Coronavirus : Au Maroc, les ouvriers paient un lourd tribut !Au Maroc, le coronavirus fait exploser la facture de l’école à distance

Coronavirus : Au Maroc, les ouvriers paient un lourd tribut !

En quelques jours, des dizaines de cas de contamination ont été enregistrés dans des usines et des grandes surfaces à Casablanca, Tanger, Fès et Larache.

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Dans une usine de la ville de Berrechid, à environ 42 kilomètres au sud de Casablanca, le 16 avril. 2020. FADEL SENNA / AFP

Des hurlements, des larmes, un mélange de colère et de désespoir… Regroupées face à leur usine, dans la zone industrielle d’Ain Sebaa, en périphérie de Casablanca, des dizaines d’ouvrières crient leur terreur. L’une d’entre elles se jette à terre, une autre semble en proie à une crise d’hystérie. Elles viennent d’apprendre le diagnostic positif au Covid-19 de l’une de leurs collègues. 

La scène, filmée sur un téléphone portable et diffusée mi-avril, a fait le tour des réseaux sociaux du royaume. 
D’ailleurs, depuis, pas moins de 111 ouvrières de cette usine ont été contaminées, selon la direction régionale de la santé de Casablanca.

Jusqu’ici, relativement épargné par rapport à ses voisins européens, le Maroc comptait 4 065 cas officiellement recensés et 161 décès au 27 avril. Si les mesures précoces de confinement strict sous contrôle étroit des autorités et les dépistages de plus en plus fréquents ont permis de réduire le nombre de personnes admises en réanimation, la multiplication des foyers de contamination fait craindre une accélération de la propagation du coronavirus.
Prévention sur les lieux de travail

En quelques jours, des dizaines de cas ont ainsi été enregistrés dans des usines et des grandes surfaces à Casablanca, Tanger, Fès et Larache. Le milieu carcéral a lui aussi été touché avec près de 200 cas au sein de la seule prison de Ouarzazate. 


Le directeur de l’épidémiologie et des maladies infectieuses au ministère de la santé, Mohamed El Youbi, reconnaît que « ces clusters représentent l’essentiel des contaminations depuis une semaine à dix jours ». Soit un dixième des contaminations totales. « C’était un risque à courir de laisser un certain nombre de secteurs d’activité en fonction. Il suffit d’une faille pour que des dizaines de personnes soient infectées », admet-t-il.


Plusieurs ONG marocaines ont d’ailleurs interpellé le gouvernement sur les mesures de prévention sur les lieux de travail. « Ces contaminations massives montrent que les consignes sanitaires ne sont pas tenues. 

Dans l’usine d’Ain Sebaa, qui emploie essentiellement des femmes, l’espacement entre les ouvrières, par exemple, n’a pas été respecté », déplore Nadia Hmaity, membre de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), qui a appelé à des poursuites judiciaires contre les employeurs.
Couvre-feu et ramadan

En dépit de l’instauration de l’état d’urgence le 20 mars, certaines entreprises sont autorisées à poursuivre leur activité à condition de suivre un protocole sanitaire incluant réorganisation des horaires, port du masque, prise de température… « La responsabilité est partagée entre les autorités qui laissent ces usines exercer dans ces circonstances et les employeurs qui ne sont peut-être pas en mesure de les appliquer. Parce qu’ils n’ont pas forcément d’appui de la part des autorités sanitaires, ni de formations, et que la majorité des usines sont insalubres donc peu propices à des mesures sanitaires efficaces. Ou alors parce que certains sont tout simplement avides de gain », abonde Mme Hmaity.


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Les ministères de la santé, de l’industrie et du travail ont rapidement appelé les gérants à renforcer les mesures de prévention et la commission en charge des inspections a renforcé ses contrôles. Mais « sur le terrain, c’est très compliqué, souffle un responsable de chantier qui requiert l’anonymat. Pour respecter totalement la distanciation sociale, il faut faire plusieurs shifts, que les ouvriers ne se croisent pas. Mais entre le couvre-feu et le ramadan qui raccourcit les journées, c’est impossible, estime-t-il, avant de rappeler que les ouvriers sont payés à la journée ou à l’heure. S’ils ne travaillent pas, ils n’ont plus de revenus. Nous menons deux guerres à la fois : contre le virus et contre la crise économique. »



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Alors que les entreprises se préparent à une reprise plus large le 20 mai, date à laquelle l’état d’urgence devrait prendre fin, la question de la protection des salariés reste posée. « Ce sera au comité de pilotage, en collaboration avec les ministères de la santé et de l’industrie, de décider de la reprise d’activité ou non », tranche le directeur de l’épidémiologie. 

L’annonce du redémarrage progressif dès fin avril des usines de Renault, qui emploient près de 11 000 personnes au Maroc, a déjà suscité de vives inquiétudes au sein du personnel et des syndicats.



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