Les preuves du plan génocidaire de la France en Algérie par la prose coloniale.

 

Les preuves du plan génocidaire de la France en Algérie par la prose coloniale.

Victor Hugo n’a pas hésité à exprimer son enthousiasme pour la colonisation. D. R.

En histoire, quelques récits et témoignages directs légués par les principaux acteurs impliqués dans les événements rapportés par leurs écrits recèlent plus de «trésors historiques» et d’objectivité scientifique que des centaines de livres rédigés postérieurement par des historiens idéologiquement marqués, sur le fondement de la seule lecture d’ouvrages aux paradigmes politiquement orientés, publiés par d’autres historiens assermentés soumis à l’orthodoxie académique étatique. 

Autrement dit, par les mêmes mandarins universitaires au cerveau ankylosé à force d’étroitesse paradigmatique et de vacuité méthodologique, auteurs de contes de fées historiques, non de faits historiques.

Qui mieux que les témoins oculaires ou les observateurs contemporains des tragédies pour éclairer l’histoire avec leur documentation composée sur le vif, à l’instar du reporter de guerre contemporain qui immortalise les événements avec sa caméra ?

La colonisation de l’Algérie a conservé de nombreux précieux documents historiques rédigés par les acteurs de la conquête, les premiers colons, militaires, médecins, penseurs français. Quelques extraits des correspondances et mémoires des acteurs de la première phase de la colonisation suffisent à mesurer l’ampleur des massacres, à discerner la volonté des autorités coloniales françaises d’exterminer la population algérienne, à corroborer la culpabilité de la France génocidaire devant le Tribunal de l’Humanité. 

Ainsi, ces témoignages attestent de l’étendue des crimes génocidaires commis par les conquérants français, des opérations exterminatrices de la puissance coloniale. Ces différents récits démontrent que, face à la résistance du peuple algérien, l’extermination et la déportation étaient constamment préconisées par l’ensemble des conquérants, notamment par certains penseurs de métropole.

Dès le début de la conquête, le caractère génocidaire de la colonisation est admis et justifié par l’ensemble des occupants, en particulier le boucher Bugeaud : «Il n’y a pas d’autres moyens d’atteindre et de soumettre ce peuple extraordinaire.»

Loin d’être l’apanage des militaires, la volonté d’extermination des populations algériennes est également partagée par les colons «civils», les fameux pieds-noirs aux mains rouges de sang. Pour ces colons français, les indigènes ne sont pas considérés comme des êtres humains. Au cours de toute la période de colonisation (1830-1962), les «indigènes» algériens furent victimes d’exactions, d’expropriation, de spoliation, d’oppression, d’exploitation, de viols collectifs, de tortures systématiques, d’internement dans des camps de concentration, d’acculturation, de ségrégation sociale et spatiale. En résumé, de politiques génocidaires physique sociale, économique, culturelle, civilisationnelle.

Ce faisant, dès les premières années de la conquête de l’Algérie, le caractère barbare du déroulement de la colonisation fut reconnu officiellement par une commission parlementaire française en 1834. A cet égard, la politique génocidaire de l’entreprise coloniale s’illustre par la baisse vertigineuse de la démographie. Au lendemain de la capitulation d’Abdelkader en 1847, sur une population algérienne estimée à 3 millions à la veille de la conquête française, il ne reste plus dans le pays que 2 millions d’habitants, soit une chute de plus 33%, décimés par les politiques génocidaires des autorités coloniales françaises, en particulier son armée à la tête de laquelle se hissaient la figure hideuse du maréchal Bugeaud et ses criminels acolytes Cavaignac, Pélissier, Armand de Saint-Arnaud, etc. A la tête de 100 000 hommes, ces militaires génocidaires pratiquèrent la politique de la terre brûlée.

Sans conteste, cette politique de la terre brûlée, en particulier les enfumades, constitue un crime contre l’humanité, en vertu des textes des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo élaborés par les Alliés pour juger les criminels de l’Allemagne nazie et des autres pays de l’Axe. 

Autrement dit, du point de vue du droit international, à plus forte raison de la conscience morale universelle, la colonisation de l’Algérie par la France est un crime contre l’humanité. Pourtant, la France continue de bénéficier indécemment de l’impunité judiciaire. De l’immunité pénale. D’une exonération indemnitaire. Voire d’une amnistie historique : crime contre l’humanité ni vu ni connu. Donc jamais reconnu.

Laissons la parole aux acteurs et témoins directs de cette conquête génocidaire française de l’Algérie.

Comprendre la conquête génocidaire française de l’Algérie par les textes de ses protagonistes colonialistes

Dans la nuit du 6 au 7 avril 1832, la tribu des Ouffia est exterminée près d’El-Harrach par le gouvernement du duc de Rovigo. Voici ce qu’écrit Pellissier de Reynaud, officier et diplomate établi en Algérie au moment de la conquête génocidaire : «Tout ce qui vivait fut voué à la mort ; tout ce qui pouvait être pris fut enlevé, on ne fit aucune distinction d’âge, ni de sexe. Cependant, l’humanité d’un petit nombre d’officiers sauva quelques femmes et quelques enfants. En revenant de cette funeste expédition, plusieurs de nos cavaliers portaient des têtes au bout de leurs lances et une d’elles servie, dit-on, à un horrible festin.» Ainsi, comme leurs ancêtres les Francs en Palestine, lors des Croisades, les conquérants français s’adonnèrent au cannibalisme.

Le commandant Cavaignac, à la tête d’un régiment de zouaves au début des années 1840, est le premier militaire à inaugurer la méthode de tuerie par asphyxie, appelée les «enfumades», préfiguration des chambres à gaz du régime nazi. En effet, pourchassant des résistants réfugiés dans les grottes du Dahra, après l’échec des pourparlers, devant le refus de leur reddition, le commandant Cavaignac ordonne d’enfumer les grottes. Tous les membres de la tribu des Sbéhas, femmes, hommes et enfants, réfugiés à l’intérieur des grottes, meurent asphyxiés.

Relatant cette opération d’enfumage, son homologue le général Canrobert écrit : «On pétarada l’entrée de la grotte et on y accumula des fagots de broussailles. Le soir, le feu fut allumé. Le lendemain quelques Sbehas se présentèrent à l’entrée de la grotte, demandant l’amân (*) à nos postes avancés. Leurs compagnons, les femmes et les enfants étaient morts.»

Avec la généralisation des «enfumades» en 1845, le maréchal Bugeaud enjoint au colonel Pélissier d’user de cette méthode : «Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbehas. Fumez-les à outrance comme des renards.»

Chef d’état-major de la province d’Oran, le colonel Aimable Pélissier exécute les instructions de Bugeaud, en assiégeant un millier d’hommes, de femmes et d’enfants réfugiés dans des grottes du Dahra. Résultat : ils meurent asphyxiés à la suite des «enfumades». Face aux critiques soulevées par certains contre ces massacres, Pélissier rétorque froidement : «La peau d’un seul de mes tambours avait plus de prix que la vie de tous ces misérables.» Autrement dit, de tous les Algériens. Cette conception raciste et génocidaire, tous les Français, en particulier les colons, la partageaient jusqu’à 1962.

En fait de cruautés génocidaires perpétrées lors de la conquête d’Algérie, le lieutenant-colonel Armand de Saint-Arnaud se hisse en haut du podium. En juin 1844, dans une correspondance, Armand de Saint-Arnaud expose avec force détails ses méthodes en matière de guerre d’extermination : «Je ne laisserai pas un seul arbre debout dans leurs vergers, ni une tête sur les épaules de ces misérables Arabes… Ce sont les ordres que j’ai reçus du général Changarnier et ils seront ponctuellement exécutés. Je brûlerai tout, je les tuerai tous.» En août 1845, lors d’une opération d’encerclement des grottes où s’étaient réfugiés des troupes d’un des lieutenants de l’émir Abdelkader, entre Ténès et Mostaganem, Armand de Saint-Arnaud décide, après cinq jours de siège, d’emmurer les grottes. Dans une missive adressée à son frère, il relate ses exploits «holocaustaires» : «Alors je fais hermétiquement boucher toutes les issues et je fais un vaste cimetière. La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques. Personne n’est descendu dans les cavernes ; personne… que moi ne sais qu’il y a là-dessous cinq cents brigands qui n’égorgeront plus les Français. Un rapport confidentiel a tout dit au maréchal simplement, sans poésie terrible, ni images.» Relatant les exactions commises par les troupes françaises dans leur guerre exterminatrice menée contre le peuple algérien, le colonel de Saint-Arnaud écrit : «Voilà la guerre d’Afrique ; on se fanatise à son tour et cela dégénère en une guerre d’extermination.» La vérité est ainsi précocement reconnue par les pionniers génocidaires colons français : la France mène une guerre d’extermination. Pourtant, leurs descendants, les dirigeants français, par racisme, refusent toujours de reconnaître ce crime contre l’humanité.

Gouverneur général de l’Algérie, Bugeaud légitime toutes les violences perpétrées par les conquérants français : «Il n’y a pas d’autres moyens d’atteindre et de soumettre ce peuple extraordinaire.»

Dans une lettre rédigée en janvier 1843 pour accélérer le projet d’expropriation et de spoliation, Bugeaud ordonne au général Louis Juchault de Lamoricière d’affamer les populations algériennes : «J’espère qu’après votre heureuse razzia le temps, quoique souvent mauvais, vous aura permis de pousser en avant et de tomber sur ces populations que vous avez si souvent mises en fuite et que vous finirez par détruire, sinon par la force du moins par la famine et les autres misères.»

A ses soldats, le gouverneur général de l’Algérie, Bugeaud, dans un document officiel, expose les moyens et les méthodes de la guerre d’extermination des populations algériennes décrétée par les autorités coloniales françaises : «Le but n’est pas de courir après les Arabes, ce qui est fort inutile, il est d’empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer […], de jouir de leurs champs […]. Allez tous les ans leur brûler leurs récoltes […] ou bien exterminez-les jusqu’au dernier.» Cette ligne politique génocidaire, le général Bugeaud la réaffirme lors de son discours prononcé en janvier 1845 devant la Chambre des députés : «J’entrerai dans vos montagnes, je brûlerai vos villages et vos moissons, je couperai vos arbres fruitiers, et alors ne vous en prenez qu’à vous seuls.»

Le témoignage d’un autre militaire nous éclaire sur les velléités exterminatrices des conquérants français. En effet, dans une de ses lettres, le lieutenant-colonel de Montagnac décrit ses projets «holocaustaires» : «Tous les bons militaires que j’ai l’honneur de commander sont prévenus par moi-même que, s’il leur arrive de m’amener un Arabe vivant, ils reçoivent une volée de coups de plat de sabre.» «Voilà, mon brave ami, comment il faut faire la guerre aux Arabes : tuer tous les hommes jusqu’à l’âge de quinze ans, prendre toutes les femmes et les enfants, en charger des bâtiments, les envoyer aux îles Marquises ou ailleurs ; en un mot, en finir, anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens.»

Outre les militaires, certains conquérants «civils», les fameux pieds-noirs, étaient des partisans du nettoyage ethnique. C’est le cas du docteur Bodichon qui témoigne de sa volonté d’exterminer la population algérienne par tous les moyens, notamment la privation alimentaire, en d’autres termes l’organisation de la famine. Il écrit en 1841 : «Sans violer les lois de la morale, nous pourrons combattre nos ennemis africains par la poudre et le fer joints à la famine, les divisions intestines, la guerre par l’eau-de-vie, la corruption et la désorganisation […] sans verser le sang, nous pourrons, chaque année, les décimer en nous attaquant à leurs moyens d’alimentation.»

Un autre médecin français, le docteur Ricoux, analysant l’évolution démographique de la population algérienne, cette «race inférieure et dégénérée» (sic), depuis le début de la colonisation, pour appuyer son constat de la chute dramatique de la démographie (l’Algérie a perdu entre 30 et 60% de sa population au cours des quarante-deux premières années [1830-72] de la colonisation française. 

Au total, 132 ans de colonisation française en Algérie [1830-1962] auraient fait, selon l’historien Mostafa Lacheraf, environ 6 millions de morts algériens) écrit : «A notre arrivée, en 1830, la population indigène était évaluée à 3 000 000 d’habitants. 

Les deux derniers recensements officiels, à peu près réguliers, donnent en 1866 : 2 652 072 habitants, et en 1872 : 2 125 051 ; le déchet en 42 ans a été de 874 949 habitants, soit une moyenne de 20 000 décès par an. Durant la période 1866-72, avec le typhus, la famine, l’insurrection, la diminution a été bien plus effrayante encore : en six ans, il y a eu disparition de 527 021 indigènes, c’est une moyenne non de 20 000 décès annuel mais de 87 000 !» (…) «Un déchet aussi considérable (nous pouvons ajouter qu’il se reproduit régulièrement chaque année) suffit à démontrer […] que les indigènes […] sont menacés d’une disparition inévitable, prochaine.» L’Algérie a subi un véritable holocauste.

Les intellectuels ne sont pas en reste. Ils participent avec leur plume à la glorification de la colonisation de l’Algérie, à la légitimation des massacres de masse. On peut citer Alexis de Tocqueville, «chantre de la démocratie», Victor Hugo, célèbre écrivain humaniste et progressiste (sic). Le premier écrit en 1841 : «J’ai souvent entendu en France des hommes que je respecte, mais que je n’approuve pas, trouver mauvais qu’on brûlât les moissons, qu’on vidât les silos et enfin qu’on s’emparât des hommes sans armes, des femmes et des enfants. 

Ce sont là, suivant moi, des nécessités fâcheuses, mais auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre.» «Je crois que le droit de la guerre nous autorise à ravager le pays et que nous devons le faire soit en détruisant les moissons à l’époque de la récolte, soit dans tous les temps en faisant de ces incursions rapides qu’on nomme razzias et qui ont pour objet de s’emparer des hommes ou des troupeaux.»

Quant à Victor Hugo, il n’hésite pas à exprimer son enthousiasme pour la colonisation décrite comme une mission civilisatrice. Il écrit dans son journal rapportant une discussion échangée avec le général Bugeaud : «Je crois que notre nouvelle conquête est chose heureuse et grande. C’est la civilisation qui marche sur la barbarie. C’est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit. Nous sommes les Grecs du monde, c’est à nous d’illuminer le monde. Notre mission s’accomplit, je ne chante qu’Hosanna. Vous pensez autrement que moi, c’est tout simple. Vous parlez en soldat, en homme d’action. Moi je parle en philosophe et en penseur.»

Durant presque un siècle et demi, la France a appliqué une politique génocidaire, perpétrée par les «émissaires de la Civilisation», ces janissaires de l’entreprise exterminatrice du peuple algérien.

L’ironie de l’histoire, c’est que la France coloniale avait entamé sa conquête par la terreur, avec ses conquérants terroristes, et a achevé son occupation territoriale par la terreur, avec l’OAS, organisation terroriste créée par Jean-Jacques Susini et Pierre Lagaillarde, rejoints par la suite par des militaires de haut rang, notamment Salan et Jouhaud, déterminés à renouer avec la politique de la terre brûlée de leurs ancêtres Bugeaud et ses acolytes. 

 En effet, en l’espace de quelques mois, l’OAS, qui regroupait environ trois mille terroristes activistes anti-indépendantistes, a tué en Algérie au moins 2 200 personnes dans près de 13 000 explosions au plastic, 2 546 attentats individuels et 510 attentats collectifs. Actes qu’on pourrait qualifier de «crimes pogromistes».

 

 

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