Me Abdellatif Chentouf : "Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire n'est pas au-dessus de la critique". ....
Me Abdellatif Chentouf : "Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire n'est pas au-dessus de la critique". ....
"Nous espérons que l’affaire des quatre juges sera classée"
STRINGER . / REUTERS
JUSTICE
– Incompréhension. Au Club des magistrats du Maroc (CMM), l’audition de quatre juges membres de cette structure, appelés à s’expliquer pour des posts sur Facebook, a eu l’effet d’un choc.
Convoqués par le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) le 13 septembre pour trois d’entre eux, puis le 17 septembre pour le quatrième, les magistrats devaient s’expliquer sur des critiques et des “expressions contenues dans leurs écrits”. “Les posts en question ont été publiés en juin dernier après la publication par le CSPJ de son bilan d’activité à la fin de sa session”, raconte au HuffPost Maroc le président du CMM, le magistrat Abdellatif Chentouf.
Le problème aurait commencé par la fuite de certains résultats relayés par des médias, avant la publication officielle du rapport qui avait pris, selon ce magistrat, “un retard de deux semaines”. Dans le sillage, les critiques des quatre juges postés sur leur page Facebook n’ont pas été appréciées par l’instance qui en a fait l’objet. “Le CSPJ n’est pas au-dessus de la critique et, comme toute autre institution, son activité peut être critiquée et soumise au questionnement, sur la base du principe de la reddition des comptes”, assure Me Chentouf. Et de qualifier les posts des quatre juges de tout à fait “anodins”. “Je peux vous assurer que les critiques ou les mots contenus n’avaient rien de préjudiciable ou de grave. Les juges n’ont à rendre de comptes qu’en cas de violation de la loi”, souligne le président du CMM.
Une limite à la liberté des magistrats? Pour Abdellatif Chentouf, il faut distinguer entre ce qui est légalement interdit et ce qui ne l’est pas. “La loi est claire: le magistrat ne peut donner son avis sur une affaire en cours ou sur des questions politiques et ne peut privilégier une partie sur une autre afin de préserver son objectivité”, rappelle-t-il.
Le problème aurait commencé par la fuite de certains résultats relayés par des médias, avant la publication officielle du rapport qui avait pris, selon ce magistrat, “un retard de deux semaines”. Dans le sillage, les critiques des quatre juges postés sur leur page Facebook n’ont pas été appréciées par l’instance qui en a fait l’objet. “Le CSPJ n’est pas au-dessus de la critique et, comme toute autre institution, son activité peut être critiquée et soumise au questionnement, sur la base du principe de la reddition des comptes”, assure Me Chentouf. Et de qualifier les posts des quatre juges de tout à fait “anodins”. “Je peux vous assurer que les critiques ou les mots contenus n’avaient rien de préjudiciable ou de grave. Les juges n’ont à rendre de comptes qu’en cas de violation de la loi”, souligne le président du CMM.
Une limite à la liberté des magistrats? Pour Abdellatif Chentouf, il faut distinguer entre ce qui est légalement interdit et ce qui ne l’est pas. “La loi est claire: le magistrat ne peut donner son avis sur une affaire en cours ou sur des questions politiques et ne peut privilégier une partie sur une autre afin de préserver son objectivité”, rappelle-t-il.
Et d’ajouter que les magistrats doivent répondre de leurs actes dans le cas d’insultes ou de diffamation à l’encontre d’une personne ou d’une institution, “ce qui n’est pas le cas, ici”.
DRMaître Abdellatif Chentouf, président du Club des magistrats du Maroc
Au-delà de “ces interdits, on ne peut pas empêcher les magistrats de s’exprimer. C’est pour cela d’ailleurs que nous nous interrogeons encore sur le mobile justifiant cette procédure préliminaire de poursuites à l’encontre de ces juges”. Abdellatif Chentouf assimile le droit d’expression au “courage intellectuel” dont le besoin est “vital”.
Par ailleurs, estime-t-il, “s’exprimer à travers les réseaux sociaux relève d’une question épineuse à l’échelle mondiale qu’on ne peut certainement pas soumettre à une simple approche disciplinaire”. Le CMM recommande ainsi au conseil d’entamer le débat avec les associations professionnelles autour d’un code de conduite. “La loi l’impose, en tout cas. Nous attendons que le conseil prenne l’initiative d’ouvrir ce chantier. Il devait entamer ce projet avant d’entreprendre des mesures à l’encontre des magistrats”, soutient Abdellatif
Chentouf.
L’association CMM avait présenté sa propre vision de ce code dans le cadre d’un mémorandum. “Nous avions d’ailleurs fait de la liberté d’expression un principe de base indéniable”, rappelle le président de l’association.
Au sein du corps de magistrature, cette affaire suscite à la fois amertume et déception. Abdellatif Chentouf reconnait que les juges sont déçus. “Ils l’expriment et continuent de l’exprimer sur Facebook”, indique-t-il.
Déception unanime, car le renouvellement du CSPJ et la mise en place d’une nouvelle loi relative au statut des magistrats en 2016 laissaient croire à un réel changement. “C’est la première affaire du genre après l’installation des nouveaux membres du CSPJ qui compte désormais, en plus des magistrats, le président du CNDH, le Médiateur du royaume, ainsi que des personnalités indépendantes”, fait remarquer le président du CMM. Et de préciser que la nouvelle loi se base sur des principes encadrant la liberté d’expression des magistrats sur la base de l’article 111 de la constitution leur garantissant le droit à la liberté d’expression et à la création d’associations.
Avant ce nouveau cadre législatif, d’autres juges avaient été convoqués pour les mêmes raisons et ils avaient été sanctionnés. “A ce moment-là, le CSPJ était restreint à une dizaine de membres tous magistrats et était dirigé par le ministre de la Justice de l’époque, Mustapha Ramid”, rappelle le président du CMM.
De ces cas passés, Abdellatif Chentouf se rappelle du “procès de l’image”.
“Nous l’avions appelé ainsi parce qu’un juge avait été convoqué pour avoir posté une photo de lui montrant les conditions de son travail l’ayant amené à traiter des dossiers dans le hall d’un tribunal”, se souvient-il. Le juge en question a eu droit à un blâme et a été privé de la promotion.
Plus connue, l’affaire du juge Mohamed El Hini qui a avait été sanctionné une première fois par une suspension provisoire de son travail puis, une deuxième fois, par sa complète exclusion, sous prétexte d’avoir donné des opinions politiques. “Il y a eu aussi le cas de la juge Amal Houmani qui a été, elle aussi, suspendue de son travail mais provisoirement”, se souvent Me Chentouf.
Et d’estimer que “l’interaction des médias avec cette affaire des quatre juges ayant suscité une sensibilité auprès de l’opinion publique touche aussi à la confiance des citoyens”.
DRMaître Abdellatif Chentouf, président du Club des magistrats du Maroc
Au-delà de “ces interdits, on ne peut pas empêcher les magistrats de s’exprimer. C’est pour cela d’ailleurs que nous nous interrogeons encore sur le mobile justifiant cette procédure préliminaire de poursuites à l’encontre de ces juges”. Abdellatif Chentouf assimile le droit d’expression au “courage intellectuel” dont le besoin est “vital”.
Par ailleurs, estime-t-il, “s’exprimer à travers les réseaux sociaux relève d’une question épineuse à l’échelle mondiale qu’on ne peut certainement pas soumettre à une simple approche disciplinaire”. Le CMM recommande ainsi au conseil d’entamer le débat avec les associations professionnelles autour d’un code de conduite. “La loi l’impose, en tout cas. Nous attendons que le conseil prenne l’initiative d’ouvrir ce chantier. Il devait entamer ce projet avant d’entreprendre des mesures à l’encontre des magistrats”, soutient Abdellatif
Chentouf.
L’association CMM avait présenté sa propre vision de ce code dans le cadre d’un mémorandum. “Nous avions d’ailleurs fait de la liberté d’expression un principe de base indéniable”, rappelle le président de l’association.
Au sein du corps de magistrature, cette affaire suscite à la fois amertume et déception. Abdellatif Chentouf reconnait que les juges sont déçus. “Ils l’expriment et continuent de l’exprimer sur Facebook”, indique-t-il.
Déception unanime, car le renouvellement du CSPJ et la mise en place d’une nouvelle loi relative au statut des magistrats en 2016 laissaient croire à un réel changement. “C’est la première affaire du genre après l’installation des nouveaux membres du CSPJ qui compte désormais, en plus des magistrats, le président du CNDH, le Médiateur du royaume, ainsi que des personnalités indépendantes”, fait remarquer le président du CMM. Et de préciser que la nouvelle loi se base sur des principes encadrant la liberté d’expression des magistrats sur la base de l’article 111 de la constitution leur garantissant le droit à la liberté d’expression et à la création d’associations.
Avant ce nouveau cadre législatif, d’autres juges avaient été convoqués pour les mêmes raisons et ils avaient été sanctionnés. “A ce moment-là, le CSPJ était restreint à une dizaine de membres tous magistrats et était dirigé par le ministre de la Justice de l’époque, Mustapha Ramid”, rappelle le président du CMM.
De ces cas passés, Abdellatif Chentouf se rappelle du “procès de l’image”.
“Nous l’avions appelé ainsi parce qu’un juge avait été convoqué pour avoir posté une photo de lui montrant les conditions de son travail l’ayant amené à traiter des dossiers dans le hall d’un tribunal”, se souvient-il. Le juge en question a eu droit à un blâme et a été privé de la promotion.
Plus connue, l’affaire du juge Mohamed El Hini qui a avait été sanctionné une première fois par une suspension provisoire de son travail puis, une deuxième fois, par sa complète exclusion, sous prétexte d’avoir donné des opinions politiques. “Il y a eu aussi le cas de la juge Amal Houmani qui a été, elle aussi, suspendue de son travail mais provisoirement”, se souvent Me Chentouf.
Et d’estimer que “l’interaction des médias avec cette affaire des quatre juges ayant suscité une sensibilité auprès de l’opinion publique touche aussi à la confiance des citoyens”.
Pour preuve, le président du CMM soutient que “le citoyen n’acceptera pas qu’un magistrat soit sanctionné pour s’être exprimé en toute liberté.
Il l’acceptera si le juge a commis une faute professionnelle ou en cas de corruption”, assure-t-il.
Le CMM s’attend ainsi à un dénouement en faveur des juges. “A sa prochaine session, dans les prochains jours, le CSPJ devra débattre de l’affaire. Il décidera alors soit de classer l’affaire, ce que nous espérons, soit de les poursuivre officiellement. Et, dans ce cas, ils seront appelés à se présenter pour se défendre”, affirme Abdellatif Chentouf. Et de prévenir que le CMM continuera de soutenir les magistrats. “Nous avons tenu une réunion pour nous concerter et nous avons convenu de ne pas amplifier la situation mais l’association sera
contrainte d’adopter des formes de protestations pour défendre ses membres et ses missions s’ils sont poursuivis”.
Le CMM est convaincu que ce genre de mesures punitive envers les magistrats est négative pour l’image de la justice. “Le silence, nous en avons souffert pendant des décennies”, regrette Abdellatif Chentouf en attendant une lueur d’espoir.
Le CMM s’attend ainsi à un dénouement en faveur des juges. “A sa prochaine session, dans les prochains jours, le CSPJ devra débattre de l’affaire. Il décidera alors soit de classer l’affaire, ce que nous espérons, soit de les poursuivre officiellement. Et, dans ce cas, ils seront appelés à se présenter pour se défendre”, affirme Abdellatif Chentouf. Et de prévenir que le CMM continuera de soutenir les magistrats. “Nous avons tenu une réunion pour nous concerter et nous avons convenu de ne pas amplifier la situation mais l’association sera
contrainte d’adopter des formes de protestations pour défendre ses membres et ses missions s’ils sont poursuivis”.
Le CMM est convaincu que ce genre de mesures punitive envers les magistrats est négative pour l’image de la justice. “Le silence, nous en avons souffert pendant des décennies”, regrette Abdellatif Chentouf en attendant une lueur d’espoir.
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