Domaine : Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie.


Domaine :  Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie. ...



Wiktor Stoczkowski
Laboratoire d'anthropologie sociale - LAS
Directeur d'études de l'EHESS
Chaire : Savoir et conceptions cosmologiques dans l’Occident contemporain
Site(s): Laboratoire d'anthropologie sociale - LAS


Les recherches de Wiktor Stoczkowski portent sur l’anthropologie des savoirs dans l’Occident contemporain. 

L’acception donnée ici à la notion de savoirs est très large : Il s’agit des représentations auxquelles on accorde le statut de vérité pour deux raisons distinctes : tantôt parce qu’elles sont validées par des instances réputées compétentes (scientifiques, enseignants, experts, journalistes, détenteurs d’une autorité institutionnelle, etc.), tantôt parce que leur apparente évidence les met à l’abri de toute validation (savoirs ordinaires, savoirs de sens commun, etc.). 
Ainsi, sans inclure les croyances au sens théologique du terme (je sais que je crois…), cette notion englobe les croyances de facto, faites d’énoncés tenus pour démontrés (je crois savoir…). 

Ceux-ci accompagnent souvent les savoirs au sens strict, c’est-à-dire les énoncés qui ne bénéficient pas de statut de certitude et qui, de ce fait, sont l’objet de controverses, de polémiques, de négociations et de validations conformes à des épistémologies plus ou moins partagées. 

L’enjeu est de comprendre comment se construit la crédibilité de ces différents types de représentations et comment elles s’articulent les unes aux autres pour former des visions du monde capables d’influencer nos pratiques et nos modes de pensée. 

Cette approche a été appliquée à des domaines variés, allant de la science à la pseudoscience (voir les exemples ci-dessous), ou encore des conceptions éthiques (l’antiracisme ou le politiquement correct) aux doctrines politiques (les programmes électoraux des candidats à la présidence de la République).
Applications

Paléoanthropologie

En examinant les principales conceptions de l’hominisation proposées au XXe siècle, le livre Anthropologie naïve, anthropologie savante montre que la science contemporaine, bien qu’elle ait rejeté les anciennes conceptions mythiques et philosophiques de l’anthropogenèse, en a incidemment repris un grand nombre d’idées, sans que les données scientifiques, de plus en plus abondantes, n’aient pu les remettre en question. 

De nombreux exemples illustrent combien l’anthropologie savante d’aujourd’hui reste encore tributaire d’une anthropologie naïve d’antan, dont l’héritage reflète notre manière simpliste de concevoir l’être humain, sa culture et les vicissitudes de son histoire. 

Cette anthropologie naïve est également omniprésente dans des productions de la culture populaire (bande dessinée, films, romans « préhistoriques », peinture), y compris dans celles qui sont pourvues d’une caution scientifique, comme par exemple le documentaire-fiction L’Odyssée de l’espèce, tourné par Jean Malaterre avec la collaboration d’Yves Coppens.
Pseudosciences

Publié en 1999, le livre Des Hommes, des dieux et des extraterrestres. Ethnologie d’une croyance moderne examine plusieurs théories pseudo scientifiques de l’origine de l’homme, dont la plus célèbre, qui avait connu un immense succès populaire dans les années 1960-1970, attribue la création de l’homme et l’apparition de la culture à une intervention d’astronautes extraterrestres (théorie des Anciens Astronautes). 

Bien que l’idée semble passablement saugrenue, elle a suscité l’intérêt et l’adhésion de millions de gens dans de nombreux pays. 

On l’explique habituellement comme un fruit d’une combinaison d’ignorance, de crédulité et d’irrationalité, censées proliférer de manière désordonnée à l’époque d’une crise culturelle dont nos sociétés seraient prétendument affectées. 

À travers une analyse détaillée, historique et ethnographique, W. Stoczkowski révèle que cette déroutante conception est née au sein d’une subculture occultiste bien structurée et relativement ancienne. 

Un véritable fait social, la théorie des Anciens Astronautes est une œuvre collective, élaborée progressivement, tout au long du XXe siècle, par une pléthore d’auteurs, de communautés et de réseaux internationaux, qui se réfèrent tous à un patrimoine intellectuel commun, où les conceptions de la Société Théosophique, fondée en 1875, occupent une place centrale. 

Qui plus est, la théorie des Anciens Astronautes n’est qu’une partie, la plus frappante et visible, d’un système de conceptions qui forment une vision du monde passablement sophistiquée. 

De longue date la subculture occultiste la tient pour une synthèse novatrice, destinée à se substituer à la doctrine chrétienne et à la conception matérialiste du monde. 

L’auteur montre que cette vision occultiste du monde reprend la trame de la cosmologie gnostique soumise, au XIXe siècle, dans les milieux spirites et théosophiques, à une série de transformations et d’enrichissements, dont la plupart ont ensuite été réutilisés, au XXe siècle, par plusieurs courants de la culture populaire. Dotée d’une multitude de preuves empiriques, la théorie des Anciens Astronautes relève d’un régime singulier de vérité et de démonstration, dont Stoczkowski reconstitue les règle, à l’occasion, il montre que les règles propres à cette épistémologie pseudo-scientifique sont parfois réutilisées par des chercheurs. 

Un chapitre décrit l’influence de la tradition occultiste sur certaines théories des sciences de l’homme (par exemple la théorie des archétypes de Carl Gustave Jung et l’histoire comparative des religions de Mircea Eliade).

Théories des sciences sociales

La même approche a trouvé une série d’applications dans une recherche portant sur les « grandes théories » des sciences sociales. Outre plusieurs articles, la première étude de cas est présentée dans le livre Anthropologies rédemptrices. Le monde selon Lévi-Strauss (Hermann, 2008). L’enquête prend comme point de départ l’un des problèmes interprétatifs qui laissent perplexes les commentateurs de l’œuvre lévi-straussienne : la contradiction surprenante entre Race et Histoire (1952), devenu un classique de la littérature antiraciste, et Race et culture (1971), considéré comme scandaleusement proche des positions racistes, cependant que Lévi-Strauss clamait imperturbablement que l’un et l’autre texte exprimaient les mêmes convictions. En partant de cette énigme, l’analyse s’élargit progressivement à l’ensemble de l’œuvre de Lévi-Strauss. 

Grâce à des données inédites découvertes dans des archives, l’auteur montre que les idées de Claude Lévi-Strauss sont non seulement celles de l’inventeur d’une théorie anthropologique, mais surtout celles d’un penseur qui propose, en deçà d’un système théorique, une vision du monde dont les postulats offrent la véritable clé de son œuvre. Réfractant la plupart des drames devenus tristement emblématiques du siècle passé, la pensée de Lévi-Strauss est irriguée par la réflexion sur le problème des imperfections du monde humain. 

Afin de la saisir dans toutes ses sinuosités, Stoczkowski démêle l’écheveau de plusieurs conceptions qui, au XXe siècle, relevèrent le défi de ces deux questions parmi les plus obsédantes auxquelles les hommes eussent à faire face dans notre tradition culturelle : celle de la présence du mal et celle des remèdes à y apporter.
L’émergence et l’avenir de l’antiracisme contemporain

Dans plusieurs articles (voir la bibliographie complète), Stoczkowski analyse l’interaction entre les savoirs scientifiques et les représentations cosmologiques dans les théories récentes portant sur les races humaines et sur le racisme. 

Jusqu’au début du XXe siècle, la plupart des sciences de l’homme étaient tributaires de la conviction que les races existent et sont fondamentalement différentes. Le nazisme et la Shoah ont conduit à une remise en question radicale de cette vision racialiste de l’humanité. Stoczkowski montre que ce processus était tout sauf spontané : Un travail volontariste y avait contribué, entrepris dans les premières années de l’après-guerre par un réseau international de chercheurs soutenus par l’ONU et l’UNESCO. 

La doctrine antiraciste ainsi élaborée était une construction conceptuelle hétérogène, réunissant des données biologiques, des théories sociologiques du moment, des hypothèses plausibles, des affirmations invérifiables, des injonctions morales, des considérations philosophiques. 
Aussi diverses qu’elles fussent, toutes ces composantes concouraient à articuler une nouvelle vision de l’homme, de la culture et de l’histoire, qui se trouve au cœur de la politique de l’UNESCO. 
Cette vision a été ensuite largement vulgarisée et sert dorénavant de socle consensuel à partir duquel s’échafaudent non seulement les analyses critiques du racisme, mais aussi les nouvelles formes de la pensée de l’exclusion – par exemple, un racisme sans race, dont le thème dominant n’est plus l’hérédité biologique, mais l’irréductibilité des différences culturelles –, et de la pensée de l’inclusion, comme dans le cas des minorités ethniques traditionnellement dominées, qui cherchent à adosser leur combat contre les discriminations à une théorie de la différence biologique étayée par des données génétiques. 

Dans tous ces cas de figure, la lutte contre le racisme, devenu l’un des emblèmes du mal suprême menaçant l’humanité, prend désormais une authentique dimension sotériologique (voir L’antiracisme in La Recherche octobre 2006 & L’UNESCO’s doctrine of human diversity in Anthropology Today juin 2009).
 
Thèmes de rechercheAnthropologie des savoirs dans l’Occident contemporain ;
Cosmologiques des sciences sociales ;
Ethnologie du racisme et de l’antiracisme ;
Histoire de l’anthropologie.
 

Évenements prochain.

Dans le cadre du séminaire du Groupe de Recherches sur les Savoirs «Sciences, savoirs, constructions conceptuelles, contextes culturels». 
Raymond Corbey (Université de Leiden) donnera une conférence intitulée « La guerre hobbesienne et le don maussien : les cosmologies sous-jacentes de l'ethnologie ». 



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