Marchés publics : Soupçons de manipulation à plusieurs milliards de dirhams


Marchés publics : Soupçons de manipulation à plusieurs milliards de dirhams 


Publié le 21 mars 2025 

De nouvelles révélations sur des manipulations dans l’attribution de marchés publics, impliquant plusieurs milliards de dirhams, ont suscité une intense mobilisation de l’Inspection générale des finances. 

Ces anomalies ont été mises en évidence par des rapports émis par des trésoriers relevant du ministère des Finances, qui ont relevé des dysfonctionnements dans la gestion des appels d’offres. Les irrégularités concernent notamment les cahiers des charges, les services de maintenance ainsi que les coûts liés à l’installation et à l’exploitation des équipements. 
Certaines entreprises, connues pour leur recours fréquent à des experts étrangers, en particulier espagnols, ont accaparé une part importante de ces marchés.

Selon des sources bien informées qui se sont confiées à Hespress, une commission relevant de l’Inspection générale des finances a mené des investigations approfondies auprès de plusieurs établissements et entreprises publics. 

Ces enquêtes reposent sur des rapports contenant des informations préoccupantes, pointant du doigt des soupçons de manipulation orchestrée par des responsables en charge des marchés et des bons de commande destinés à l’acquisition de panneaux solaires subventionnés par l’État. Ces équipements étaient spécifiquement destinés à l’exploitation agricole.

L’élargissement des investigations a mis en lumière des pratiques suspectes, notamment la conception d’appels d’offres taillés sur mesure pour de petites entreprises ayant recours à des intermédiaires, leur permettant ainsi d’obtenir des commandes conséquentes à des prix largement gonflés.

Selon les mêmes sources, des offres de prix manipulées ont été introduites dans un marché lancé par une entreprise publique. L’objectif était de favoriser l’attribution d’un contrat d’équipement en panneaux solaires – destiné à réduire la consommation d’énergie électrique – à une société en particulier. Les inspecteurs ont relevé que cette entreprise avait déjà bénéficié de marchés similaires auprès du même maître d’ouvrage.

Les audits en cours ont mis en évidence plusieurs indices de manipulation des appels d’offres, notamment à travers leur fragmentation en petits lots et la création de sous-contrats couvrant l’installation, le montage et la maintenance. L’analyse approfondie des documents de réception des panneaux solaires a révélé, selon les rapports de contrôle interne, que ces équipements ne respectaient pas les spécifications techniques exigées par les cahiers des charges des marchés conclus.

D’après les informations obtenues par Hespress, les services d’inspection ont coordonné leurs actions avec les services de contrôle de la Direction générale des impôts et de l’Administration des douanes, en s’appuyant sur les canaux électroniques d’échange de données ouverts entre les administrations partenaires. L’objectif de cette collaboration est de vérifier l’authenticité des documents fiscaux et douaniers fournis par les entreprises ayant remporté des marchés publics liés à l’acquisition de panneaux solaires.

Les investigations se sont également concentrées sur des signalements de conflits d’intérêts impliquant des cadres de plusieurs institutions et entreprises publiques. Ces derniers sont soupçonnés d’avoir créé des sociétés sous le nom de leurs proches ou de leurs conjointes, afin de faciliter l’obtention de marchés publics de grande envergure.

Par ailleurs, Ahmed Bouaari, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, a récemment annoncé l’octroi d’un soutien financier par le Fonds de développement agricole pour l’acquisition et l’installation de panneaux solaires, de pompes et d’équipements connexes.

Lors d’une séance à la Chambre des représentants, en réponse à une question sur l’utilisation des énergies renouvelables dans le secteur agricole, le ministre a précisé que cette aide comprend une subvention couvrant jusqu’à 30 % du coût d’achat et d’installation des panneaux solaires et des équipements associés, avec un plafond fixé à 30.000 dirhams par projet.

Les inspecteurs des finances ont également étendu leurs investigations à l’examen du financement du programme de subvention des panneaux solaires. Ils cherchent à vérifier la véracité des soupçons concernant l’obtention illégale d’aides publiques par des personnes influentes, qui auraient créé des entreprises peu de temps avant le lancement du programme.

Les services budgétaires ont par ailleurs émis des mises en garde face à un risque de hausse des coûts du soutien public, par rapport aux prévisions initiales. Cette situation serait due à une augmentation attendue du nombre de bénéficiaires, ce qui pourrait peser lourdement sur le budget alloué

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