Analyse
Donald Trump, un président vraiment pour la paix ?
© AHMAD GHARABLI / AFP
Durant toute sa campagne, le président élu s’est dépeint en homme de paix face à des adversaires démocrates.
Il s’approprie ainsi un thème traditionnel de la gauche pour mieux l’affaiblir et continuer.
Publié le 12 novembre 2024
Posée ainsi, la question peut paraître provocatrice, mais, sans Donald Trump, y aurait-il eu le 7 octobre ? Celui qui s’est posé en homme de paix durant toute la campagne électorale a pourtant lourdement contribué à la dégradation du climat sur la scène internationale. « Pendant mon mandat assurait-il sur X le 30 octobre, nous avons connu la paix au Moyen-Orient, et nous retrouverons la paix très bientôt ! » Le nouveau président états-unien l’assure : il réglera « les problèmes causés par Kamala Harris et Joe Biden ».
La liste est pourtant longue des décisions qui, durant sa présidence (2016-2020), ont bouleversé le Moyen-Orient. Fruit de cette realpolitik cynique, les accords d’Abraham qui actaient, en 2020, le processus de normalisation entre Israël et Bahreïn d’une part et Israël et les Émirats arabes unis d’autre part entendaient reléguer la question palestinienne au rang de vulgaire dossier sécuritaire en contrepartie de coopérations économiques et technologiques avec Manama et Abu Dhabi.
Ces textes privent alors les Palestiniens d’un des seuls leviers diplomatiques à leur disposition : « la terre contre la paix », c’est-à-dire la constitution d’un État dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale, en contrepartie de la normalisation entre Israël et ses voisins.
Une sympathie sélective
L’abandon de la lutte de libération palestinienne par les pays arabes ne date pas d’hier, mais Donald Trump, qui s’est également retiré de l’accord sur le nucléaire iranien, a trouvé la fenêtre de tir pour accélérer le mouvement de recomposition de la région et isoler Téhéran. Ces accords surviennent au moment où le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou présente un plan d’annexion de près d’un tiers de la Cisjordanie, y compris de colonies, et de la vallée du Jourdain.
Durant la campagne, Donald Trump omet d’ailleurs sciemment d’évoquer la Palestine, ne s’adressant qu’à la communauté libanaise aux États-Unis. « Je mettrai fin aux souffrances et à la destruction au Liban », disait-il toujours sur X.
Pas de guerre durant son mandat ?
Fin janvier, la Cour internationale de justice (CIJ) mettait en garde contre les risques de génocide à Gaza, mais le nouveau président élu n’a de cesse de fustiger les tentatives – timorées – de Joe Biden de « retenir » Benyamin Netanyahou. « Il devrait probablement faire le contraire. Je suis heureux que (Benyamin Netanyahou) ait décidé de faire ce qu’il avait à faire, mais les choses avancent plutôt bien », appréciait-il pendant la campagne.
Donald Trump argue souvent que, sous sa présidence, les États-Unis n’ont enclenché aucune guerre. Il agit en réalité de façon plus détournée. Le 3 janvier 2020, le général iranien Qassem Soleimani était ainsi assassiné par l’armée américaine à l’aéroport international de Bagdad. L’acte n’est qu’un prélude à une expansion massive des frappes de drones.
Dans le même mouvement, le locataire de la Maison-Blanche révoque un décret signé par son prédécesseur, Barack Obama, qui obligeait la CIA à rendre des comptes sur les victimes civiles de ses frappes aériennes en dehors des territoires classés en zones de guerre. La décision donne toute latitude à l’agence états-unienne, dérégulant un peu plus l’usage de la force, et donc le droit international.
Zelensky caresse Trump dans le sens du poil.
Autre terrain, même constat. Depuis l’Ukraine, le président Volodymyr Zelensky sait que l’ascension de Donald Trump pourrait signifier la fin du soutien à son pays et un accord de paix en sa défaveur. Bravache, le dirigeant américain promet de négocier avec la Russie et de mettre un terme à la guerre « en moins de vingt-quatre heures ».
Le chef de l’État ukrainien marche sur des œufs et fait le choix de caresser le milliardaire dans le sens du poil : « J’apprécie l’engagement du président Trump en faveur de l’approche « la paix par la force » dans les affaires mondiales. C’est exactement le principe qui peut concrètement rapprocher l’Ukraine d’une paix juste. »
Donald Trump, un président vraiment pour la paix ?
© AHMAD GHARABLI / AFP
Durant toute sa campagne, le président élu s’est dépeint en homme de paix face à des adversaires démocrates.
Il s’approprie ainsi un thème traditionnel de la gauche pour mieux l’affaiblir et continuer.
Publié le 12 novembre 2024
Posée ainsi, la question peut paraître provocatrice, mais, sans Donald Trump, y aurait-il eu le 7 octobre ? Celui qui s’est posé en homme de paix durant toute la campagne électorale a pourtant lourdement contribué à la dégradation du climat sur la scène internationale. « Pendant mon mandat assurait-il sur X le 30 octobre, nous avons connu la paix au Moyen-Orient, et nous retrouverons la paix très bientôt ! » Le nouveau président états-unien l’assure : il réglera « les problèmes causés par Kamala Harris et Joe Biden ».
La liste est pourtant longue des décisions qui, durant sa présidence (2016-2020), ont bouleversé le Moyen-Orient. Fruit de cette realpolitik cynique, les accords d’Abraham qui actaient, en 2020, le processus de normalisation entre Israël et Bahreïn d’une part et Israël et les Émirats arabes unis d’autre part entendaient reléguer la question palestinienne au rang de vulgaire dossier sécuritaire en contrepartie de coopérations économiques et technologiques avec Manama et Abu Dhabi.
Ces textes privent alors les Palestiniens d’un des seuls leviers diplomatiques à leur disposition : « la terre contre la paix », c’est-à-dire la constitution d’un État dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale, en contrepartie de la normalisation entre Israël et ses voisins.
Une sympathie sélective
L’abandon de la lutte de libération palestinienne par les pays arabes ne date pas d’hier, mais Donald Trump, qui s’est également retiré de l’accord sur le nucléaire iranien, a trouvé la fenêtre de tir pour accélérer le mouvement de recomposition de la région et isoler Téhéran. Ces accords surviennent au moment où le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou présente un plan d’annexion de près d’un tiers de la Cisjordanie, y compris de colonies, et de la vallée du Jourdain.
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Cisjordanie : à Al-Mughayyir, les attaques incessantes des colons contre les paysans.
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Durant la campagne, Donald Trump omet d’ailleurs sciemment d’évoquer la Palestine, ne s’adressant qu’à la communauté libanaise aux États-Unis. « Je mettrai fin aux souffrances et à la destruction au Liban », disait-il toujours sur X.
Il ajoute : « Vos amis et votre famille au Liban méritent de vivre en paix, dans la prospérité et en harmonie avec leurs voisins, et cela ne peut se produire qu’avec la paix et la stabilité au Moyen-Orient. »
Donald Trump s’est donc approprié la paix pour mieux l’affaiblir. Dès 2017, il annonçait le transfert de l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, soit une reconnaissance officielle de Jérusalem comme capitale d’Israël et la fin de la solution à deux États. L’année suivante, il décidait unilatéralement de fermer le bureau de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington, coupant les possibilités de contact.
Il contribue ainsi à affaiblir un peu plus la voie diplomatique mais aussi l’OLP, quitte à renforcer insidieusement d’autres acteurs, dont le Hamas. En 2018 toujours, le département d’État américain décrétait la suspension de ses versements à l’Unrwa, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, jusqu’à ce qu’elle consente à diminuer le nombre de ses bénéficiaires en cherchant à empêcher la transmission du statut de réfugiés aux Palestiniens, génération après génération. Une manière d’en finir avec le « droit au retour ».
Un nouveau chapitre
Dans le même temps, en 2018 à Gaza, les manifestants pacifiques de « la Marche du retour » étaient abattus au pied du mur de séparation avec Israël. Un an plus tard, Donald Trump signait un nouveau décret reconnaissant cette fois la souveraineté d’Israël sur le Golan syrien.
En misant sur le candidat républicain, Benyamin Netanyahou ne s’y est pas trompé. Selon le journaliste américain Ryan Grim, le chef du gouvernement israélien pariait que « Biden serait trop faible pour arrêter sa campagne d’extermination de masse. Et (que) cette faiblesse aiderait Trump ». Aux yeux du reporter de Drop Site, le limogeage du ministre de la Défense, Yoav Gallant, « l’allié de Biden », le jour du scrutin américain le 5 novembre, ouvre un nouveau chapitre. Concomitamment, des opérations et des bombardements aériens de l’armée israélienne en Cisjordanie occupée faisaient sept morts.
Donald Trump s’est donc approprié la paix pour mieux l’affaiblir. Dès 2017, il annonçait le transfert de l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, soit une reconnaissance officielle de Jérusalem comme capitale d’Israël et la fin de la solution à deux États. L’année suivante, il décidait unilatéralement de fermer le bureau de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington, coupant les possibilités de contact.
Il contribue ainsi à affaiblir un peu plus la voie diplomatique mais aussi l’OLP, quitte à renforcer insidieusement d’autres acteurs, dont le Hamas. En 2018 toujours, le département d’État américain décrétait la suspension de ses versements à l’Unrwa, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, jusqu’à ce qu’elle consente à diminuer le nombre de ses bénéficiaires en cherchant à empêcher la transmission du statut de réfugiés aux Palestiniens, génération après génération. Une manière d’en finir avec le « droit au retour ».
Un nouveau chapitre
Dans le même temps, en 2018 à Gaza, les manifestants pacifiques de « la Marche du retour » étaient abattus au pied du mur de séparation avec Israël. Un an plus tard, Donald Trump signait un nouveau décret reconnaissant cette fois la souveraineté d’Israël sur le Golan syrien.
En misant sur le candidat républicain, Benyamin Netanyahou ne s’y est pas trompé. Selon le journaliste américain Ryan Grim, le chef du gouvernement israélien pariait que « Biden serait trop faible pour arrêter sa campagne d’extermination de masse. Et (que) cette faiblesse aiderait Trump ». Aux yeux du reporter de Drop Site, le limogeage du ministre de la Défense, Yoav Gallant, « l’allié de Biden », le jour du scrutin américain le 5 novembre, ouvre un nouveau chapitre. Concomitamment, des opérations et des bombardements aériens de l’armée israélienne en Cisjordanie occupée faisaient sept morts.
Pas de guerre durant son mandat ?
Fin janvier, la Cour internationale de justice (CIJ) mettait en garde contre les risques de génocide à Gaza, mais le nouveau président élu n’a de cesse de fustiger les tentatives – timorées – de Joe Biden de « retenir » Benyamin Netanyahou. « Il devrait probablement faire le contraire. Je suis heureux que (Benyamin Netanyahou) ait décidé de faire ce qu’il avait à faire, mais les choses avancent plutôt bien », appréciait-il pendant la campagne.
Donald Trump argue souvent que, sous sa présidence, les États-Unis n’ont enclenché aucune guerre. Il agit en réalité de façon plus détournée. Le 3 janvier 2020, le général iranien Qassem Soleimani était ainsi assassiné par l’armée américaine à l’aéroport international de Bagdad. L’acte n’est qu’un prélude à une expansion massive des frappes de drones.
Dans le même mouvement, le locataire de la Maison-Blanche révoque un décret signé par son prédécesseur, Barack Obama, qui obligeait la CIA à rendre des comptes sur les victimes civiles de ses frappes aériennes en dehors des territoires classés en zones de guerre. La décision donne toute latitude à l’agence états-unienne, dérégulant un peu plus l’usage de la force, et donc le droit international.
Zelensky caresse Trump dans le sens du poil.
Autre terrain, même constat. Depuis l’Ukraine, le président Volodymyr Zelensky sait que l’ascension de Donald Trump pourrait signifier la fin du soutien à son pays et un accord de paix en sa défaveur. Bravache, le dirigeant américain promet de négocier avec la Russie et de mettre un terme à la guerre « en moins de vingt-quatre heures ».
Le chef de l’État ukrainien marche sur des œufs et fait le choix de caresser le milliardaire dans le sens du poil : « J’apprécie l’engagement du président Trump en faveur de l’approche « la paix par la force » dans les affaires mondiales. C’est exactement le principe qui peut concrètement rapprocher l’Ukraine d’une paix juste. »
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