Sécheresse, rareté de l'eau... Le Maroc fait face au changement climatique

La réponse Royale

14 Mai 2022

Depuis le 15 novembre 2016 déjà, S.M. le Roi Mohamed VI avait appelé les pays avancés à prendre leurs responsabilités en matière de lutte contre le changement climatique et à en faire un combat commun s’élevant au-dessus des calculs individuels .

La question de l’environnement et du climat ne peut être traitée en se cantonnant à résoudre ses problèmes en interne. C’est toute la signification du discours du Roi Mohammed VI prononcé par Mohamed Sadiki, ministre de l’Agriculture, lors du sommet des chefs d’État et de gouvernement sur la sécheresse et la gestion durable des terres, qui s’est tenu à Abidjan, en Côte d’Ivoire, les 9 et 10 mai 2022. 

«Le Maroc, conscient que la lutte contre le changement climatique n’est pas seulement une affaire d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de gestion durable des terres, s’est engagé sur plusieurs fronts, particulièrement ceux de la préservation des écosystèmes, de la sauvegarde de la biodiversité et de l’atténuation de la précarité des populations vulnérables», dit le Souverain.

Depuis la Convention-cadre des Nations- Unies sur les changements climatiques (COP22), organisée à Marrakech en 2016, qui a cristallisé cette prise de conscience des enjeux de la question au Maroc, et compte tenu de la vitesse à laquelle les traités internationaux se signent et à la lenteur qui marque leur traduction en actes, les pays africains doivent agir dans l’harmonie, ensemble. A titre d’exemple, seule une action commune est susceptible de trouver une solution au problème de la migration climatique interafricaine.

Approche globale
Du côté du Maroc, la mise en place d’une stratégie nationale de développement durable et de plans sectoriaux ainsi que de plans régionaux de lutte contre le réchauffement climatique a enfanté des actions qui prennent en considération l’impact environnemental et socio-économique de toute décision publique. Sauf que la succession des cycles de sécheresse et d’autres manifestations visibles du dérèglement climatique complique la donne et pousse à une approche “globale et holistique” pour reprendre la description du Roi Mohammed VI. C’est une approche transversale (lire l’interview du Pr Houria Sadeq Tazi) qui implique à la fois une complémentarité et une coordination entre les différents acteurs étatiques et privés et une approche participative qui engage la société civile dans toute démarche, en amont comme en aval.

Au Maroc, la société civile a été pionnière à attirer l’attention sur la nécessité de préserver l’environnement pour les générations futures et d’un développement qui ne soit pas au détriment des richesses naturelles et de la biodiversité. 

 

Repose en paix Pr Abderrahim Harouchi

Ce médecin, ancien ministre et président de l'Association Afak, créée en 1996 et active dans le domaine de la promotion des droits civiques et des valeurs de citoyenneté dont le respect de l’environnement, avait tiré la sonnette d’alarme très tôt, de façon didactique voire même ludique.

On n’oubliera jamais les spots radio et télé de l’association ou encore les sorties fracassantes du regretté Harouchi, s’élevant contre le gaspillage de l’eau et le fait de polluer sans nous soucier des conséquences, si ce n’est pour notre génération, du moins pour les générations futures, au moment où régnait une faible sensibilité générale à la question, en organisant les premières campagnes de nettoyage des plages et de sensibilisation à la préservation des ressources, contre la pollution des cours d’eau par les industries, la pollution par les gaz d’échappement...

Au sommet de l’État, le Roi Mohammed VI a toujours été sensible à cette question. En veillant à une bonne organisation de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP22),organisée à Marrakech en 2016, qui a cristallisé cette prise de conscience au Maroc et qui faisait suite à la COP21 à Paris ayant donné naissance à un accord international engaeant un grand nombre de pays à réduire les émissions des gaz à effet de serre, source de changements climatiques affectant le climat et des secteurs stratégiques (tels l’agriculture) des pays du Sud, dont le Maroc.

Combat commun
Qui peut oublier le discours royal de mardi 15 novembre 2016, lorsque le Souverain a appelé les pays avancés à prendre leurs responsabilités en matière de lutte contre le changement climatique et à en faire un combat commun s’élevant au-dessus des calculs individuels étroits? «Le coût de l’attentisme et le manquement à l’impératif d’affronter le changement climatique et ses effets, auront des conséquences graves, mettant en péril la sécurité et la stabilité et induisant l’extension des foyers de tension et des crises à travers le monde», avait-il lancé, en prenant fait et cause en faveur des pays du Sud, notamment africains et insulaires.

«L’enjeu, c’est l’existence de l’Homme, qui exige de nous d’oeuvrer ensemble main dans la main pour la protéger», a-t-il martelé. De cette COP de Marrakech sont nées des actions concrètes, dont l’engagement des pays avancés (pollueurs) à mobiliser 100 milliards de dollars américains à l’horizon 2020 (échéance récemment repoussée à 2025), conformément à l’engagement pris en novembre 2015. De cette COP est née, aussi, la volonté du Maroc d’adopter une stratégie nationale de développement durable qui est en cours de déploiement avec ses 21 plans sectoriels.

Actions concrètes
Ces messages avant-gardistes ont beaucoup aidé à une prise de conscience surtout dans les rangs des décideurs. Et puis, en chef d’État convaincu dont la fibre environnementale, avant même d’être intronisé (son allocution en 1992, dans la ville de Rio de Janeiro, au Brésil, à l’occasion de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement), a toujours été sensible, le Roi Mohammed VI avait donné le ton en 2009 en lançant un chantier majestueux, la Stratégie énergétique, avec cinq grands plans: le programme intégré de l'énergie éolienne, le plan solaire marocain, le programme solaire photovoltaïque, les chantiers de production hydroélectrique et le programme national d'efficacité énergétique. Le bilan est, somme toute, positif. L’action, provenant du secteur public ou du privé, a été au rendez-vous. Le secteur financier et bancaire et des institutions comme la CDG se sont investis dans la finance climat en tant qu’intermédiaires évaluant, conseillant et finançant des projets verts bancables.

Mais cela ne veut pas dire que tout est rose. Le Maroc continue d’utiliser en grande partie les énergies fossiles fort polluantes en attendant que les énergies propres deviennent dominantes. Le grand hic, c’est l’absence d’une action commune transversale entre les différents départements ministériels et offices publics et le privé. Chacun travaille encore pour son compte et la coordination demeure faible et surtout inefficace. La société civile est impliquée dans ce processus de changement mais elle est rarement consultée; et quand elle l’est, ses recommandations pratiques ou pistes de réflexion sont souvent reléguées au second plan.

Concernant la raréfaction de l’eau, cette denrée vitale à la survie de l’être humain et des autres créations, le stress et la pénurie hydriques ne sont pas attribuables uniquement à la faible pluviométrie ou à la sécheresse. «Gaspillage, déficit de valorisation, retard dans la réalisation d’infrastructures, insuffisance de coordination et difficultés d’accès aux financements appropriés», sont autant de dysfonctionnements relevés par le rapport 2019 de la Cour des comptes sur la gestion de l’eau au Maroc.

Économie polluante
A cela se greffe une mauvaise gestion de la nappe phréatique et des ressources souterraines dans le domaine de l’agriculture. C’est le revers de la médaille concernant la massification de la production agricole, ou ce qu’on appelle l’agriculture intensive, dans le cadre de la stratégie sectorielle en vue d’augmenter les exportations en particulier et d’atteindre la sécurité alimentaire. Sans oublier que dans ce secteur, qui emploie près de 1,3 million de Marocains, en grande majorité en provenance du monde rural, les agriculteurs et les agroindustriels continuent d’utiliser les bonbonnes de gaz pour faire fonctionner leurs pompes à eau et pour alimenter leurs systèmes de chauffage de fermes d’élevage de volaille, d’ovins et de bovins.

Ce sont, entre autres, autant de failles qui entachent le processus de transition d’une économie polluante à un développement durable qui tient compte de la diminution drastique des ressources naturelles et de la détérioration du climat et de l’environnement. 

Point de projets développement qui ne soient pas durables.

 

 

 

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