Algérie : «Basta, nous ne nous tairons pas», les intellectuels algériens se dressent contre le régime.


Algérie: «Basta, nous ne nous tairons pas», les intellectuels algériens se dressent contre le régime | Le360 Afrique

Algérie : «Basta, nous ne nous tairons pas», les intellectuels algériens se dressent contre le régime.

Mise à jour le 08/09/2021 

Tebboune et Chengriha
Abdelmadjid Tebboune et Saïd Chengriha. © Copyright : DR

Algérie : Plus d’une centaine d’intellectuels, universitaires... algériens ont lancé une pétition en ligne pour dénoncer les tentatives du pouvoir «d’incriminer toute la Kabylie» et remettent en cause les accusations des autorités quant aux responsables des incendies de forêt et l'assassinat de Bensmail.

Depuis les incendies et l’assassinat odieux du militant du Hirak Djamel Bensmail, le pouvoir algérien s’est donné comme objectif d’écraser toute velléité de contestation au niveau de la Kabylie, où le mouvement de contestation populaire (Hirak) poursuit ses manifestations contre le système qui gouverne le pays depuis l’indépendance.

Et pour mener à bien leurs desseins, les autorités algériennes ont adopté la méthode "diviser pour mieux régner", en ciblant les Kabyles dans leur répression, tout en camouflant leurs actions par la lutte contre le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK).

Seulement, les dérapages des autorités, qui ont multiplié les arrestations d’activistes du Hirak et la répression des manifestants du seul fait qu’ils demandaient un changement du système et la libération des détenus du Hirak en les accusant d’être des sympathisants du MAK, ont fini par inquiéter et faire comprendre aux Algériens que le régime est en train de tirer profit des incendies de forêt en Kabylie pour faire taire toute contestation en Algérie.


En conséquence, une centaine d’universitaires, enseignants, intellectuels, artistes, activistes… algériens ont fini par réagir contre cette volonté des autorités d'incriminer la Kabylie pour mieux réprimer les activistes du Hirak et ont lancé une pétition ouverte aux Algériens.

Les signataires de cette pétition ont exprimé leurs très vives inquiétudes face aux problèmes dramatiques qui touchent le quotidien des Algériens depuis plusieurs semaines.

Ils dénoncent «un pouvoir obnubilé par la préservation de sa domination et de ses privilèges, pratiquant la récupération, la manipulation, le mensonge et la ruse, allant jusqu’à incriminer toute une région (la Kabylie) au risque de créer objectivement les conditions de confrontations fratricides aux conséquences incontrôlables».

Il poursuivent en soulignant que, comme à l’accoutumé, à chaque fois qu’il est dos au mur, comme ce fut le cas lors des incendies qui ont mis à nu les carences de la protection civile algérienne dépourvue de Canadair pour faire face aux incendies de forêt, le régime s’est adonné à sa gymnastique favorite en fabricant des preuves et surtout en accusant «la main de l’étranger» qui sert d’épouvantail au régime à toutes les occasions pour mieux réprimer les opposants de l’intérieur.

Ainsi, et face à l’absence de preuves irréfutables quant à l’origine des incendies, les signataires de la pétition expliquent que «les épreuves dramatiques que notre peuple vient de vivre, dans les dix-neuf wilayas, et qui ont tourné au tragique particulièrement en Kabylie où plus de deux cent femmes et hommes -civils et militaires- ont péri brûlés vifs dans des incendies dont le nombre et la simultanéité posent cruellement la question de leur origine et nous interpellent. Nous n’avons plus le droit de nous taire!».

Par ailleurs, revenant sur les incendies de forêt qui ont fait plus de 90 morts et des dégâts matériels conséquents, les intellectuels et universitaires ont dénoncé «l’incompétence dans la gestion et le traitement médiatique et politique», de cette catastrophe. Par cette gestion calamiteuse, ils soulignent que le pouvoir en place confirme qu’il est incapable de changer».

Pour eux, «l’illégitimité du pouvoir, l’absence de projet national d’avenir clair, le renoncement au rôle de l’Etat comme garant de l’intérêt général, la généralisation de la corruption à tous les niveaux, le détournement au profit de la minorité dirigeante de la puissance publique de l’Etat national (justice, police, école, mosquée, médias…), la complaisance complice envers tous les semeurs de haine (dont beaucoup se comptent parmi les clientèles et soutiens du système) ont favorisé l’affaissement de l’autorité de l’Etat et répandu le marasme dans ses institutions névralgiques. 
Ce sont ces raisons, entre autres, qui n’ont pas permis de faire efficacement face aux incendies-tueurs et ont nourri l’irresponsabilité et l’inconscience qui ont coûté la vie au jeune bénévole et artiste, Djamel Bensmail».

Quant aux responsables de ces incendies et l’assassinat odieux du jeune activiste, les signataires de la pétition dénonce le pouvoir qui «encore une fois, fabrique et désigne, sans preuves avérées, des ”ennemis intérieurs” et argue de la ”main de l’étranger” comme sources de tous les maux et prétextes à plus de fermeture politique et de répression. Sa nature bureautique et autoritaire et les intérêts prédateurs qu’il représente l’empêchent de tirer les enseignements de ses échecs successifs».

Pour eux, «contrairement aux allégations du pouvoir, ce sont fondamentalement ces échecs récurrents qui ont fait le terreau de toutes les idées extrémistes et alimenté les discours de haine, d’exclusion et de Fitna».

Il faut dire que des zones d’ombre persistent sur l’origine de ces incendies dont les autorités avaient dès le départ, avant qu’aucune enquête ne soit diligentée, annoncé leur origine criminelle, mais sans accuser qui se soit. Toutefois, après l’odieux assassinat du jeune Bensmail, les autorités ont rapidement trouvé le coupable, les sympathisants du MAK, organisation à laquelle les autorités imputent les incendies. Pourtant, le jeune activiste a été sorti de la fourgonnette de la police par les manifestants excités sans que les forces de l’ordre et ceux de la sureté algérienne ne daignent s’opposer à son lynchage. Un lynchage filmé devant les policiers avant que le corps du jeune ne soit tiré jusqu’au centre ville pour y être incendié sans qu’aucune force de l’ordre n’intervienne.

Et ce n’est que face à l’indignation de la population algérienne que les autorités ont fini par réagir en décidant d’ouvrir une enquête et punir les auteurs du crime. Et avant même que l’enquête ne démarre, le régime l’avait déjà bouclée en désignant son coupable idéal : le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK). 
Et ce fut le début d’une nouvelle répression féroce contre tous les présumés activistes de la région sous prétexte qu’ils sont sympathisants de cette organisation.

Ainsi, les universitaires et intellectuels signataires exigent «que toutes les lumières et la justice soient faites -avec la participation citoyenne- sur l’origine, les commanditaires et les auteurs des incendies et de l’abject assassinat de Djamel Bensmail».

Enfin, concluent les signataires de la pétition, «et au-delà de la tragédie multiple que nous venons de vivre, nous appelons nos concitoyens à demeurer unis contre toutes les manipulations et manœuvres visant à casser leur union solidaire et à les détourner du sens de l’Histoire. 
Le combat pour l’avènement d’un Etat civil conforme aux standards de notre temps, c’est-à-dire moderne, de droit, démocratique, social et ouvert à la pluralité de notre société est une exigence urgente et incontournable».
 
 
 
 

il faut souligner que la pétition ouverte à l’adhésion des Algériens compte parmi ses premiers signataires : Laohouari Addi, professeurs des universités, Abdelmadjid Azzi, syndicaliste et auteur, Kamel Bouzid, chef de service d’oncologie médicale, CPMC, Ali Brahimi, juriste, militant démocrate, Hosni Kitouni, historien, citoyen de Constantine, Mohamed Lahlou, professeur d’université, ancien responsable FFS, Abdesselam Mahana, enseignant à l’USTHB, Arezki Metref, journaliste, Sandra Triki, maître de conférences à l’Université d’Annaba, Ben Mohamed, poète, Mustapha Bouhadef, professeur d'université à la retraite, militant de la démocratie, Nouredine Benissad, avocat, président de la LADDH…

 

Par Karim Zeidane de 360°

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