Les Européens doivent participer à la rencontre

Les Européens doivent participer à la rencontre proposée par Vladimir Poutine à Zelensky.  

Sur le chemin d’une paix juste mais douloureuse, il faut accepter de rencontrer Poutine. Sans illusions mais dans le but de préparer les conditions d’une (lointaine ?) sortie de crise.

La paix, lorsqu’elle n’est pas une capitulation, est toujours un chemin escarpé, parfois honteux, souvent douloureux. Et pourtant, il faut l’emprunter. Lorsque Vladimir Poutine propose de rencontrer Volodymyr Zelensky en Turquie, il ne tend pas une main innocente. Mais il entrouvre, fût-ce à dessein stratégique, une porte que les Européens auraient tort de refermer. Comme l’a souligné Emmanuel Macron, c’est une première concession de Poutine, certes insuffisante, mais c’en est une. Et bien entendu aussi, comme l’a souligné le président ukrainien, cette rencontre doit aller de pair avec l’acceptation d’un cessez-le-feu.

Est-ce un coup de poker du bonimenteur Poutine qui veut gagner du temps pour continuer à affaiblir l’Ukraine sur le champ de bataille ? Oui, le président russe est un maître dans l’art du double discours et du coup de bluff. Oui, il pourrait vouloir simplement gagner du temps, fissurer le bloc occidental, tester la solidité de l’alliance entre Kiev, Bruxelles et Washington. Mais le fait même qu’il évoque une rencontre avec son ennemi juré marque une inflexion politique. L’homme du Kremlin, si habile à ignorer ses adversaires, semble cette fois vouloir sauver les apparences. Il cherche, sinon une sortie, du moins à en dessiner les contours.

Dans ce contexte, l’Europe ne doit pas fuir cette main tendue, même si elle est gantée de fer. Elle doit au contraire s’y engouffrer avec lucidité. Non pas pour avaliser une paix bâclée, ni pour forcer Zelensky à accepter une paix injuste, mais pour être présente, influente, vigilante. Il ne peut être question de laisser Poutine seul face à un président ukrainien isolé. Si rencontre il y a, elle doit se faire avec la France, l’Allemagne, la Pologne, l’Italie et d’autres partenaires – aux côtés du président ukrainien. Ce serait un signal fort, aussi bien à Moscou qu’à Kiev : l’Europe parle et doit parler d’une seule voix.

Volodymyr Zelensky ne peut exiger de ses partenaires un soutien militaire, financier et diplomatique indéfectible sans accepter que ces mêmes partenaires aient voix au chapitre dans la recherche d’une paix future. Pas pour imposer, mais pour garantir que la paix ne soit ni une trahison ni une défaite camouflée.

Rencontrer Poutine ne signifie pas l’absoudre. Ce n’est pas trahir les morts de Boutcha, ni les martyrs de Marioupol. C’est préparer, sans naïveté, les conditions d’un cessez-le-feu durable. La guerre en Ukraine dure depuis plus de trois ans. Elle a muté en guerre d’usure, de tranchées, de missiles. Elle épuise les soldats, les économies, les opinions. Et elle finira, comme toutes les guerres, autour d’une table.

En manifestant haut et fort leur volonté d’être aux côtés de Zelensky si cette rencontre a lieu, les Européens se rapprocheraient d’autant de Donald Trump et aligneraient leur position sur celle de la Maison Blanche. De quoi consolider le camp occidental face à Poutine.

Les Européens doivent donc être à cette table, non pas pour négocier dans le dos de Kiev, mais pour faire en sorte que le jour où Zelensky signera la paix avec son bourreau, ce soit avec la force de toute l’Europe derrière lui.

 

Par Michel Taube

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