Le cactus au Maroc face aux défis : Du changement climatique à la Cochenille.

 Le cactus au Maroc face aux défis : Du changement climatique à la Cochenille.

Cactus ValtercirilloPh: Pixabay - Valtercirillo

04 octobre 2024 

Dois 📂 Technique & Conseils. 

Le figuier de Barbarie (Opuntia ficus-indica) est une espèce végétale d’une importance cruciale pour le Maroc, remarquablement adaptée aux conditions climatiques arides et exerçant une influence prééminente dans les domaines agricole et économique. 

Sa culture s’est largement répandue à travers le pays, en raison de l’excellence de ses fruits et de ses multiples applications dans les secteurs alimentaire et cosmétique. 
Cependant, cette culture se trouve gravement menacée par l’infestation de la cochenille, un parasite dont les destructions compromettent tant la production que les moyens de subsistance des communautés rurales.

Le figuier de Barbarie, originaire des régions tropicales d’Amérique, notamment du Mexique, appartient à la famille des Cactaceae et au genre Opuntia. Cette espèce s’est largement répandue dans les zones arides et semi-arides du globe. Cultivé essentiellement pour ses fruits comestibles, appelés figues de Barbarie, ce cactus est désigné sous diverses appellations au Maroc, telles que « Karmous Lhendi », « Lhendia » et « Aknari ».


Le Maroc abrite une vaste diversité génétique de cactus, avec des génotypes variés

En plus de ses divers usages, la culture du figuier de Barbarie joue des rôles écologiques et environnementaux majeurs. 

Ce végétal contribue de manière déterminante à la lutte contre la désertification et l’érosion des sols, enrichit la biodiversité et participe activement à la séquestration du carbone atmosphérique. 
De plus, en raison de sa teneur élevée en mucilage, le cactus est utilisé comme barrière naturelle contre la propagation des incendies forestiers, constituant ainsi une défense efficace pour la préservation des écosystèmes.
Le cactus au Maroc : entre diversité et adaptation

Introduit au Maroc au XVIe siècle, le figuier de Barbarie a connu une expansion remarquable dans de nombreuses régions, dont Guelmim, Sidi Ifni, Haouz, El Kelaa des Sraghna, Khouribga, Benguerir, Rhamna, Casablanca, Al Hoceima et Doukkala. 

Ce cactus a développé des adaptations notables face à la sécheresse : sur le plan écologique, ses feuilles se sont transformées en épines, tandis que ses tiges ont évolué en cladodes couvertes d’une cuticule épaisse et imperméable. Histologiquement, il stocke l’eau absorbée dans un tissu spécialisé appelé parenchyme aquifère. Physiologiquement, il régule l’évaporation en fermant ses stomates pendant la journée et en les ouvrant la nuit.

Le Maroc abrite une vaste diversité génétique de cactus, avec des génotypes variés présentant ou non des épines, des fruits aux formes multiples, des pulpes et des fleurs aux colorations diverses, ainsi que des périodes de floraison et de maturation distinctes. 

Les écotypes « Aissa » et « Moussa » incarnent deux variétés de cactus inermes particulièrement réputées pour leur excellence gustative, cultivées principalement dans la région d’Ait Baâmrane, près de Sidi Ifni. 
En outre, un autre écotype épineux, connu localement sous le nom de « Achefri », est également cultivé. Parmi les autres écotypes notables figurent Rahmania, Derbana, Roumia, Haddaouia et Delahia (Voir le tableau).


La cochenille du cactus : Le cauchemar des agriculteurs !

Introduite soit par accident, soit par le biais des échanges commerciaux internationaux, la cochenille du cactus (Dactylopius opuntiae) a connu une prolifération inexorable à travers le Maroc depuis son introduction en 2014. Ce minuscule parasite se distingue par sa taille réduite et son apparence blanchâtre. Il s’adhère aux cladodes des cactus, où il prélève la sève vitale, affaiblissant ainsi gravement la plante, la rendant plus vulnérable aux maladies et diminuant sa capacité à produire des fruits. Selon Jamaa Zim, Ingénieur Agronome spécialisé en Protection des Plantes et Docteur d’Etat en Sciences Agronomique et Agroalimentaire (Phd, Ing) de l’Institut Agronomique et Vétérinaire HASSAN 2, « la cochenille du cactus présente deux stades distincts dans son cycle de vie : Le premier, immédiatement après l’éclosion de l’œuf, est marqué par une mobilité entre les raquettes, tandis que le second stade est caractérisé par la fixation des femelles sur la plante, signifiant le début de l’infestation. »

L’infestation par la cochenille provoque une décoloration progressive des cladodes, lesquels finissent par se dessécher et mourir. Cette détérioration entraîne une réduction notable de la production de figues de Barbarie, impactant directement les agriculteurs dont la subsistance repose sur cette culture. Dans les régions les plus gravement affectées, il est parfois constaté une destruction complète des plantations de cactus, générant des pertes économiques considérables. Il est essentiel de souligner que la cochenille a envahi le territoire marocain avec une rapidité alarmante, notamment dans les provinces où la culture du cactus est prédominante, telles que Safi, Sidi Ifni et Guelmim.


La lutte contre la cochenille du cactus au Maroc.

Face à cette menace, les autorités marocaines et les producteurs agricoles ont élaboré un ensemble de stratégies pour contrer l’infestation de la cochenille, dont l’arrachage des plantes affectées, l’application d’insecticides et la mise en œuvre de méthodes biologiques. 

Dans les situations les plus critiques, les plants de cactus contaminés sont arrachés et éliminés afin de freiner la propagation du parasite. Selon M. Zim, « lorsque l’ONSSA a initié les traitements et les opérations d’arrachage, une résistance notable de la part des cultivateurs a entravé le processus, car nombreux sont ceux qui affirmaient que l’arrachage des plants affectait la délimitation de leurs champs avec ceux des voisins. »


Le Maroc abrite onze espèces d’auxiliaires biologiques capables de se nourrir de la cochenille du cactus

D’autre part, bien que les insecticides soient employés dans le cadre de la lutte contre l’infestation, leur efficacité reste souvent marginale et leurs effets néfastes sur l’environnement sont préoccupants. 

En l’absence de traitements chimiques véritablement efficaces contre la maladie, M. Zim souligne que « les entreprises se trouvent réticentes à développer de tels produits en raison de l’insuffisance du marché pour justifier leur production. 

À ce jour, aucun produit systémique n’est disponible pour cette lutte ; seuls des insecticides de contact sont en usage ». Il ajoute que, « dans la région d’Ait Baâmrane, certains agriculteurs se contentent de traitements à base d’eau et de produits chimiques rudimentaires (des insecticides) ainsi que de taille pour tenter de maîtriser la situation ».

Enfin, l’introduction de prédateurs naturels de la cochenille, tels que les coccinelles tridents, représente une avenue explorée pour un contrôle plus durable du parasite. Ayant déjà supervisé un projet impliquant deux espèces de coccinelles dans la région d’Ait Baâmrane, M. Zim affirme que « le Maroc abrite onze espèces d’auxiliaires biologiques capables de se nourrir de la cochenille du cactus, mais leur disponibilité est intermittente et leur fréquence est limitée ». 

De plus, il souligne l’importance particulière de l’espèce Hyperaspis trifurcata, qui se distingue par son régime alimentaire exclusif de la cochenille du cactus et sa capacité à s’adapter aux conditions climatiques spécifiques. « Les auxiliaires biologiques possèdent un potentiel considérable pour l’avenir, notamment lorsque leur rôle et leur utilité seront pleinement compris et valorisés », prévoit l’expert agronome.
Ph : INRA – Huit nouvelles variétés de cactus résistantes à la cochenille

Des variétés de cactus résistantes à la cochenille ?

Une équipe de chercheurs multidisciplinaires de l’INRA et du Centre International de Recherche Agricole dans les Zones Arides a concentré ses efforts sur trois axes de recherche prioritaires, notamment la sélection et l’identification de variétés ou clones de cactus dotés d’une résistance ou d’une tolérance à la cochenille, dans le but de reconstituer les plantations dévastées par ce ravageur. Selon Media 24, « l’agriculture solidaire, élément central de la stratégie Génération Green 2020-2030, envisage la plantation de 120 000 hectares de cactus résistants à la cochenille d’ici 2030 ». 

Un essai a été mené à Sidi Bennour avec des cladodes de cactus issus de la collection nationale de l’INRA. 
Les observations relatives à l’évolution de l’état végétatif des plants et à leur infestation par la cochenille, suivies d’infestations forcées répétées, ont confirmé la résistance de 8 génotypes, qui ont depuis été enregistrés dans le catalogue officiel (Voir tableau).

Lire aussi : La cochenille a dévasté plus de 15 000 hectares

Selon M. Zim, deux problèmes majeurs subsistent concernant ces variétés résistantes :Performance agronomique : Ces variétés ne parviennent pas à atteindre le niveau de rendement et de qualité des variétés Moussa et Aissa, que ce soit en termes de calibre, de qualité des fruits ou de rendement global.

Incertaine pérennité de la résistance : La nature durable de cette résistance reste indéterminée. Il n’existe pas de mécanisme répétitif garanti pour cette résistance, et la cochenille pourrait potentiellement évoluer pour contourner cette protection.

Multiplication et disponibilité : Le processus de multiplication de ces variétés est extrêmement lent et leur disponibilité est limitée, rendant leur adoption encore plus complexe.


Le cactus au Maroc : Quel avenir ?

En l’absence de solutions adéquates, la problématique de la cochenille du cactus pourrait entraîner une diminution permanente des superficies cultivées, avec des répercussions néfastes sur l’économie locale et les communautés rurales. 
Il est impératif de poursuivre les recherches et d’implémenter des stratégies novatrices pour sauvegarder cette culture cruciale pour de nombreuses régions du Maroc.

Selon M. Zim, « il est impératif d’industrialiser la filière pour optimiser la culture du cactus. Cette culture mérite autant d’attention que toute autre, nécessitant des traitements phytosanitaires appropriés, une taille régulière et une irrigation adéquate. 

Il s’agit ainsi de créer un verger conventionnel plutôt que de se fier à des pratiques aléatoires. » Il estime également que l’avenir du cactus au Maroc est prometteur, en raison de la sécheresse croissante et de l’absence de précipitations dans plusieurs régions, ce qui rend les cultures traditionnelles moins viables. 

Des zones telles que Midelt, affectées par la salinité, sont particulièrement propices à la culture du cactus. 
De plus, la demande pour ce fruit est élevée en raison de sa rareté sur le marché, et les changements climatiques incitent les agriculteurs à explorer des cultures alternatives. 

Le cactus, étant résistant à la salinité et à la sécheresse, répond à ces besoins, tout en bénéficiant d’un marché demandeur. 

Enfin, la prise de conscience croissante de l’importance de cette filière et le prix élevé du fruit sur le marché stimulent l’intérêt des agriculteurs pour sa culture.


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