La France se droitise-t-elle ?

 

La France se droitise-t-elle ?

Une récente enquête de la Fondapol montre que la France pencherait de plus en plus à droite à l'approche de l'élection présidentielle. 

Est-ce réellement le cas ? Est-il encore pertinent de répertorier les Français selon cette grille de lecture ? Peut-être pas.

Marine Le Pen et Xavier Bertrand dans un studio de télévision à Lille le 9 décembre 2015
Marine Le Pen et Xavier Bertrand dans un studio de télévision à Lille le 9 décembre 2015 Crédits : Philippe HUGUEN - AFP

La France se droitise si l’on en croit la Fondapol, la Fondation pour l’innovation politique, think tank dirigé par le politologue Dominique Reynié. Elle arrive à cette conclusion sur la foi d’une enquête réalisée auprès d’un peu plus de 3000 personnes par l’institut de sondages Opinion Way. Il s’agit d’une enquête sur “le risque populiste en France” que la Fondapol s’évertue à publier depuis 2019 à échéance d’une vague tous les 6 mois.

Ce que dit cette enquête, d’abord, comme d’autres avant elle d’ailleurs, c’est qu’il y a beaucoup plus de gens qui se positionnent à droite de l’échiquier politique qu’à gauche.

Les sondeurs ont demandé aux personnes interrogées d’indiquer où elles se situent politiquement sur une échelle de 1 à 10. (Sachant que 1 correspond à un positionnement à l’extrême gauche et 10 à un positionnement à l’extrême droite).

Le résultat est assez net. 37% répondent qu’elles se situent à droite, 20% à gauche. On a aussi 18% des personnes qui affirment se trouver au centre et 23% qui ne savent pas si elles sont à droite, à gauche ou au centre.

Un autre indicateur mis en avant par la Fondapol confirme cette tendance. Il porte sur le potentiel électoral des candidats à la présidentielle.

Il a été demandé aux personnes sondées de dire si elles pourraient voter pour tel ou tel candidat dans le panel qui leur était présenté. Et là encore, le résultat ne souffre pas d’ambiguïté. 56% ont répondu qu’elles pourraient voter pour un candidat de droite, Marine Le Pen, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Eric Zemmour...etc...

Et seules 34% qu’elles pourraient voter pour un candidat identifié à gauche, Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon ou encore Yannick Jadot. On voit bien là que ce n’est pas seulement l’émiettement, la multiplication des candidatures, qui fragilisent la gauche. C’est avant tout un potentiel électoral particulièrement faible.

Les Français expriment aujourd'hui des peurs plutôt que des valeurs

La Fondapol a aussi chercher à savoir ce qui sous-tend ce vote potentiel à droite. Et l’enquête met en évidence qu’il y a de très fortes attentes en matière de lutte contre la délinquance, de maîtrise de l’immigration et toutes ces personnes qui votent à droite attendent également qu’on réduise l’influence de l’islam.

Ce sont donc des thématiques sécuritaires et identitaires qui sont mises en avant et qui, à priori, font pencher la France à droite. Mais si on s’arrête là, on rate une partie du constat et une partie de l’analyse. Autrement dit, on fait peut-être fausse route.

Car si l'on regarde attentivement les préoccupations et les attentes mises en avant, on trouve, en 2ème position, la réduction des inégalités. Ça, ce n’est pas une valeur de droite, c’est plutôt une valeur de gauche. De la même manière, en 4ème position des préoccupations figure la réduction du chômage. Et juste derrière, la réduction du réchauffement climatique.

Si l’on observe bien toutes ces préoccupations, la délinquance, l’immigration, la religion musulmane, la réduction des inégalités, la lutte contre le chômage et contre le réchauffement climatique, on s'aperçoit qu'elles ne correspondent pas à des valeurs auxquelles on croit selon qu’on se dit de droite ou de gauche. Mais elles correspondent plutôt à des peurs collectives.

La peur de se faire agresser au coin de la rue dans une société perçue comme de plus en plus violente, peur des attaques terroristes commises au nom de l’islam et qui secouent la société française depuis bientôt 10 ans, peur d’un effondrement de l’économie dans un contexte de mondialisation effrénée que personne ne semble contrôlée, peur également du réchauffement climatique et de ses conséquences.

Une des grandes peurs collectives identifiée récemment dans un sondage par l’institut Polling Vox pour la Revue politique et parlementaire est que dans les années à venir, des millions de personnes franchissent la Méditerranée et débarquent en France poussées par le réchauffement climatique. 74% des personnes interrogées disent craindre ce phénomène, trois personnes sur quatre. C’est considérable.

La grille de lecture selon un clivage droite-gauche est de moins en moins pertinente.

Pour en revenir à cette prétendue droitisation de la France, ce n’est peut-être pas tout à fait ce qui se passe. La grille de lecture qui consiste à scinder la société selon un clivage droite-gauche est en partie obsolète. On s’y réfère encore par confort, par conformisme. 

Et quand on pose la question sur le positionnement politique selon ce critère, les gens répondent mais pas forcément par conviction, plutôt par habitude. Ce n’est pas que le clivage droite / gauche a disparu. Seulement, il est de moins en moins ce qui structure politiquement la société.

C’est d’ailleurs ce qu’a montré l’élection d’Emmanuel Macron face à Marine Le Pen en 2017. Tous deux revendiquaient ne se situer ni à droite ni à gauche de l’échiquier politique. C’est donc que pour les français, ce n’est plus vraiment ça l’important.

La France vit depuis quelques années des bouleversements profonds qu'il nous faut apprendre à regarder autrement qu’avec nos grilles de lecture un peu surannées.

C’est aujourd’hui une société qui vit dans une forme d’angoisse. Angoisse de la mondialisation, d'un effondrement de l’économie, du terrorisme, de l’immigration, du réchauffement climatique. 

Et les français attendent avant tout de leurs dirigeants, pas qu’ils soient de droite ou de gauche, ça c’est de plus en plus accessoire, mais qu’ils les protègent.

 

 

 

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