A FINI PAR RÉVEILLER LE MONSTRE : DU RETOUR DE L’INFLATION AU MAROC.


On a fini par réveiller le monstre : du retour de l’inflation au Maroc.




Nabil Adel, économiste et consultant.



Depuis plusieurs mois, le Maroc est frappé, à l’instar de nombreux pays, par une forte hausse des prix. 

Celle-ci a affecté le pouvoir d’achat des ménages, rongé les marges des entreprises et mis de l’incertitude dans les politiques publiques. Dans une série de tribunes, l’économiste Nabil Adel tente d’analyser en profondeur le phénomène, avant d’y apporter les solutions idoines.


Le 11/04/2023

Depuis plusieurs mois, le Maroc est frappé, à l’instar de beaucoup de pays, de plein fouet par une forte hausse des prix. Celle-ci a affecté le pouvoir d’achat des ménages, rongé les marges des entreprises et mis de l’incertitude dans les politiques publiques.

Les analystes ont dans un premier temps imputé le retour de ce phénomène à des chocs externes, avant que l’adoption par Bank-Al-Maghrib d’un politique monétaire rigoureuse ne mette un terme à cette explication pour le moins simpliste.

Dans cette série d’articles ramadanesques, nous analyserons dans le détail cette inflation, chiffres à l’appui, nous en expliquerons les causes et proposerons quelques pistes de mesures pour en venir à bout. 
Le deuxième article de cette série est consacré à l’identification des origines de l’inflation, préalable nécessaire à toute action efficace de lutte.

D’où nous vient cette inflation ?

L’inflation est un déséquilibre macroéconomique, et monétaire pour être plus précis. Toute inflation est nécessairement précédée par une phase de forte création monétaire. Elle se manifeste par une progression de la masse monétaire (quantité de monnaie en circulation dans une économie, désignée par M3) plus rapide que celle du niveau de production (PIB). Elle se traduit par une hausse de la demande et, par conséquent, une augmentation du niveau général des prix.

Ce fut bien le cas au Maroc où, depuis l’année 2005, la masse monétaire est systématiquement supérieure à la production intérieure.

Evolution de la masse monétaire et de la production.

Au Maroc, la création monétaire a emprunté une pente ascendante, caractérisée par quatre phases :

⦁Depuis le PAS et jusqu’au début des années 2000, la création monétaire a été plutôt prudente et inférieure au niveau général des prix.

⦁À partir de l’année 2002, l’évolution de la masse monétaire sera plus rapide que celle du niveau général des prix, alimentée par la frénésie immobilière et boursière de l’époque.

⦁À partir de 2007, un nouveau palier de la politique monétaire sera franchi, où la progression de la masse monétaire sera non seulement plus rapide que le niveau des prix, mais évoluera plus fortement que le niveau de production lui-même (M3/PIB supérieur à 100%).

⦁ Enfin, pendant la crise de la Covid-19, la masse monétaire a connu un bond significatif. Pour faire face aux effets de la pandémie, la monnaie en circulation est passée entre 2020 et 2021 à respectivement 138% et 135% du PIB, contre 119% en 2019.


Evolution de la masse monétaire par rapport au PIB et de l'IPC.

Pour sa part, Bank Al-Maghrib a adopté une politique monétaire accommodante, à coups de réductions des taux directeurs et de la réserve obligatoire, pour stimuler la croissance économique, selon la recette keynésienne qui consiste à favoriser la croissance par l’instrument monétaire.


Evolution des instruments conventionels de politique monétaire.

La «théorie quantitative de la monnaie» se révèle encore une fois extrêmement pertinente dans l’explication des limites de la création monétaire pour stimuler la croissance économique.

Celle-ci est résumée par la fameuse formule : MV = Py

M désigne l’offre de monnaie, V est la vitesse de la monnaie (qui est inversement proportionnelle à la demande de monnaie), P est le niveau des prix, généralement mesuré par l’IPC, et y est le produit intérieur brut réel.

Si V et y sont constants, alors toute augmentation de M doit entraîner une augmentation de P. Plus généralement, bien sûr, V et y changent, mais de manière suffisamment prévisible pour les intégrer dans les mesures de politiques économiques. Une simple preuve algébrique montre que la variation en pourcentage de M plus la variation en pourcentage de V doit être approximativement égale à la variation en pourcentage de P plus la variation en pourcentage de y.

Comme on a pu le constater à la lecture de l’évolution des taux d’inflation interannuels, on a commencé à sentir, depuis le dernier trimestre de l’année 2021, que le mouvement haussier des prix n’avait rien de passager et que quelque chose de plus permanent était en train de s’installer, et ce partout dans le monde.

Le retour de l’inflation partout dans le monde a été également consécutif aux politiques budgétaires menées par les différents pays pour soutenir un tant soit peu la consommation des ménages et maintenir l’appareil productif des entreprises. Au Maroc, on a observé quasiment le même phénomène. 
La production (l’offre) a reculé de 6,3% en 2020 contre une diminution de seulement 2,5% de la consommation intérieure, ce qui créera un décalage entre l’offre et la demande (D>O). Notre lecteur observera qu’alors que la production avait régressé, les dépenses publiques ont tout de même augmenté de 1,7%.

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