Habitudes de consommation, dépenses des ménages, pauvreté, inégalités socioéconomiques... La dernière étude du HCP sur le niveau de vie des ménages marocains révèle une grande évolution de la société durant ces dix dernières années. La majorité de ces changements est liée aux impacts de la pandémie, de l'inflation ou encore de la sécheresse.
Le Haut-Commissariat au Plan vient de publier les résultat de l'Enquête Nationale sur le Niveau de Vie des Ménages (ENNVM) de 2022, après celles de 1991, 1999 et 2007. L'objectif de cette enquête, menée à l'échelle nationale sur un échantillon de 18.000 ménages de différentes régions et couches sociales, est d'appréhender les dynamiques socio-économiques sous le prisme de l'évolution du niveau et de la structure des dépenses de consommation et des revenus des ménages. Elle permet d'analyser l'évolution du niveau de vie, du modèle de consommation, ainsi que les phénomènes de pauvreté, de vulnérabilité et d'inégalités sociales. A noter que la collecte de ces données s'est étalée sur une période d’un an, du 15 mars 2022 au 14 mars 2023, afin de tenir compte des variations saisonnières et des événements socioreligieux influant sur les comportements de consommation et les revenus des ménages.
Le niveau de vie des Marocains s’est amélioré de +1,1% par an entre 2014 et 2022Selon l'étude, le niveau de vie des marocains s’est globalement amélioré entre 2014 et 2022, marqué par une progression entre 2014 et 2019, suivie d'une décélération entre 2019 et 2022. Le niveau de vie moyen des ménages marocains, évalué à travers leurs dépenses de consommation, s’élève à 83.713 DH par an au niveau national, à 95.386 DH dans les villes et à 56.769 dans les zones rurales. Ce montant global des dépenses recouvre l’ensemble des biens et des services consommés par les ménages, qu’ils soient achetés, autoconsommés, ou reçus comme dons ou salaire en nature. Il inclut également le loyer estimé que paieraient les ménages propriétaires ou logés gratuitement s’ils étaient en situation de location.
L'érosion du pouvoir d'achat des Marocains de 2020 à 2022 diagnostiquée par le HCP
Bien que le taux de croissance annuelle moyenne du revenu par habitant soit presque similaire dans les zones urbaines (2,5%) et rurales (2,7%), l'inflation a été plus marquée en milieu rural (3,2%) qu'en milieu urbain (2,7%). C'est ce qui ressort du dernier rapport du HCP sur le "Pouvoir et intention d'achat des ménages"
A dépense égale, le niveau de vie des ménages diffère selon leurs tailles. A cet égard, la mesure et l’évolution du niveau de vie sont généralement approchées par la dépense annuelle moyenne par personne. Exprimé en dirham courant, le niveau de vie moyen par personne est passé de 15.876 DH par an en 2014 à 20.389 DH en 2019 et à 20.658 DH en 2022. Sur une base mensuelle, la dépense moyenne par personne a évolué de 1.323 DH en 2014 à 1.699 DH en 2019 et à 1.722 DH en 2022.
En milieu urbain, la dépense annuelle moyenne par personne (DAMP) est passée de 19.513 DH en 2014 à 24.497 DH en 2019, pour atteindre 24 898 DH en 2022. En revanche, en milieu rural, après avoir enregistré une augmentation de 10.425 DH en 2014 à 13.357 DH en 2019, la DAMP a connu une légère baisse à 13.010 DH en 2022.
Près des deux tiers de la population (69,9%) à l’échelle nationale disposent d’un niveau de vie inférieur à la dépense annuelle moyenne par personne (DAMP). Cette proportion diffère entre les milieux urbain (59,5%) et rural (88,6%). Par ailleurs, la moitié de la population marocaine a un niveau de vie inférieur à 14.710 DH à l’échelle nationale. Cette valeur médiane atteint 17.765 DH en milieu urbain et 10.773 DH en milieu rural.
Aux prix constants, le niveau de vie s’est amélioré au rythme annuel de +1,1% entre 2014 et 2022. Cette amélioration modérée résulte d’une progression de 3,1% entre 2014 et 2019 et d’une régression de -3,1% entre 2019 et 2022, avec respectivement :
• en milieu urbain : une progression de +0,9% et de +2,7% et une régression de -3,0%.
• en milieu rural : une progression de +0,6% et de +3,1% et une régression de - 4,4%.
La différenciation du niveau de vie selon les caractéristiques socioéconomiques permet de dégager les principaux enseignements suivants :
• Les chefs de ménage ayant un niveau scolaire supérieur, avec un niveau de vie de 50.961 DH par personne et par an, dépensent en moyenne 3,4 fois plus que ceux dirigés par un chef sans niveau scolaire (14 808 DH).
• Les ménages dont le chef relevant du groupe « Responsables hiérarchiques, directeurs, cadres de direction et de professions libérales » réalisent la DAMP la plus élevée (53833 DH soit 2,6 fois la moyenne nationale), tandis que ceux dont le chef est « Exploitants et ouvriers agricoles » réalisent le niveau le plus faible (13 298 DH).
• Les ménages dont le chef appartient à la catégorie des « employeurs » réalisent une DAMP (39 793 DH) 2,6 fois plus que ceux dirigés par les indépendants (15 378 DH) et 2 fois plus que ceux dirigés par les salariés (19 972 DH).
• Les ménages dirigés par des femmes affichent un niveau de vie (23 707 DH par personne et par an) légèrement supérieur de 1,2 fois à celui des ménages dirigés par des hommes (20 121 DH).
Les dépenses d’équipements ménagers et de culture et loisirs ont chutéAu niveau de la structure des dépenses de consommation, le HCP relève une évolution de la dépense des biens et services consommés qui met en relief d’importants changements traduisant les tendances du mode de vie et du modèle de consommation des ménages.
Les groupes de dépenses ayant enregistré une progression entre 2014 et 2022• « Hygiène », dont la DAMP a pratiquement doublé sur cette période, passant de 483 DH à 814 DH, soit un accroissement annuel moyen, en termes réels, de +6,2%.
• « Communication (Internet, équipements et services téléphoniques...)», avec un accroissement annuel des dépenses associées de +5%, passant de 353 DH à 541DH.
• « Habitation et énergie », avec un accroissement de +2,9%, passant de 4 083 DH à 5252 DH.
• « Soins de santé» », avec un accroissement de +2,5%, passant de 986 DH à 1 224DH.
• « Alimentation », avec un accroissement de +1,1%, passant de 7 190 DH à 7 887 DH.
Les groupes de dépenses ayant connu une régression• « Loisirs et culture », avec une baisse annuelle moyenne des dépenses associées, en termes réels, de -11,9%, passant de 329 DH à 109 DH.
• « Equipements ménagers», avec une baisse de -2,1%, passant de 568 DH à 473 DH.
• « Enseignement », avec une baisse de -1,8%, passant de 745 DH à 638 DH.
• « Transport», avec une baisse de -1,6%, passant de 1 379 DH à 1197 DH.
• « Habillement » avec une baisse de -0,2% passant de 590 DH à 582 DH.
Les dépenses alimentaires en hausse sans retrouver le niveau de 2007Concernant la structure budgétaire des dépenses des ménages, la part des dépenses allouées à l'alimentation a connu une légère inflexion à la hausse, passant de 37% en 2014 à 38,2% en 2022, en contraste avec la tendance à la baisse observée depuis des décennies. En dépit de cette hausse, le poids des dépenses alimentaires demeure en deçà de celui enregistré en 2007 (40,6%). Cette inflexion est observée dans les deux milieux de résidence : en milieu urbain, la part des dépenses alimentaires était de 36,8% en 2007, puis a baissé à 33,3% en 2014, pour ensuite atteindre 35,2% en 2022. Ces indicateurs sont respectivement de 49,4%, 47,3% et 48,6 % en milieu rural.
Plus le niveau de vie s’améliore, plus la part du budget alloué à l’alimentaire diminue, passant de 50% pour les 10% de la population les moins aisés à 30% pour les 10% les plus aisés en 2022, contre 50% et 26% respectivement en 2014.
Les groupes de dépenses ayant enregistré une augmentation de leur part dans le budget des ménages entre 2014 et 2022• « Habitation et énergie » : la part des dépenses a augmenté de 23% à 25,4%
• « Hygiène » : de 2,7% à 3,9%
• « Communication » : de 2,2% à 2,6%
Les groupes de dépenses ayant enregistré une diminution de leur part dans le budget des ménages• « Loisirs et culture » : la part des dépenses est passée de 1,9% à 0,5%
• « Equipements ménagers » : de 3,2% à 2,3%
• « Transport » : de 7,1% à 5,8%
• « Soins médicaux » : de 6,1% à 5,9%.
La déclinaison de ces évolutions par milieu de résidence montre que les tendances observées sont quasi-similaires tant pour le milieu urbain que pour le milieu rural.
D'autre part, la structure des dépenses de consommation non alimentaire présente des écarts marqués selon le niveau de vie de la population. Les 20 % les plus aisés consacrent 8,3% de leur budget au transport, contre 2,2% pour les 20 % les moins aisés, 6,3% contre 4% aux soins de santé, 3,7% contre 2,6% à l'enseignement. En revanche, les moins aisés dépensent 26,7% de leur budget pour couvrir leurs besoins en « Habitation et énergie », contre 24,4% pour les plus aisés. Par ailleurs, la masse totale des dépenses de transport réalisées par la catégorie sociale la plus aisée est de 26,6 fois supérieure à celle de la catégorie sociale la moins aisée. Cet écart est de 11 fois pour les dépenses allouées aux « soins de santé », de 10 fois pour les dépenses consacrées à l’«enseignement» et de 39 fois pour les dépenses de « loisirs et culture ».
Les produits de base plus dominants dans le panier alimentaire des moins aisés contre les repas pris à l'extérieur pour les plus aiséEntre 2014 et 2022, l’évolution de la structure des dépenses de consommation alimentaire montre :
- Une quasi-stagnation des parts budgétaires allouées aux « Volailles » (6,8%), « Poissons » (3,8%) et « Sucres et produits sucrés » (3,4%).
- Une diminution de celle dédiée aux « céréales et produits céréaliers » (de 16% à 12,5%), « viandes rouges» (de 16,7% à 13,5%), « corps gras » (de 10,3% à 8,3%) et aux « produits laitiers » (de 6,6% à 5,5%)
- Une hausse du poids des « légumes frais» (de 8,0% à 10,2%) et des « œufs » (de 1,8% à 2,6%).
La structure du panier alimentaire est nettement différenciée selon le niveau de vie. Les 10% des ménages les moins aisés consacrent une part moins importante de leur budget alimentaire aux « produits laitiers », soit 3,6 %, contre 5,5 % pour les 10% des ménages les plus aisés, aux « poissons » (2,6 %, contre 5,5 %), aux « fruits » (6,2 %, contre 8,2 %) et aux « viandes rouges » (12,6 %, contre 13,3 %).
En revanche, les moins aisés allouent une part plus importante aux « céréales et produits céréaliers » soit 14,6 %, contre 10,6 % pour les plus aisés, aux « légumes frais » (14,8 %, contre 7%), aux « corps gras » (10,2 %, contre 6,1 %), aux « volailles » (9,3% contre 4,8%), aux « légumineuses » (4,3 %, contre 2,7 %), et aux « sucre et produits sucrés » (4,2 %, contre 3,4 %).
D’un autre côté, le poids des « Aliments et boissons pris à l’extérieur » dans le panier alimentaire tend à doubler entre 2014 et 2022, passant de 6,5% à 12,8%. Ce changement caractérise les deux milieux de résidence : ce poids s’est accru de 7,5% à 14,8% en milieu urbain et de 4,7% à 7,9 % en milieu rural.
Par catégorie sociale, les 10% des ménages les plus aisés consacrent 21% de leur budget alimentaire aux « Aliments et boissons pris à l’extérieur » en 2022, contre 5,4% pour les 10 % les moins aisés.
Les disparités sociales et territoriales accentuées"Les contrecoups majeurs de la pandémie COVID-19, de l'inflation et des années récurrentes de sécheresse sur le bien-être socioéconomique des ménages ont amplifié les disparités sociales et territoriales", constate le HCP dans son étude. L'enquête révèle ainsi que de 2014 à 2019, le niveau de vie par personne, aux prix constants, a enregistré une amélioration notable pour toutes les catégories sociales. En revanche, entre 2019 et 2022, une détérioration substantielle s'est produite, avec un impact particulièrement prononcé sur les moins aisés. Ainsi :
• Le niveau de vie des 20% les plus aisés a annuellement progressé de +2,8% entre 2014 et 2019, tandis qu’il a régressé de -1,7% entre 2019 et 2022, avec respectivement :
- en milieu urbain : une progression de +2,4% et une régression de -1,6%
- en milieu rural : une progression de +2,5% et une régression de -3,4%.
• Pour les 20% les moins aisés, le niveau de vie a enregistré une progression de +3,9% entre 2014 et 2019, mais il a subi une régression de -4,6% entre 2019 et 2022, avec respectivement :
- en milieu urbain : une progression de +3,1% et une régression de -4,5%
- en milieu rural : une progression de +4% et une régression de -4,7%
• Celui de la catégorie sociale intermédiaire, il a progressé de +3,3% entre 2014 et 2019 et a régressé de -4,3 % entre 2019 et 2022, avec respectivement :
- en milieu urbain : une progression de +3% et une régression de -4,2%
- En milieu rural : une progression de +3,3% et une régression de -5,3%.
Dans ces conditions, l’évolution de la concentration des dépenses entre 2014 et 2022 montre que la distribution verticale du niveau de vie est devenue plus inégalitaire :
- La moitié la plus aisée de la population, représentant 50% de la population appartenant au haut de l’échelle sociale, effectue 76,1% de la masse totale des dépenses, contre 75,1% en 2019 et 75,8% en 2014. En revanche, la moitié la moins aisée ne dispose que de 23,9% (24,9% en 2019 et 24,2% en 2014).
- À l'échelle nationale, le niveau de vie moyen par personne s'élève à 49 634 DH par an pour les 20% les plus aisés, tandis qu'il atteint 6 943 DH pour les 20% les moins aisés, soit un écart relatif 4 de 7,1 fois. Cet écart n’a été que de 6,2 fois en 2019 et de 7 fois en 2014.
- Les dépenses des 20% les plus aisés représentent 48,1% de la consommation totale des ménages en 2022. Cette part s’établit à 46,2% en 2019 et à 47,0% en 2014. En contraste, la part afférente aux 20% les moins aisés s’élève à 6,7% en 2022 (7% en 2019 et 6,7% en 2014).
- En milieu urbain, avec une dépense annuelle moyenne par personne de 59 473DH, les 20% les plus aisés réalisent 47,8% des dépenses des ménages en 2022, alors que les 20% les moins aisés, avec une dépense de 8 599 DH, en disposent de 6,9%, soit un écart relatif de 6,9 fois, contre 6,3 fois en 2019 et 6,6 fois en 2014.
- En milieu rural, le niveau de vie moyen s'établit à 26 047 DH par personne et par an pour les plus aisés, représentant 4,7 fois celui des moins aisés (5 576 DH). Cet écart était de 4,5 fois en 2019 et de 4,9 fois en 2014.
En termes de répartition, la part des plus aisés dans la masse totale des dépenses des ménages atteint 40%, tandis que celle des moins aisés se situe à 8,6%.
Cette concentration du niveau de vie devient plus accentuée entre les 10% de la population les moins aisés et les 10% les plus aisés :
- Le niveau de vie moyen par personne s’élève à 68 124 DH par an pour les 10% les plus aisés (81 283 DH en milieu urbain et 33 206 en milieu rural), tandis que celui des 10% les moins aisés est de 5 696DH (7 183 DH en milieu urbain et 4 672 DH en milieu rural). Au total, les plus aisés concentrent 33% des dépenses totales de consommation des ménages (32,6% en milieu urbain et 25,5% en milieu rural), contre 2,8% pour les moins aisées (2,9% en milieu urbain et 3,6% en milieu rural).
- L’évolution de l’écart relatif 5 du niveau de vie entre ces deux catégories sociales corrobore l’accentuation des inégalités dans la répartition sociale des dépenses. Il est passé de 11,8 fois en 2014 à 10,8 fois en 2019, puis à 12 fois en 2022. Cet écart est passé respectivement de 10,8 fois à 10,3 fois, pour atteindre 11,3 fois en milieu urbain, et de 7,4 fois à 6,8 fois, puis à 7,1 fois en milieu rural.
Le HCP note également une recrudescence des inégalités du niveau de vie résultant d’une accentuation de la concentration des dépenses alimentaires. La contribution des inégalités des dépenses alimentaires à l’inégalité totale du niveau de vie s’est-elle amplifiée, passant de 26% en 2014 à 30% en 2022 à l’échelle nationale.
Les disparités spatiales se sont également accentuées
Les disparités entre les milieux urbain et rural, mesurées par le rapport entre le niveau de vie moyen des citadins et celui des ruraux, se sont creusées, passant de 1,9 fois en 2014 à 1,8 fois en 2019, pour ensuite atteindre 1,9 fois en 2022. Les disparités constatées, en faveur des citadins, concernent particulièrement les dépenses relatives aux groupes des biens et services suivants :• « Culture et loisirs », avec un écart de 4,8 fois ;
• « Enseignement », avec un écart de 4,5 fois ;
• « Habitation et énergie », avec un écart de 2,6 fois ;
• « Communication », avec un écart de 2,5 fois.
Au niveau régional, le niveau de vie par personne est nettement supérieur à la moyenne nationale dans cinq régions:
Dakhla-Oued Ed-Dahab : 34 691 DH
Casablanca-Settat : 25 742 DH
Rabat-Salé-Kénitra : 24 335 DH
Laâyoune-Sakia El Hamra : 22 686DH
Tanger-Tétouan-EL Hoceima : 21 759 DH.
En outre, cinq régions concentrent près de trois quart de la dépense totale des ménages (74%). Il s’agit de "Casablanca-Settat" (25,8%), "Rabat-Salé-Kenitra" (15,9%), "Marrakech-Safi" (11,6%), "Tanger-Tétouan-Al Hoceima" (11,2%) et "Fès-Meknès" (9,5%). Ces mêmes régions participaient pour 73,4% à la dépense totale des ménages en 2001 et pour 74% en 2014.
Le Maroc a réussi une quasi- éradication de la pauvreté extrêmeMesurée au seuil international de 1,9 dollar américain par personne et par jour, la pauvreté extrême au Maroc a été pratiquement éradiquée. En effet, moins de 0,3% de la population marocaine vit au-dessous de ce seuil en 2022, 0,04% en milieu urbain et 0,68% en milieu rural.
En dépit de son inflexion à la hausse entre 2019 et 2022, l’extrême pauvreté s’est réduite de 0,7 point de pourcentage entre 2014 et 2022 à l’échelle nationale, de 1,3 point en milieu rural et de 0,2 point en milieu urbain. Ces indices montrent clairement que le Royaume a atteint la première cible 9 relative au premier objectif de développement durable « éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde ».
Toutefois, l’accentuation des inégalités sociales et spatiales s’est traduite par une nette augmentation de la pauvreté absolue et de la vulnérabilité. Ainsi, au niveau national, l’incidence de la pauvreté absolue, après avoir enregistré une baisse importante de 4,8% en 2014 à 1,7% en 2019, a atteint 3,9% en 2022. Par milieu de résidence, elle a respectivement baissé de 1,6% à 0,5% en milieu urbain, pour ensuite augmenter à 2,2%. En milieu rural, elle est passée respectivement de 9,5% à 3,9%, pour atteindre 6,9%.
Le Maroc compte 1,42 millions de pauvres en 2022Au total, l’effectif de la population pauvre au niveau national est passé de 623 milles en 2019 à 1,42 millions en 2022, enregistrant ainsi une hausse annuelle moyenne de 33,7% sur cette période. L’effectif des pauvres, avec un accroissement annuel de 72,5%, a fortement augmenté dans les villes, passant de 109 milles en 2019 à 512 milles en 2022. En milieu rural, le volume de la pauvreté absolue est passé de 513 milles en 2019 à 906 milles en 2022, soit une hausse annuelle moyenne de 22,2%. Ainsi, la part des pauvres résidant en milieu rural dans la pauvreté totale a diminué de 82,5% en 2019 à 63,4% en 2022. Au niveau régional, huit des douze régions ont connu une baisse de l’incidence de la pauvreté monétaire entre 2014 et 2022. En termes de réduction absolue, la région de « Drâa-Tafilalet », la plus pauvre en 2014, a enregistré la plus grande baisse du taux de pauvreté sur cette période, passant de 14,6% à 4,9%, suivie par « Béni Mellal-Khénifra », de 9,3% à 6,6%, et « Marrakech-Safi », de 5,4% à 3,2%.
En 2022, le classement des régions selon l’incidence de la pauvreté absolue montre que cinq régions présentent un taux de pauvreté supérieur à la moyenne nationale (3,9%). En tête de liste se trouve la région de « Fès-Meknès », avec un taux de 9%, suivie par les régions de « Guelmim-Oued Noun » (7,6%), « Béni Mellal-Khénifra » (6,6%), « DarâaTafilalet » (4,9%) et « L’Oriental » (4,2%).
La vulnérabilité devient de plus en plus prégnante en milieu urbainEn parallèle à l'évolution de la pauvreté, la vulnérabilité, qui a connu une baisse notable de 12,5% en 2014 à 7,3% en 2019 à l'échelle nationale, a également enregistré une forte hausse pour atteindre 12,9% en 2022. Dans les zones rurales, la prévalence de la vulnérabilité (19,2%) demeure similaire à celle observée en 2014, soit 19,4%, tandis qu'en milieu urbain, avec un taux de 9,5%, elle dépasse le niveau enregistré en 2014, soit 7,9%.
En termes absolus, le nombre d’individus économiquement vulnérables est passé de 2,6 millions d’individus en 2019 à 4,75 millions en 2022, enregistrant un accroissement annuel moyen de 23,6%. Différenciée par milieu de résidence, cet accroissement demeure plus marqué dans les villes qu’à la campagne : l’effectif de la population vulnérable est passé de 1,03 millions à 2,24 millions en milieu urbain, soit un taux d’accroissement annuel de 31,5%, et de 1,57 millions à 2,51 millions en milieu rural, soit un accroissement de 17,8%.
Il en ressort, ainsi, que la vulnérabilité économique devient de plus en plus un phénomène concentré en milieu urbain : en 2022, près de la moitié des personnes vulnérables sont des citadins (47,2%), contre 36% en 2014. Au plan régional, sept des douze régions ont enregistré une baisse de l'incidence de la vulnérabilité monétaire entre 2014 et 2022. La baisse la plus manifeste est observée dans les régions de "Guelmim-Oued Noun", où le taux de vulnérabilité est passé de 13,4% à 10,4%, "Souss-Massa", de 17,4% à 14,5%, et "Marrakech-Safi", de 13,5% à 11,6%.
Les régions les plus vulnérables, avec un taux de vulnérabilité supérieur à la moyenne nationale (12,9%), sont "Béni Mellal-Khénifra" (24,5%), "Fès-Meknès" (19%), "DrâaTafilalet" (17,3%), et "Souss-Massa" (14,5%). En revanche, le reste des régions a enregistré un taux de vulnérabilité inférieur à la moyenne nationale : «"Dakhla-Oued Ed-Dahab" », affichant le taux de vulnérabilité régional le plus faible (2,9%), suivie par "Casablanca-Settat" (7,9%), "Tanger-Tétouan-Al Hoceima" (8,4%), "Guelmim Oued Noun" (10,4%), "Laâyoune-Sakia El Hamra" (10,5%), "Marrakech-Safi" (11,6%), l’"Oriental" (11,9%), et "Rabat-Salé-Kénitra" (12,8%).
En somme, en 2022, un flux net d’environ 2,93 millions de personnes a basculé dans la pauvreté absolue (790 milles) ou la vulnérabilité (2,14 millions). Ainsi, avec une prévalence de pauvreté et de vulnérabilité de 16,8% en 2022, contre 9% en 2019 et 17,1% en 2014, le Maroc a perdu près de sept années de progrès vers l’élimination de la pauvreté et de la vulnérabilité.
La pandémie, la sécheresse et l'inflation principales causes de la hausse de la pauvretéDans un contexte marqué par la montée de l'inflation conjuguée aux effets de la pandémie COVID-19 et de la sécheresse, la régression du niveau de vie des ménages a été la principale cause de l'augmentation de la pauvreté absolue, indique le HCP.
Si de 2014 et 2019, le contexte économique s’est particularisé par une phase d’expansion économique conjuguée à une inflexion des inégalités sociales du niveau de vie, sur la période 2019-2022, la régression du niveau de vie des ménages, à elle seule, est responsable de l’accroissement de la pauvreté absolue aux niveaux rural et national. En revanche, l’augmentation de la pauvreté en milieu urbain est attribuée à 85% à l'effet croissance et à 15% à l'effet inégalité.
Mais dans l’ensemble, sur la période 2014-2022, la croissance économique n’a pas significativement impacté le recul de la pauvreté monétaire. La réduction du taux de pauvreté de 4,8% à 3,9% est due exclusivement à des changements dans la répartition des dépenses en faveur des 5% les plus défavorisés de la population. En effet, sur cette période, le niveau de vie de cette catégorie sociale s’est amélioré au rythme de 1,6%, contre 1,1% pour toute la population, et leur part dans les dépenses totales est passée de 1,1% en 2014 à 1,2% en 2022.
La croissance du niveau de vie et l’inflexion des inégalités pour réduire la pauvretéPourvu que les inégalités demeurent inchangées et compte tenu de l’importance des élasticités de la pauvreté vis-à-vis de la croissance, le HCP estime qu'un faible taux de croissance aurait un impact significatif sur la réduction de la pauvreté particulièrement en milieu urbain. "Une croissance économique de 1%, non génératrice de l’inégalité, donnerait lieu à une réduction annuelle du taux de pauvreté de 2,6% à l’échelle nationale, de 3,6% en milieu urbain et de 2,3% en milieu rural", note le rapport. Et de constater qu'étant donné qu’une détérioration de l’inégalité pourrait aggraver l’incidence de pauvreté, il serait important non seulement de promouvoir la croissance économique mais également de mettre en place des politiques sociales redistributives visant à réduire les inégalités.
Accès aux soins de santé, à l’éducation et à l’infrastructure sociale de base, des indicateurs en améliorationLe Maroc enregistre une réduction significative de la pauvreté multidimensionnelle en faveur d'une dynamique positive vers le bien-être global. Selon le HCP, la forte tendance à la baisse de la pauvreté multidimensionnelle (PM) entre 2001 et 2014 a connu une décélération au cours de la période 2014-2022. Le taux de PM est passé de 40,0% en 2001 à 9,1% en 2014, puis à 5,7% en 2022. Cette dynamique est principalement tirée par la forte réduction de la pauvreté multidimensionnelle en milieu rural au cours des deux dernières décennies, passant de 73,4% en 2001 à 19,4% en 2014 et à 11,2% en 2022. En revanche, en milieu urbain, après une forte diminution de 13,8% en 2001 à 2,2% en 2014, la pauvreté multidimensionnelle a légèrement augmenté pour se situer à 2,6% en 2022.
Au niveau régional, la pauvreté multidimensionnelle a considérablement baissé dans toutes les régions durant les deux dernières décennies, particulièrement dans les régions « Tanger-Tétouan-Al Hoceima », « L’Oriental », « Rabat-Salé-Kénitra », « Souss Massa » « Casablanca-Settat », « Marrakech-Safi » et « Darâa-Tafilalet », où la baisse annuelle moyenne a dépassé 10,0%. Malgré cette baisse, deux régions demeurent plus pauvres en 2022, affichant des taux de PM à deux chiffres. Il s'agit de « Béni Mellal-Khénifra » (11,6%) et « Fès-Meknès » (10,4%). Ces deux régions concentrent, à elles seules, plus de 40,0% de la population en situation de pauvreté multidimensionnelle.
Les régions les plus vulnérables, avec un taux de vulnérabilité supérieur à la moyenne nationale (12,9%), sont "Béni Mellal-Khénifra" (24,5%), "Fès-Meknès" (19%), "DrâaTafilalet" (17,3%), et "Souss-Massa" (14,5%). En revanche, le reste des régions a enregistré un taux de vulnérabilité inférieur à la moyenne nationale : «"Dakhla-Oued Ed-Dahab" », affichant le taux de vulnérabilité régional le plus faible (2,9%), suivie par "Casablanca-Settat" (7,9%), "Tanger-Tétouan-Al Hoceima" (8,4%), "Guelmim Oued Noun" (10,4%), "Laâyoune-Sakia El Hamra" (10,5%), "Marrakech-Safi" (11,6%), l’"Oriental" (11,9%), et "Rabat-Salé-Kénitra" (12,8%).
En somme, en 2022, un flux net d’environ 2,93 millions de personnes a basculé dans la pauvreté absolue (790 milles) ou la vulnérabilité (2,14 millions). Ainsi, avec une prévalence de pauvreté et de vulnérabilité de 16,8% en 2022, contre 9% en 2019 et 17,1% en 2014, le Maroc a perdu près de sept années de progrès vers l’élimination de la pauvreté et de la vulnérabilité.
La pandémie, la sécheresse et l'inflation principales causes de la hausse de la pauvretéDans un contexte marqué par la montée de l'inflation conjuguée aux effets de la pandémie COVID-19 et de la sécheresse, la régression du niveau de vie des ménages a été la principale cause de l'augmentation de la pauvreté absolue, indique le HCP.
Si de 2014 et 2019, le contexte économique s’est particularisé par une phase d’expansion économique conjuguée à une inflexion des inégalités sociales du niveau de vie, sur la période 2019-2022, la régression du niveau de vie des ménages, à elle seule, est responsable de l’accroissement de la pauvreté absolue aux niveaux rural et national. En revanche, l’augmentation de la pauvreté en milieu urbain est attribuée à 85% à l'effet croissance et à 15% à l'effet inégalité.
Mais dans l’ensemble, sur la période 2014-2022, la croissance économique n’a pas significativement impacté le recul de la pauvreté monétaire. La réduction du taux de pauvreté de 4,8% à 3,9% est due exclusivement à des changements dans la répartition des dépenses en faveur des 5% les plus défavorisés de la population. En effet, sur cette période, le niveau de vie de cette catégorie sociale s’est amélioré au rythme de 1,6%, contre 1,1% pour toute la population, et leur part dans les dépenses totales est passée de 1,1% en 2014 à 1,2% en 2022.
La croissance du niveau de vie et l’inflexion des inégalités pour réduire la pauvretéPourvu que les inégalités demeurent inchangées et compte tenu de l’importance des élasticités de la pauvreté vis-à-vis de la croissance, le HCP estime qu'un faible taux de croissance aurait un impact significatif sur la réduction de la pauvreté particulièrement en milieu urbain. "Une croissance économique de 1%, non génératrice de l’inégalité, donnerait lieu à une réduction annuelle du taux de pauvreté de 2,6% à l’échelle nationale, de 3,6% en milieu urbain et de 2,3% en milieu rural", note le rapport. Et de constater qu'étant donné qu’une détérioration de l’inégalité pourrait aggraver l’incidence de pauvreté, il serait important non seulement de promouvoir la croissance économique mais également de mettre en place des politiques sociales redistributives visant à réduire les inégalités.
Accès aux soins de santé, à l’éducation et à l’infrastructure sociale de base, des indicateurs en améliorationLe Maroc enregistre une réduction significative de la pauvreté multidimensionnelle en faveur d'une dynamique positive vers le bien-être global. Selon le HCP, la forte tendance à la baisse de la pauvreté multidimensionnelle (PM) entre 2001 et 2014 a connu une décélération au cours de la période 2014-2022. Le taux de PM est passé de 40,0% en 2001 à 9,1% en 2014, puis à 5,7% en 2022. Cette dynamique est principalement tirée par la forte réduction de la pauvreté multidimensionnelle en milieu rural au cours des deux dernières décennies, passant de 73,4% en 2001 à 19,4% en 2014 et à 11,2% en 2022. En revanche, en milieu urbain, après une forte diminution de 13,8% en 2001 à 2,2% en 2014, la pauvreté multidimensionnelle a légèrement augmenté pour se situer à 2,6% en 2022.
Au niveau régional, la pauvreté multidimensionnelle a considérablement baissé dans toutes les régions durant les deux dernières décennies, particulièrement dans les régions « Tanger-Tétouan-Al Hoceima », « L’Oriental », « Rabat-Salé-Kénitra », « Souss Massa » « Casablanca-Settat », « Marrakech-Safi » et « Darâa-Tafilalet », où la baisse annuelle moyenne a dépassé 10,0%. Malgré cette baisse, deux régions demeurent plus pauvres en 2022, affichant des taux de PM à deux chiffres. Il s'agit de « Béni Mellal-Khénifra » (11,6%) et « Fès-Meknès » (10,4%). Ces deux régions concentrent, à elles seules, plus de 40,0% de la population en situation de pauvreté multidimensionnelle.
Comment les ménages marocains perçoivent leur niveau de vie?
Plus de 70% des ménages éprouvent des difficultés à couvrir leurs dépenses, 80% parmi les moins aisés et 45% parmi les plus aisésL’enquête sur les niveaux de vie de 2022 a également appréhendé l’appréciation des chefs de ménage sur plusieurs thématiques se rapportant à leurs conditions de vie. Interrogés sur la situation financière de leurs ménages, au cours des 12 mois précédant l’enquête, plus de 8 ménages sur dix (83,7%) déclarent arriver à couvrir leurs dépenses, dont 70,1% arrivent à le faire avec difficulté et 13,6% sans difficultés, 4,2% arrivent à épargner, 4,4% puisent dans leurs réserves et 7,6% s’endettent pour subvenir à leurs dépenses.
Ces proportions sont de 78,9% (33,7% facilement et 45,2% difficilement), 14,4%, 4,0% et 2,8% parmi la population appartenant au 10% les plus aisés contre 80,4% (2,0% facilement et 78,4% difficilement), 0,7%, 6,1% et 12,7% parmi la population appartenant au 10% les moins aisés.
Une détérioration du niveau de vie perçue par plus de 75% des ménages en raison de l’impact de la pandémie Covid-19Selon les perceptions des chefs de ménage sur l’évolution de leur niveau de vie par rapport à ce qu’il était avant la pandémie COVID-19, trois quarts d’entre eux (75,1%) déclarent qu’il s’est détérioré, 23,5% qu’il est resté stable et 1% qu’il s’est amélioré. La proportion des ménages ayant ressenti une dégradation de leur niveau de vie est de 86,9% parmi les 10% de la population les moins aisés, contre 50,4% parmi les 10% les plus aisés.
Une détérioration du niveau de vie perçue par plus de 75% des ménages en raison de l’impact de la pandémie Covid-19Selon les perceptions des chefs de ménage sur l’évolution de leur niveau de vie par rapport à ce qu’il était avant la pandémie COVID-19, trois quarts d’entre eux (75,1%) déclarent qu’il s’est détérioré, 23,5% qu’il est resté stable et 1% qu’il s’est amélioré. La proportion des ménages ayant ressenti une dégradation de leur niveau de vie est de 86,9% parmi les 10% de la population les moins aisés, contre 50,4% parmi les 10% les plus aisés.
La cherté de la vie, l'émergence de nouveaux besoins, la perte d'emploi et la sécheresse sont les principales raisons de la détérioration du niveau de vieParmi les ménages ayant déclaré la détérioration de leur niveau de vie, plus 45,3% d’entre eux évoquent « la cherté de la vie » comme principale raison de la détérioration du niveau de vie, suivie par « l’apparition de nouveaux besoins » selon 17,7%, « la réduction ou la perte du revenu en raison de la perte d’emploi » selon 13,1% et « la sécheresse » selon 12,3% (23,2% des ruraux contre 6,4% des citadins). Par rapport à la cherté de la vie, les dépenses dont se soucieraient le plus les chefs de ménages, au cours des 12 mois à venir, sont le coût du panier alimentaire pour 24,9% des chefs de ménage, les dépenses de soins de santé (19,2%), les dépenses d’habillement (12,8%)et les frais liés au transport (11%). Les dépenses relatives à la scolarisation des enfants et aux équipements représentent également des soucis non négligeables, ils sont respectivement évoqués par 9,8% et 8,6% des chefs de ménages.
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