Affaire casino Essaadi : Abdouh et consorts expédiés à l’ombre.

Affaire casino Essaadi : Abdouh et consorts expédiés à l’ombre.

Publié le 15 février 2025



L’affaire du terrain du casino Es Saadi à Marrakech vient d’être close par la justice après la mise en détention des principaux protagonistes dont la star est un ancien président de commune istiqlalien.

Laila Lamrani

C’est un long feuilleton judiciaire, qui a duré près de 15 ans, qui vient de prendre fin avec la mise en détention sur ordre du procureur général près la Cour d’appel de Marrakech des principaux inculpés après le rejet de leur pourvoi en cassation. 
Ces derniers, arrêtés lundi 10 février, sont impliqués dans la fameuse affaire du casino Essaadi, dont la tête d’affiche est l’ancien président de la commune de Ménara-Guéliz et ex-parleemntaire, Abdellatif Abdouh, condamné à une peine de cinq de prison, assortie d’une amende de 50.000 DH et la saisie de ses biens immobiliers. 
Dans la liste de ses compagnons d’infortune figurent sept autres anciens conseillers municipaux, qui ont écopé de trois ans de prison ferme et un promoteur qui, en a pris pour deux ans. 

Ces peines d’emprisonnement ont été prononcées par la cour d’appel de Marrakech a confirmé, en dernière instance, jeudi 26 novembre 2020, le jugement du tribunal de première instance rendu le 19 février 2015.

Remontant à 2001, les faits sont troublants et ils concernent la cession d’un terrain cette année-là sur lequel la famille Bauchet a fait construire ce complexe des jeux du hasard. Les Bauchet sont les propriétaires de ce complexe hôtelier «Essaadi» 5 étoiles qui traîne une réputation sulfureuse. Justement, il a été établi par la justice que M. Abdouh avait profité de son statut de président du conseil communal pour faire voter la décision de cession du foncier en cause, d’une superficie d’un hectare à un prix bien inférieur à sa valeur réelle : 600 DH le mètre carré pour la partie nue et 1.026 DH le mètre carré pour la surface construite. Alors que le mètre carré dans la zone huppée de l’Hivernage où est situé l’établissement Essaadi valait à l’époque, selon certaines estimations, la bagatelle de 8.000 DH contre plus de 20.000 DH aujourd’hui en raison de la difficulté de trouver un lot vacant dans cette zone touristique et résidentielle de premier plan.

Vengeance

Pour cette transaction de tous les soupçons, les acheteurs ont déboursé la somme de 8,3 millions de DH. Plus qu’un prix d’ami. Un vrai cadeau. Le jackpot. Il faut rappeler à cet égard que la même municipalité avait rejeté une offre de 2 500 DH le mètre carré jugée très peu intéressante, faite au début des années 90 par l’entreprise des Bauchet, pour acquérir le même foncier. 

Il fallait simplement que les proprios de Essaadi attendent l’arrivée de Abdouh à la tête de la commune pour qu’ils fassent tomber le terrain très convoité dans leur escarcelle pour une bouchée de pain… 

Il était clair que les acquéreurs ont profité d’un prix anormalement bas, en tout cas très en dessous du celui du marché, pour le terrain qui faisait l’objet d’un bail de location litigieux et que Abdouh a bradé dans des proportions ahurissantes au profit de la société Ferma qui exploitait ce terrain depuis 1959, date de la création de l’hôtel et du casino.
 
Le casino Es saadi.

Le scandale sera révélé en 2007 par un conseiller communal local du nom de Lahcen Aouragh, qui a visiblement agi par désir de vengeance à l’encontre du dirigeant istiqlalien qui d’après son accusateur a réussi à accumuler une fortune colossale sous forme notamment de biens fonciers et immobiliers. « On m’a proposé la somme de 100.000 DH en échange de mon vote en faveur de la vente du terrain aux propriétaires de l’hôtel Essaadi mais j’ai refusé », avait-il alors soutenu en substance dans un enregistrement audio qui avait circulé à l’époque dans le landernau politique marrakchi. 

Se vendre pour 100.000 DH pour une «affaire» qui a généré, selon la rumeur qui s’était répandue à Marrakech, une corruption d’un montant de 20 millions de DH !

Le jackpot. Il y a de quoi se sentir insulté et en concevoir un désir tenace de tout déballer au grand jour…

Sur ces entrefaites, la justice s’était saisie de l’affaire après la mobilisation de l’antenne locale de l’instance nationale pour la protection des biens publics pour qui a demandé que la lumière soit faite sur cette affaire qui fera l’objet d’une investigation de la BNPJ. 

Cette dernière procède à l’audition de l’ensemble des protagonistes du dossier. Interrogé par les enquêteurs, Abdellatif Abdouh, qui était un simple fonctionnaire dans une entreprise de promotion immobilière publique avant de s’enrichir au contact de la chose locale, botte en touche, arguant que ce n’est pas lui qui a fixé le prix de cession et que la décision de vendre le foncier de la discorde en dessous du prix du marché a été prise par le conseil municipal et les autorités locales chapeautés à l’époque par le wali Mohamed Hassad.

Or, rien ne justifie, sauf à céder à la tentation de l’argent facile, une telle faveur à des promoteurs touristiques qui avaient largement les moyens d’acheter le terrain au prix du marché. 

Pour avoir abusé de son pouvoir et cédé à la tentation de l’enrichissement sans cause, Abdellatif Abdouh ne peut même pas sauver la mise…
Triste fin pour celui qui est bien parti pour « croupier » en prison.

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