Syrie : «Les pays du Golfe voient dans la situation à la fois un motif d’inquiétude et des opportunités». ...
Entretien
Syrie : «Les pays du Golfe voient dans la situation à la fois un motif d’inquiétude et des opportunités». ...
Trois jours après la chute de Bachar el-Assad en Syrie, le Qatar a annoncé mercredi 11 décembre qu'il va rouvrir prochainement son ambassade à Damas.
L’émirat avait rompu ses relations avec la Syrie en 2011 au début de la guerre civile. Ses voisins émirien et saoudien avaient eux, ces dernières années, fait le choix d’une normalisation avec le régime de Damas.
Mais eux aussi ont pris contact avec les nouveaux hommes forts du pays.
Le changement de régime oblige les pays du Golfe à revoir leur approche vis-à-vis de la Syrie.
Entretien avec Aziz Alghashian, directeur de recherche à l'Observer Research foundation Middle East, un groupe de réflexion basé à Dubaï.
Publié le : 18/12/2024
Trois jours après la chute de Bachar el-Assad, le Qatar annonce qu'il va rouvrir prochainement son ambassade à Damas. Ici, le ministre qatarien des Affaires étrangères Mohammed bin Abdulrahman Al Thani à Téhéran le 26 août 2024. AP - Vahid Salemi.
Publié le : 18/12/2024

Publicité
RFI : Le Qatar a annoncé mercredi 11 décembre la réouverture de son ambassade à Damas, ce qui montre clairement qu'il souhaite renouer le dialogue avec les nouvelles autorités syriennes.
RFI : Le Qatar a annoncé mercredi 11 décembre la réouverture de son ambassade à Damas, ce qui montre clairement qu'il souhaite renouer le dialogue avec les nouvelles autorités syriennes.
Quel rôle pourrait-il jouer en Syrie ?
Aziz Alghashian : À mon avis, je pense que les Qatariens vont être plus proactifs et s'engager de manière plus forte lorsqu'il s'agit d'essayer de réaliser ce qu'ils voulaient faire en 2011 : Commencer à ramener la Syrie dans le bercail arabe.
Aziz Alghashian : À mon avis, je pense que les Qatariens vont être plus proactifs et s'engager de manière plus forte lorsqu'il s'agit d'essayer de réaliser ce qu'ils voulaient faire en 2011 : Commencer à ramener la Syrie dans le bercail arabe.
Mais ils vont aussi essayer d’influencer la situation et de faire valoir leurs intérêts en Syrie.
Quelles pourraient être les prochaines étapes dans la relation entre le Qatar et la Syrie ?
C'est là qu'il faut être prudent.
Publicité
Quelles pourraient être les prochaines étapes dans la relation entre le Qatar et la Syrie ?
C'est là qu'il faut être prudent.
La prochaine étape, c'est que le Qatar commence à s'engager et à contribuer, en particulier à la reconstruction de la Syrie.
Le Qatar a déjà de bonnes relations avec la Turquie. Je pense donc que les Qatariens vont collaborer et se coordonner avec la Turquie, qui est la principale puissance régionale en Syrie.
Mais je pense que le Qatar doit agir avec beaucoup de prudence. Il y a déjà beaucoup de pression sur le Qatar parce qu'il héberge le Hamas palestinien. Et face à la future administration américaine de Donald Trump, je pense qu'ils vont vouloir éviter d’être associé avec le gouvernement actuel.
De ce point de vue-là, je dirais que les Émirats arabes unis et même l'Arabie saoudite sont probablement un peu mieux placés pour éviter cette accusation de travailler avec des groupes islamistes parce qu'ils ont noué des relations avec Damas avant la chute de Bachar el-Assad. Mais je pense qu'il y a un consensus international croissant sur le fait qu'il faut combler le vide créé par le changement de régime à Damas.
Le Qatar se distingue d’autres pays du Golfe, comme les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, qui avaient normalisé leurs relations avec Bachar el-Assad. Comment Riyad et Abou Dhabi voient-elles les nouvelles autorités de Damas ?
Bachar el-Assad ne manquera à personne, mais il y a beaucoup de craintes, une réelle inquiétude de traiter avec un groupe tel que le Hayat Tahrir al-Sham (HTS). Même de la part du Qatar. Mais je pense que le HTS essaye d’y répondre. Ils savent que leur héritage et leurs associations passés [le HTS, sous le nom Front Al Nosra, était associé à al-Qaïda jusqu’en 2016, NDLR] sont très problématiques.
De ce point de vue-là, je dirais que les Émirats arabes unis et même l'Arabie saoudite sont probablement un peu mieux placés pour éviter cette accusation de travailler avec des groupes islamistes parce qu'ils ont noué des relations avec Damas avant la chute de Bachar el-Assad. Mais je pense qu'il y a un consensus international croissant sur le fait qu'il faut combler le vide créé par le changement de régime à Damas.
Le Qatar se distingue d’autres pays du Golfe, comme les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, qui avaient normalisé leurs relations avec Bachar el-Assad. Comment Riyad et Abou Dhabi voient-elles les nouvelles autorités de Damas ?
Bachar el-Assad ne manquera à personne, mais il y a beaucoup de craintes, une réelle inquiétude de traiter avec un groupe tel que le Hayat Tahrir al-Sham (HTS). Même de la part du Qatar. Mais je pense que le HTS essaye d’y répondre. Ils savent que leur héritage et leurs associations passés [le HTS, sous le nom Front Al Nosra, était associé à al-Qaïda jusqu’en 2016, NDLR] sont très problématiques.
C'est pourquoi ils se sont efforcés de se présenter comme des partenaires viables ; ils font de la politique.
Et je pense que pour l'Arabie saoudite en particulier, même si la prudence est de mise - et elle est très grande - cela rend la situation plus facile à gérer. Je pense donc que les pays du Golfe voient dans la situation à la fois un motif d’inquiétude et des opportunités.
Le Qatar, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite ont tous les trois déjà commencé à discuter avec le HTS. Cela signifie-t-il qu'il n'y a, pour eux, pas de temps à perdre ?
Oui, bien sûr, il n'y a pas de temps à perdre !
Le Qatar, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite ont tous les trois déjà commencé à discuter avec le HTS. Cela signifie-t-il qu'il n'y a, pour eux, pas de temps à perdre ?
Oui, bien sûr, il n'y a pas de temps à perdre !
La situation actuelle est très fluide. Il leur faut développer des relations très rapidement.
Et personnellement, je pense que l'une des raisons pour lesquelles la coalition anti-Assad n'a pas réussi en 2011 a été la concurrence entre les pays du Golfe sur le dossier syrien.
Vous savez, l'Arabie saoudite et le Qatar étaient en désaccord. Ils ont commencé à s'entendre à un moment donné, puis ils sont devenus antagonistes. La fragmentation du soutien a donc contribué à la situation en Syrie. Et je pense que c'est un sujet de préoccupation aujourd'hui. Il n'y a donc pas de temps à perdre.
Et je pense qu’ils se rendent compte qu’il vaut mieux qu’ils soient unis, qu’ils forment un bloc des pays du Golfe. Mais ils vont être très prudents sur la façon dont ils vont coordonner leurs efforts.
Et quels sont les leviers dont ils disposent pour peser sur les orientations du nouveau gouvernement syrien ?
Il y a évidemment deux choses. Il y a d'abord l'argent, à un moment où le nouveau régime va devoir gérer la reconstruction du pays. Mais il y a aussi la légitimité internationale.
Et quels sont les leviers dont ils disposent pour peser sur les orientations du nouveau gouvernement syrien ?
Il y a évidemment deux choses. Il y a d'abord l'argent, à un moment où le nouveau régime va devoir gérer la reconstruction du pays. Mais il y a aussi la légitimité internationale.
Et c'est là que je pense que les pays du Golfe et les États arabes peuvent avoir une influence. Ils savent que le HTS est farouchement anti-Iran : Il n'y a donc aucune crainte qu'il demande le soutien de l'Iran.
Mais s’ils n’interviennent pas du tout, ils prennent le risque de le repousser vers la Turquie. Il y a donc des leviers.
Et je pense qu'ils essaieront de dire que non seulement ils ont les moyens financiers qu'ils peuvent fournir, mais ils peuvent aussi commencer à travailler discrètement pour les légitimer au sein de la communauté internationale.
RFI - Par :Guilhem Delteil
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Merci de commenter nos articles