L’épave de Mohammedia.

L’épave de Mohammedia.



Le 27/04/2025.


À Mohammedia, le Linden est devenu une attraction, et pour la peine, ça tombe plutôt bien, car dans la ville des fleurs, ce sont les cafés et les restaurants qui constituent la principale activité. 
En semaine, mais davantage encore pendant les week-ends, les jours fériés et les vacances, l’épave attire une foule de curieux.

Comme un retour à l’envoyeur, tous les jours, l’océan nous recrache littéralement à la figure toute la pollution que l’on y déverse. Sur le sable, bouchons en plastique, emballages et bouteilles font partie du décor, à l’exception près qu’ils ne se ramassent pas spontanément comme les coquillages et les jolis galets.

Mais il arrive parfois que des choses autrement surprenantes s’échouent sur nos côtes. À Mohammedia, le 29 janvier dernier, la houle était ainsi tellement forte qu’elle a accouché pour ainsi dire d’un navire, rien que ça. Victime d’une panne de moteur, la puissance des vagues a poussé sur la plage ce monstre de 72 mètres de longueur. 

Ce jour-là, les riverains ont assisté en direct à un véritable film d’action hollywoodien avec hélicoptère de la marine royale, sauvetage héliporté de l’équipage, et tout le tintouin. Mais le plus incroyable dans l’histoire est que depuis le 29 janvier, ce navire, baptisé le Linden, trône presque fièrement sur le sable de la plage Yasmina, située entre les plages de Monica et Manesmane.

Comme posé délicatement, il est là, comme s’il l’avait toujours été, tentant presque de se fondre maladroitement dans le décor, lui qui bat pavillon de Saint-Kitt-et-Nevis, un État des Petites Antilles, en mer de Caraïbes, qui se trouve être le plus petit pays d’Amérique.

À Mohammedia, le Linden est devenu une attraction, et pour la peine, ça tombe plutôt bien, car dans la ville des fleurs, ce sont les cafés et les restaurants qui constituent la principale activité.

Désormais, quand on reçoit des invités venus d’ailleurs, le Linden fait partie du circuit touristique. «T’as déjà vu une épave échouée sur le sable, à une dizaine de mètres de la route et des habitations ? Non ? Welcome to Mohammedia bro’. Tu te souviendras de ta visite», se vante-t-on depuis le mois de janvier, fiers d’avoir un truc incroyable à montrer, pour une fois.

On ne va pas se mentir, 
le spectacle vaut le détour. 

Et comme il faut le voir pour le croire, l’épave attire une foule de curieux qui se déplace en semaine, mais davantage encore pendant les week-ends, les jours fériés et les vacances. 
Ce petit bout de plage naguère tranquille, fréquentée surtout par les riverains, est désormais envahi par les voitures-machines à café et autres vendeurs ambulants pour satisfaire les envies de ce nouveau public.


Tout autour du bateau dont la coque se dévoile de la poupe à la proue, des enfants courent, un père joue au tennis de plage avec son fils, une partie de foot s’improvise, des retraités installent leurs chaises en plastique à l’ombre de la bâtisse, une ado fait des selfies...

Imaginez un peu, ce n’est pas tous les jours qu’on peut poser à côté d’une hélice de plusieurs mètres d’envergure. Quant aux risques que le navire bascule, étant donné qu’aucune cale ne le soutient… on prend le risque, c’est suffisamment inédit pour être tenté. 
Il y a bien eu quelques barrières posées en haut de la dune qui jouxte le navire mais il faut croire que leur principale fonction était d’être contournées, sous l’œil impuissant de quelques agents d’autorité. 
Dans la cabine naguère occupée par le capitaine du navire, campent désormais deux agents de sécurité et un malinois, mais pas de quoi effrayer les gamins à la recherche d’aventures.

Car le Linden regorge d’attractions en tous genres. C’est ainsi dans les trous béants laissés dans la coque du navire par les rochers, comme autant de plaies ouvertes et jamais cicatrisées, que s’engouffrent désormais enfants et ados, partant à l’assaut des entrailles de l’épave, pour réapparaître surexcités quelques minutes plus tard. 
On fermera là aussi les yeux sur la rouille qui suinte de ces déchirures dans le métal, du fait que personne ne les empêche d’y entrer vu que personne ne semble vraiment conscient des risques encourus. 
À moins qu’on ne soit tout simplement trop paranos avec des tendances rabat-joie.

Cet été, les estivants qui aiment passer leurs vacances à Mohammedia auront donc la surprise de pouvoir jouir de ce nouveau panorama. 
Faute de pouvoir continuer à se prélasser sur le sable désormais occupé par un plagiste qui monopolise une centaine de mètres de plage à lui tout seul, ils pourront toujours prendre une photo inoubliable.

C’est pas tous les jours qu’on peut côtoyer d’aussi près une épave échouée de toute sa hauteur sur le sable, avec vue imprenable sur les villas en première ligne.

Qu’adviendra-t-il du Linden ? 
Va-t-il continuer à rouiller sur la côte jusqu’à rejoindre le rang des choses anormales qui deviennent normales ? 
Va-t-il être démantelé ? Reconverti en lieu d’attraction sécurisé ? Un mall de plus peut-être ? 

Ou pourquoi pas un resto lounge vue sur mer ? Dans la course au grand nettoyage des villes avant 2030, il faudra bien trouver une solution à cette anomalie de la nature.

Par Zineb Ibnouzahir.

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