusieurs hommes d’affaires avaient émigré en Espagne ou en Italie à bord de bateaux. Ils ont laissé derrière eux des questions sur les motifs qui les ont poussés à quitter le pays, de la même manière que des jeunes gens désespérés s’aventurent en mer à bord de bateaux branlants.

Le mouvement de protestation populaire Hirak dans ses premiers mois a contribué à une baisse du nombre de migrants clandestins en ravivant l’espoir d’un changement dans les esprits de la jeunesse algérienne. Mais l’aggravation de la crise économique et sociale et la résilience du système au pouvoir ont provoqué le désenchantement populaire, selon des experts.

Par la suite, le nombre de migrants illégaux vers l’Europe, connus sous le nom de «harraga», a de nouveau augmenté alors que les jeunes cherchaient une opportunité d’atteindre la rive nord de la Méditerranée.

Douaji a déclaré que ses qualifications sociales et professionnelles auraient pu lui permettre de rester dans le pays et de s’occuper de sa famille. Il est instituteur et chef de famille. Mais les conditions politiques étouffantes auxquelles sont confrontés les membres de l’opposition et les mesures répressives dont il a été victime l’ont poussé à émigrer illégalement.

Douaji a raconté l’histoire de son voyage dramatique dans un enregistrement audio. Il a expliqué qu’il avait vendu sa Peugeot 207 de fabrication française et s’était acheté une place pour un voyage en bateau «décent» pour environ 5 000 $, car les tarifs du voyage varient selon le bateau utilisé pour le voyage en mer. Mais dès que le bateau a atteint le milieu de la mer, le temps est devenu maussade et le voyage est devenu semé d’embûches.

Il a poursuivi : «Pendant le voyage, il y avait un consommateur de drogue et il y avait quelqu’un qui lisait le Coran et priait Allah pour sa sécurité et il y avait quelqu’un qui était malade. Les passagers n’étaient pas d’accord sur la décision à prendre lorsqu’ils ont reçu un avertissement des garde-côtes espagnols. Certains voulaient terminer le voyage en nageant jusqu’à la plage et d’autres voulaient rentrer chez eux. Le capitaine du bateau adolescent a changé son itinéraire pour échapper aux garde-côtes espagnols à sa poursuite.»

Commentaires