Le bal des hypocrites.

Encore un reniement sur le climat. 

En décembre dernier, le président de la République avait promis, lors de la Convention citoyenne pour le climat, d’inscrire le réchauffement climatique dans la Constitution.

 Quelques mois plus tard, en mai dernier, Emmanuel Macron se montrait moins enthousiaste sur cette idée, arguant de la lenteur de la procédure parlementaire. 

Le bal des hypocrites : Castex profite du Sénat pour enterrer l’entrée du climat dans la Constitution 

Aujourd’hui c’est le premier ministre Jean Castex qui « met un terme au processus de révision constitutionnelle ». 

Le Sénat, à majorité de droite, est le coupable idéal trouvé par le gouvernement : il n’a cessé pendant toute la procédure de chipoter sur les mots et de réduire la portée du texte. 

En réalité, personne n’est dupe : l’entrée du climat dans la Constitution est enterrée et cela arrange aussi bien le gouvernement que la droite parlementaire unis dans le même objectif : ne pas se charger de contraintes encombrantes. 

La lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité attendront des jours meilleurs. Pendant ce temps de débats obscènes, la chaleur bat des records dans plusieurs endroits du monde, les événements extrêmes se multiplient, des millions de personnes sont asséchées et meurent de faim. 

Mais circulez, il n’y a rien à voir.

Jean Castex a annoncé mardi 6 juillet que l’exécutif, en désaccord avec le Sénat, mettait « un terme au processus de révision constitutionnelle » sur le climat, sur lequel Emmanuel Macron souhaitait un référendum après avoir suivi les recommandations de la Convention citoyenne pour le climat. Le Sénat, à majorité de droite, avait adopté lundi en deuxième lecture une formulation différente de celle votée par l’Assemblée et soutenue par le gouvernement, autour de l’inscription dans la Constitution notamment de la « préservation de l’environnement ».

Fermez le ban

« Compte tenu de ce que prévoit l’article 89 de notre Constitution, ce vote met hélas un terme au processus de révision constitutionnelle dont nous continuons à penser qu’il était indispensable à notre pays », a déclaré le Premier ministre lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée. 

Estimant avoir fait « un pas » en direction du Sénat en amendant à la marge le texte, M. Castex a déploré que « cette main tendue » n’ait « pas été saisie » par la haute assemblée lundi en le réécrivant de nouveau.

« C’est profondément regrettable mais le combat continue », a-t-il martelé, après avoir été interpellé par le député LREM Pieyre-Alexandre Anglade.

Selon la dernière version approuvée par l’Assemblée, il s’agissait d’inscrire que la République française « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique ». Le Sénat a de son côté proposé d’écrire que la République française « agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004 ».

Alors que chacun campe sur ses positions, et quand bien même la navette entre les deux chambres aurait pu se poursuivre autant que nécessaire, l’exécutif a donc choisi ce mardi de fermer le ban.


Le bal des hypocrites

« L’urgence climatique est là, le risque est réel », a souligné mardi Jean Castex en fustigeant ceux qui « refusent de voir la réalité en face » et d’autres qui « privilégient une approche idéologique, maximaliste ». « Nous faisons en même temps le choix de l’ambition et le choix du pragmatisme, c’est à dire le choix de l’efficacité », a-t-il défendu.

La ministre de l’Écologie Barbara Pompili est montée au créneau, estimant que « manifestement les sénateurs sont contre la transition écologique ». « Ils ont vidé de sa substance une bonne partie du projet de la loi Climat résilience. Et là, ils empêchent, puisque c’est ça qui se passe, ils empêchent de faire ce référendum que nous attendons pour recréer un grand débat sur cette question qui nous dépasse », a-t-elle affirmé.

Elle a fustigé « des climato-inactifs », « des climato-résignés » et appelé Gérard Larcher à « trouver des solutions pour aboutir ». « Ce serait honteux pour la classe politique et honteux pour les sénateurs si on n’arrivait pas à arriver à un référendum à la fin de l’année ». L’organisation d’un référendum nécessite au préalable l’accord des députés et sénateurs sur le même texte.

« Le Sénat va nous empêcher » d’organiser un référendum avant la fin du quinquennat, avait déjà regretté lundi matin le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal sur France Inter. Il avait mis en cause « une ligne climato-sceptique très forte » au sein des Républicains.

De son côté, le président LR de la commission des Lois du Sénat François-Noël Buffet s’est ému de « propos extrêmement désagréables à l’égard du Sénat » qui « bloquerait le système ». « Vouloir défendre ce qui est indéfendable constitue un faux pas, voire une faute », a-t-il ajouté.

La gauche a renvoyé dos à dos gouvernement et droite sénatoriale. Le socialiste Éric Kerrouche a dit son sentiment d’être « enfermé dans une boucle temporelle » et a fustigé « des débats de pharisiens où chacun feint de chercher un compromis dans un jeu de poker menteur ». « Nous voilà coincés dans un débat purement sémantique (…) dans le cadre d’une navette qui pourra s’avérer éternelle », a déploré la présidente du groupe CRCE à majorité communiste Eliane Assassi. Pour le sénateur écologiste Guy Benarroche, « l’enterrement était prévisible, préparé, prémédité ».

Dénonçant dès le mois de mai « un nouvel engagement sur l’écologie renié par Emmanuel Macron et LREM, et sans doute l’un des plus importants », le député écologiste Matthieu Orphelin avait jugé pour sa part que « le gouvernement manœuvrait pour que le processus n’aille pas au bout, refusant toutes concertations avec le Sénat ».

Avec AFP

 

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