Emmanuel Macron lors du 8e sommet des pays méditerranéens MED7 à Athènes, le 17 septembre 2021
Ce
n'est pas faire du passé un âge d'or que de dire qu'il a pu accorder
plus de place qu'aujourd'hui à toute sorte de médiations, c'est-à-dire à
des acteurs et des institutions permettant le traitement politique de
questions taraudant la société civile, donc de bas vers le haut, ou
mobilisant d'abord l'Etat, donc du haut vers le bas.
Comment ne pas
admettre qu'en arrivant aux affaires en 2017, Emmanuel Macron héritait
d'une décomposition des médiations déjà fort avancée ?
Les
partis classiques auxquels on s'était habitué depuis la fin de la
Deuxième Guerre mondiale ne pesaient plus grand-chose. A gauche, le
communisme était réduit à la portion congrue depuis longtemps, et le
socialisme, qui s'était reconstitué tout au long des années 70, après
son Congrès d'Epinay, était un champ de ruines. A droite, la
candidature de François Fillon à l'élection présidentielle de 2017
s'était soldée par un désastre. La société civile n'allait guère mieux,
et en dehors de la CFDT, le syndicalisme ne parvenait guère à s'adapter à
la sortie de l'ère industrielle, et à l'entrée dans un nouveau type de
société, post-industrielle.
Emmanuel
Macron aurait pu envisager ou tenter de (re)construire un tissu
institutionnel et politique de médiations ou de corps intermédiaires,
d'encourager la relance de partis, d'associations, d'institutions en
mauvaise passe. Une telle perspective trouve ses lettres de noblesse
chez Montesquieu - "Abolissez dans une monarchie les prérogatives des
seigneurs, du clergé, de la noblesse et des villes, vous aurez bientôt
un Etat populaire ou un Etat despotique" - ou chez Tocqueville, penseur
de la démocratie s'en prenant au pouvoir central "parvenu à détruire
tous les pouvoirs intermédiaires" de sorte "qu'entre lui et les
particuliers il n'existe plus rien qu'un espace immense et vide", et
expliquant que les corps intermédiaires constituent un obstacle à la
centralisation des pouvoirs, favorisent la décentralisation et
permettent d'intéresser les citoyens à la vie publique.
Il a choisi une
autre orientation. Il renoue plutôt avec une tradition révolutionnaire
incarnée par la loi Le Chapelier (17 juin 1791), qui interdit tout
groupement professionnel dans un esprit rousseauiste, initialement pour
mettre fin aux vieilles corporations, mais dont surtout l'impact serait
qualifié aujourd'hui de libéral - Karl Marx a vu dans cette loi un
"coup d'Etat des bourgeois". Nicolas Sarkozy avait peut-être ouvert la
voie à Emmanuel Macron, en affirmant en 2012 que les corps
intermédiaires, source d' "immobilisme" font "écran entre le peuple et
le gouvernement".
Mépris pour la CFDT
Le
président Macron a méprisé le syndicalisme réformiste de la CFDT,
tandis que d'autres syndicats, à commencer par la CGT et Sud,
s'embarquaient dans des combats radicaux sans perspective de négociation
ou de compromis. Les mobilisations syndicales, le blocage au Parlement
sont venus finalement à bout de sa réforme des retraites, imposée au
forceps en février 2019 pour être immédiatement abandonnée, un échec
qui doit quelque chose à l'obstination du chef de l'Etat à négliger la
centrale dirigée par Laurent Berger, qui notait en novembre 2018 :
"Macron est sanctionné par là où il a fauté. Il a outrepassé les corps
intermédiaires. Mais à quoi servent ces derniers? A faire des
propositions, à négocier, à contester, mais aussi, quand il y a des
coups de chaud, à faire redescendre la température".
Emmanuel
Macron, avec La République en marche, a voulu incarner une synthèse de
la droite et de la gauche, d'où sa formule du "en même temps". Il s'est
doté d'une assise politique comptant effectivement des transfuges de
l'une et de l'autre. Résultat : entre les extrêmes et l'Elysée, le
système politique est resté dévasté, le chef de l'Etat siphonnant selon
les conjonctures l'électorat de la droite, ou celui de la gauche. Son
parti n'en a pas été grandi pour autant, fiction sur le terrain et
instrument inconsistant et fat - "probablement trop intelligent, trop
subtil" selon les déclarations de son chef Gilles Le Gendre en décembre
2018 -, d'une verticalité se jouant sans transition de l'Elysée vers la
population.
La
droite classique a dû attendre le choix de sa candidate à la
présidentielle, Valérie Pécresse, le 4 décembre dernier, pour esquisser
un redressement, tandis que la gauche persiste à s'enferrer dans la
spirale de la déréliction. Emmanuel Macron avait annoncé une dose de
proportionnelle pour les législatives, une réforme qui aurait pu
contribuer à ré-enchanter le système politique : la promesse, bloquée
par un Sénat qu'il n'a pas su convaincre, n'est toujours pas à l'ordre
du jour. Par contre, l'abstention est une réalité parfois massive :
65,31% des inscrits sur les listes électorales n'ont pas participé au
deuxième tour des élections régionales de 2021.
Contre ou avec les élus locaux ?
Mais
le pouvoir n'est-il pas attaché aux élus locaux, et notamment aux
maires des quelque 35 000 communes de notre pays ? Dans un premier
temps, le président se les est plutôt aliénés, en annonçant à leur grand
dam, en 2017, diverses baisses dont celle de 300 millions de crédit
pour les collectivités locales, et la fin de la taxe d'habitation - une
mesure particulièrement préoccupante pour les maires.
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