La classe de maître de Zelensky !
Volodymyr Zelensky est apparu vêtu de sa traditionnelle chemise militaire au beau milieu d’une fenêtre d’une réunion Zoom projetée sur un grand écran, et le silence fut dans la salle de classe de l’Université de Montréal. D’un seul coup, son charisme venait de faire fondre les barrières virtuelles qui s’érigeaient entre lui et les centaines d’étudiants de partout au Canada venus voir et entendre le président de l’Ukraine au sein de leurs campus respectifs.
Dans cet échange d’une heure organisé par l’Université de Toronto, mercredi, le président de ce pays en guerre a donné une classe de maître à des étudiants qui buvaient ses paroles. Mais avant tout, celui que la vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland, a présenté comme un « brave professeur révolutionnaire enseignant aux démocraties du monde » leur a d’abord servi une leçon d’humilité.
« Qui aurait cru que tout aurait été si différent entre 2019 et 2022 », a déclaré le président Zelensky, faisant allusion à une conférence qu’il avait donnée il y a tout juste trois ans à l’Université de Toronto sur les grands chantiers que s’apprêtait à réaliser l’Ukraine. « Qui aurait pu croire que trois ans plus tard, les grandes réformes de notre pays allaient avoir une tout autre résonance. »
Dans une allocution bien sentie, Volodymyr Zelensky, habile orateur, semblait durement accuser le coup d’un destin qui ne s’est pas présenté comme il l’aurait souhaité. « En 2019, je parlais de mon pays de rêve, d’un État où la plus grande valeur serait l’être humain, et en 2022, on se bat contre un agresseur dont la valeur la plus importante est les armes », a-t-il dit. « Trois ans plus tard, le chemin que nous empruntons est différent, mais nos objectifs sont les mêmes. »
Tel un professeur intéressé, le président de l’Ukraine a généreusement répondu aux questions des étudiants. Comment garde-t-il espoir ? Comment la possible adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne influe-t-elle sur les décisions de son gouvernement ? Et quel rôle ont joué les médias sociaux dans la guerre ?
« Internet et les réseaux sociaux sont des espaces qui deviennent des possibilités, […] des instruments qui nous permettent de faire connaître la vérité », a répondu le président Zelensky à cette dernière question. « Parfois, l’information peut donner un plus grand coup que certains types d’armes. »
Malgré le sérieux des échanges, cet ancien comique qui compose désormais avec l’horreur a su détendre l’atmosphère à quelques reprises. Non pas qu’il ait le coeur à rire, mais l’humour est une sorte de remède, a-t-il expliqué. « Tu ne peux pas être dans tes pensées de guerre en tout temps. Tu dois faire une pause, lire quelque chose de drôle… Il y a de très bons mèmes humoristiques. »
À une étudiante de l’Université de Toronto qui lui avait demandé quelles étaient ses idoles, en soulignant au passage que lui-même était souvent comparé à des icônes comme Winston Churchill et Harry Potter, il a répondu avec une pointe d’humour : « Nous savons qui est Voldemort dans cette guerre et nous savons qui est Harry Potter. Donc nous savons comment la guerre se terminera », a-t-il dit, déclenchant rires et applaudissements.
« Professeur » Zelensky en a profité pour rendre hommage au peuple ukrainien, au fermier ordinaire qui barre la route à un char d’assaut avec son tracteur, à cette femme qui tient tête aux soldats, et aux enfants qui ne bronchent pas pendant que l’ennemi s’en prend à leur maison. « Ce sont les Ukrainiens qui sont restés en Ukraine et qui n’ont pas abandonné notre liberté. C’est d’eux que [je m’inspire]. »
Des leçons aux étudiants
Le président Zelensky s’est adressé aux étudiants ukrainiens temporairement déplacés en leur demandant de ne pas oublier de rentrer au bercail le moment venu. « Revenez. Avec vos connaissances à la fine pointe, avec la volonté de vivre et de construire une Ukraine indépendante. »
Présentes dans la salle à l’Université de Montréal (UdeM), de jeunes étudiantes ukrainiennes arrivées ici en avril étaient émues d’avoir pu écouter leur président. « J’ai pleuré tout le long ! » a lancé à la fin de la rencontre Maryna Khrennikova, qui commence à l’automne un baccalauréat en communication politique. Si elle connaissait l’acteur « très cool » qu’il était, elle avait du mal à le qualifier comme dirigeant, jusqu’à ce que la guerre éclate. « Depuis, tous les Ukrainiens sont impressionnés », assure la jeune femme, qui parle un français impeccable appris à l’Université de Kharkiv. « Après l’avoir écouté, j’ai deux sentiments. J’ai envie de retourner en Ukraine et de lui faire un gros câlin. »
Vincent Perras, un étudiant en histoire de l’UdeM qui a pu poser une question au président, s’est dit impressionné par son aplomb. « C’est quelqu’un de très charismatique qui contrôle bien son image publique », a-t-il indiqué. Il ne s’étonne pas qu’il ait pris de son temps pour rencontrer la communauté universitaire du Canada, une certaine élite intellectuelle avec qui il a intérêt à resserrer les liens. « Je trouve assez impressionnant de voir tout le soutien qu’il est capable de venir chercher. »
Car au-delà du message adressé aux ressortissants ukrainiens, il en avait un autre, on ne peut plus clair, pour les étudiants d’ici. « Nous avons besoin d’armes, d’un soutien financier, d’un soutien humanitaire, et nous avons besoin d’une pression de sanction permanente, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. […]
Le Canada nous aide comme il peut, mais c’est vraiment important que vous, les étudiants de tous les pays, passiez le message », a-t-il souligné avant d’ajouter : « S’il vous plaît, ne vous lassez pas de la guerre. ».
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