Affaire “Escobar du Sahara”: Saïd Naciri brise le silence et contre-attaque.
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Saïd Naciri, ancien président du Wydad Athletic Club et figure du Parti Authenticité et Modernité (PAM), a livré, vendredi devant la Cour d’appel de Casablanca, un témoignage dense et offensif dans l’affaire dite “Escobar du Sahara”. Incarcéré dans le cadre de cette enquête tentaculaire liée au Baron de la drogue Haj Ahmed Ben Brahim, alias “le Malien” ou encore “Escobar du désert”, Naciri a tenté de démonter point par point les accusations portées à son encontre.
L’ancien président du Conseil provincial de Casablanca, incarcéré dans le cadre du dossier lié au baron de la drogue surnommé le Malien ou encore «Escobar du désert», a livré de nouveaux éléments concernant la fameuse villa du quartier huppé de Casablanca «Californie». Une villa que le baron de la drogue Haj Ahmed Ben Brahim, dit « le Malien », -l’homme dont les confessions à la BNPJ sont à l’origine de l’éclatement de l’affaire éponyme– affirme détenir.
La villa de Californie au cœur des débats
Lors de son audition par la chambre criminelle de première instance, Naciri a insisté sur le fait que la villa, située avenue de La Mecque au quartier Californie (Casablanca), qui fait partie des pièces maîtresses du dossier, avait été acquise en 2017 par une société immobilière détenue conjointement avec son fils.
L’ancien dirigeant du Parti Authenticité et Modernité (PAM) a précisé que l’achat de cette villa construite depuis plus de 45 ans a été effectué via la SARL de promotion immobilière Prado, pour un montant avoisinant 165 millions de dirhams (1,65 milliard de centimes), auprès de l’ancien député du PAM, Belkacem Mir.
Le contrat de vente définitif a été signé en 2019, après paiement du montant total convenu, a-t-il précisé, expliquant que la société Prado est à son nom. «Cette société a été créée en novembre 2017 pour acheter cette villa.
J’ai obtenu l’accord de domiciliation de la société à l’adresse du bien de la part de Belkacem Mir, à qui j’ai versé 6,5 millions de dirhams et remis cinq chèques». A ce propos, ce dernier a déclaré devant la Cour lors d’une précédente audience qu’il a effectivement perçu un million de dirham cash près du Parlement marocain à Rabat et le reste sous forme de chèques.
Transaction « validée ».
Autre révélation de taille concernant la fameuse villa. Saïd Naciri a affirmé avoir servi d’intermédiaire au profit de l’ex-président de la Confédération africaine de football (CAF), Ahmad Ahmad.
L’ancien membre du bureau de la Fédération royale marocaine de football (FFMF) et de la Ligue nationale de football professionnel (LNFP) a affirmé avoir consulté des «instances officielles», étant donné que la transaction concernait une personnalité représentant une institution internationale.
Naciri a précisé qu’il envisageait dans un premier temps de vendre au dirigeant malgache un appartement qu’il possédait à Casablanca.
Mais ce dernier aurait exprimé le souhait d’acquérir plutôt une villa, pour des raisons personnelles, notamment son projet de mariage au Maroc.
Toujours selon Naciri, les deux hommes se sont ensuite rencontrés à Rabat, où Ahmad Ahmad lui a remis une procuration – signée le 29 mai 2019 devant le notaire Pamiste, Salah-Eddine Chenguiti – ainsi qu’une somme de 600 millions de centimes (soit 6 millions de dirhams) destinée à finaliser l’achat de la propriété.
Poursuivant sa défense, Naciri a assuré que le paiement total n’avait pu être effectué avant 2019 faute de liquidités suffisantes. Il a notamment remis à Belkacem Mir cinq chèques de 2 millions de dirhams chacun, lors d’une rencontre au complexe Benjelloun.
Naciri crie au complot.
Vêtu d’un survêtement, le président de club le plus titré de l’histoire du football marocain s’est montré à l’aise dans sa deuxième comparution devant la Cour, affirmant avoir de quoi se défendre.
Qualifiant les accusations du baron de drogue, Haj Ben Ibrahim, de «complot», l’ex-député du PAM a réfuté toute irrégularité, accusant au contraire ses détracteurs de fabrication de faux documents, notamment ceux relatifs au raccordement de la villa aux compteurs d’eau et d’électricité.
«Il y a des gens qui se sont acharnés à m’impliquer dans ce dossier avec des documents falsifiés», a-t-il déclaré, fournissant à la cour des documents prouvant que la villa n’avait été raccordée qu’en novembre 2017 au nom de la société Prado, avec l’autorisation du propriétaire d’alors, Belkacem Mir.
Déclarations corroborées par Belkacem Mir et Lydec
Une confrontation a été organisée à ce sujet entre Naciri et Belkacem Mir, lui aussi poursuivi dans cette affaire.
Ce dernier a confirmé avoir autorisé le branchement de la villa par la société de Naciri.
Pour étayer sa version, Naciri a également produit un document émis le 16 avril 2025 par la société gestionnaire de l’eau et de l’électricité (Lydec, devenue Société Régionale Multiservices (SRM) Casablanca-Settat), confirmant l’absence de tout raccordement au nom d’un autre individu entre 2014 et 2017, hormis celui de Belkacem Mir.
L’ancien député de Zagora a réfuté de bout en bout les déclarations de la chanteuse Latifa Raafat, selon lesquelles elle aurait fait la connaissance de son ex-époux, le baron de la drogue Haj Ahmed Ben Brahim, lors d’un gala organisé à cette ville du sud-est du Maroc.
Réplique à Latifa Raafat
Face aux juges, Naciri a affirmé que sa propre relation avec «Escobar du Sahara» remonte à 2013, lorsqu’il préparait un Forum international des oasis à Zagora, sa ville natale.
À cette occasion, «le Malien» l’aurait contacté pour lui demander d’assister à l’événement en compagnie de Latifa Raafat, qui est montée sur scène lors de cette manifestation.
«Quand je lui ai demandé s’il la connaissait, il m’a répondu : c’est la célèbre artiste, j’ai une relation avec elle», a précisé Naciri, insinuant que leur lien datait déjà d’avant cette manifestation publique.
Toujours selon Naciri, un témoin aurait confirmé cette version en déclarant que le trafiquant malien avait tenté d’organiser une soirée privée dans une suite hôtelière à Rabat, sollicitant la participation de Latifa Raafat ou de Samira Saïd. Raafat aurait décliné l’invitation, préférant organiser l’événement chez elle.
Le procès ne fait que commencer
«Elle les a invités chez elle au lieu de l’hôtel, et ils ont accepté», a ajouté Naciri, rapportant les propos du témoin. Peu après, selon ses dires, la chanteuse aurait invité Ahmed Ben Brahim à son propre anniversaire, contredisant ainsi sa version initiale selon laquelle elle ne l’aurait connu qu’à l’occasion du gala à Zagora.
Entre révélations explosives, accusations croisées et documents à l’appui, Saïd Naciri joue sa défense sur tous les fronts. Face à la justice, l’ex-dirigeant politique tente de faire basculer un dossier aussi tentaculaire que sensible, où s’entrelacent pouvoir, célébrité, sport et narcotrafic. Le procès, lui, ne fait que commencer.
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