Discours de Sa majesté le Roi Mohammed VI : Décryptage de l'adresse à l'Algérie.
06 août 2021 - 20:30Dans un discours tourné essentiellement vers les relations avec le voisinage direct du Maroc à l’occasion des 22 ans de la Fête Trône, le Roi Mohammed VI a renouvelé ses vœux de voir des relations apaisées avec l’Algérie, des relations que les deux peuples veulent depuis de nombreuses années.
Les dirigeants en Algérie vont-ils saisir cette chance de mettre à plat les différends pour débloquer le développement et des deux poids lourds du Maghreb, la région la moins intégrée du monde?
Alors que les relations entre les deux pays sont plombées essentiellement à cause de la position hostile de l’Algérie envers l’intégrité territoriale du Maroc dans le dossier du Sahara, le Roi Mohammed VI a fait preuve une nouvelle fois d’un volontarisme royal pour apaiser les tensions et régler les problèmes et les non-dits qui séparent les pays.
Deux pays qu’il a qualifié de « jumeaux » tant les connexions et les liens entre les deux peuples sont forts de leur histoire commune. Son discours traduit une volonté de débloquer la situation pour aller ensemble de l’avant pour mener un projet de développement commun pour les deux nations et pour le continent, en dépit des situations conflictuelles. Pour les messages du discours du Roi Mohammed VI.
Le Roi Mohammed VI a consacré la moitié de son discours de ses 22 ans d’accession au Trône à l’Algérie, ce n’est pas anodin, qu’est-ce que cela veut dire selon vous ?
C’est important et c’est à relever parce que la moitié du discours du Trône a été consacré aux relations avec le pays voisin, l’Algérie. La conclusion qu’on peut en tirer c’est que le Roi a voulu, dans un discours de cette catégorie-là (qui porte en général sur les grandes questions intéressant l’état des lieux, les perspectives, le bilan),
Il y a là un souci souverain d’accorder toute la place souhaitable aux relations avec le pays voisin, c’est ça le premier point. Le deuxième c’est le contenu du message, de l’adresse en direction d’Alger, il y a le rappel de la position constante du Maroc à l’égard de l’Algérie, la recherche d’une normalisation des relations bilatérales. Depuis toujours le souverain a insisté sur cela, en qualifiant l’Algérie de République sœur, de pays frère, et ça n’est pas une posture, ça n’est pas conjoncturel, ça fait partie des éléments structurants de la vie royale sur le plan international en particulier sur le plan régional.
Autre observation, le Maroc s’inscrit dans la continuité de sa doctrine des relations internationales, et d la coopération, c’est-à-dire qu’il est porteur d’un message de paix, de coopération à l’égard de tout le monde et en particulier à l’égard de l’Algérie. Il a beaucoup insisté sur les liens particuliers qui existent entre les deux pays, il a même fait référence au fait que ce sont des frères jumeaux.
C’est une image très forte. Ça veut dire qu’il y a une gémellité qui est consubstantielle aux deux pays, ils sont tellement frères, tellement proches, tellement intimes, partageant beaucoup de choses, que ce qui touche l’Algérie touche le Maroc et de même ce qui touche le Maroc doit toucher l’Algérie. Il est allé très loin dans cette affirmation là, dans cette parenté, et en partant d’un destin commun.
Le Roi Mohammed VI a rappelé un fait important, c’est que ni lui ni les dirigeants actuels de l’Algérie ne sont responsables du blocage des frontières. La réouverture des frontières est-elle le premier pas vers une normalisation des relations?
Il a rappelé que ce qui bloquait pour l’instant, c’était la fermeture des frontières. C’est une décision qui correspond à une politique dépassée qui date de 1994 et donc 27 ans après, il est temps de revoir cette décision-là, t de réopérer l’ouverture des frontières qui répond à des intérêts économiques réciproques mais qui répond aussi aux aspirations des deux peuples. C’est une manière d’appeler les autorités d’Alger à mettre sur la table les problèmes en instance et à les aborder avec réalisme, avec confiance, de bonne foi, sans aucun préalable, il a bien dit sans aucune condition.
D’ailleurs c’est le même appel qu’il avait lancé le 6 novembre 2018 pour le discours de la Marche Verte. Il avait également expliqué que le Maroc était très attaché à une politique de la main tendue et normalisation avec l’Algérie. C’est aussi un discours qui veut tourner la page de situations contentieuses qui se sont cristallisées en différentes circonstances, et donc c’est un discours qui se situe dans une perspective d’avenir, de dépassement des contentieux en instance et de l’inscription des relations bilatérales dans un nouveau paradigme de rapprochement.
Evidemment c’est un discours qui sera lu et analysé par les autorités algériennes qui ne pourront pas l’évacuer d’un revers de la main. C’est un acte politique fort, avec des signes, des messages, une ferme volonté royale et ça ne peut qu’être pris en considération. J’ajoute que ça va au-devant des aspirations du peuple algérien parce qu’il y une grande fraternité et proximité entre les deux peuples.
C’est un discours qui intervient à un moment où les relations entre les deux pays sont au plus bas, certains analystes sont même allés à parler de prémices d’une guerre recherchée par l’Algérie en partant des dernières déclarations et actions menées par le pays voisin. Est-ce qu’on peut considérer ce discours comme intervenant à un moment stratégique ?
C’est un discours qui intervient à un moment particulier du fait d’un certain nombre de crispation qui sont intervenues ces dernières semaines, en différentes circonstances, donc c’est un discours d’apaisement. Le Maroc n’est pas dans un schéma de conflictualité, il est dans un schéma d’apaisement et normalisation. L’opinion publique internationale sera témoin de cette disposition totale du Maroc à nouer des relations normalisées avec l’Algérie.
Ça fait exactement 13 ans que le souverain prône cette politique de normalisation, de coopération, de partenariat, et la communauté internationale ne peut que prendre acte de la disposition du Maroc à œuvrer dans ce sens. Et c’est d’ailleurs conforme aux principes de la charte des Nations Unies. Le Maroc est exactement dans le périmètre des principes et de la philosophie des Nations Unies de 1945, c’est-à-dire, la paix, la stabilité, la sécurité, la coopération, le rapprochement, le partage de valeurs de libertés, donc aller dans le sens du progrès social, de l’épanouissement des personnes.
On comprend par les mots du souverain qu’il était temps de se projeter vers l’avenir et de régler les problèmes du passé. Pourquoi est-ce important que ce dossier soit définitivement réglé?
C’est un dossier qui a des effets multiples, il a des effets sur les relations bilatérales qui sont bloquées pratiquement, en panne et en crise, il a des effets sur le blocage du processus d’unification maghrébine, et c’est également un dossier qui pèse au niveau du continent, et finalement qui mobilise les diplomaties des deux pays alors qu’elles devraient avoir d’autres points de convergence et de conjugaison d’efforts et d’initiatives. Il y a d’autres grands problèmes contre lesquels on se bat dans la région et dans le continent, qui valent mieux que de continuer de nourrir ce contentieux qui est artificiel.
Ces problèmes, c’est le progrès social, le développement économique, le renforcement de la démocratie, la lutte antiterroriste, le fait d’appréhender les grandes problématiques continentales, le problème de l’eau, de désertification, le changement climatique, voilà les questions qui devraient mobiliser les diplomaties des deux pays. Le Maroc œuvre déjà dans ce sens, l’Union africaine doit aussi le faire plus activement, et c’est pour cela qu’on ne peut que saluer ce discours qui est un discours de responsabilité et qui, en même temps propose une vision d’avenir de ce que devraient être les relations entre les deux pays et les deux peuples.
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