Les "accusations miroirs" d’Erdogan
Depuis
plusieurs jours, sur fond de campagne référendaire en vue de réviser la
constitution pour s’attribuer les pleins pouvoirs, le président turc
traite les pays européens (Allemagne, Autriche, Hollande, etc) de
"racistes" , "nazis" ou "islamophobes", mais depuis l’arrivée au pouvoir
de l’AKP en 2002 et la dérive autoritaire de son président analysée
dans le précédent article, la Turquie néo-ottomane et
"national-islamiste" n’a jamais été aussi proche du modèle qu’il dénonce
et n’a jamais autant stigmatisé les minorités (juifs, les chrétiens,
les Arméniens, les Kurdes, etc) puis persécuté les forces démocratiques
et progressistes.
Géopolitico-scanner
Lorsque que le président turc qualifie de nazie
la politique de plusieurs pays européens qui, selon lui, « auraient
déjà rétabli les chambres à gaz si les Allemands n’avaient pas un peu
honte », Reept Taiyyp Erdogan fait allusion à une idéologie
national-socialiste qu’il semble condamner et dont l’une des
idées-forces est la lutte contre les minorités apatrides et notmment le
complot judéo-maçonnique et communiste.
Etonnamment, ce genre de
théories conspirationnistes et violemment antisémites n’a jamais été
autant populaire que depuis l’avènement politique d’Erdogan et la
politique de réislamisation et de désoccidentalisation encouragée par
lui.
Antisionisme et judéophobie complotiste : carburants de la synthèse islamo-nationaliste
Jadis choyés par Atätürk et les kémalistes, les Juifs
sont aujourd’hui ouvertement et collectivement accusés dans les
discours d’Erdogan et des islamistes turcs de soutenir - via leurs
« lobbies sionistes » - le « génocide » des Palestinien et
« l’impérialisme occidental ».
Jadis en très bons termes avec Israël et
pays assez sûr pour les Juifs, la Turquie a été nettement gagnée ces
dernières années par une recrudescence d’une judéophobie complotiste
banalisée à la fois par la xénophobie nationaliste et la réislamisation
sociétale. C’est ainsi que les journaux islamistes qui ont porté l’AKP
au pouvoir, tout comme les ouvrages diffusés dans les grandes librairies
et les médias ont recyclé ces dernières années les vieilles vulgates
judéophobes et conspirationnistes, à commencer par les Protocoles des Sages de Sion et moult écrits anti-juifs européens et mêmes nazis, y compris Mein Kampf, vendus
dans toutes les librairies dans de nombreuses éditions concurrentes. Ce
phénomène de banalisation-réhabilitation de l’antisémitisme complotiste
est très populaire et il a été porté par Erdogan lui-même, bien avant
sa soi-disant dérive radiale « récente ».
Ainsi que l’a révélé le
quotidien turc laïque Hürriyet, Recep Tayyip Erdogan a en effet
écrit et mis en scène lui-même dans tout le pays, en 1974, dans le
cadre des activités "culturelles" du parti islamiste MSP de Necmettin
Erbakan, au sein duquel il était le responsable de la "Commission de la
jeunesse du district de Beyoglu" (Istanbul), une pièce de théâtre
antisémite intitulée Maskomya. Stigmatisant violemment les
Juifs, les francs-maçons et les communistes - trois termes contenus dans
la contraction Mas/com/ya (Mason, comunist ; Yahoudi) – cette
vulgate complotiste haineuse est commune à l’idéologie islamiste
classique et à l’extrême-droite turque séculaire des Loups Gris (et de
son parti politique le MHP), actuellement alliée à l’AKP et principal
soutien externe à sa dérive autoritaire « nationale-islamiste »
d’Erdogan. En décembre 1996, alors qu’il était maire d’Istanbul, Erdogan
déclara, au cours de conférences organisées par son parti, qu’un «
complot mondial ourdi par les Juifs sionistes menaçait de prendre le
contrôle de la planète ».
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