Le Maroc s’apprête à louer les réservoirs de la SAMIR

Le Maroc s’apprête à louer les réservoirs de la SAMIR.

29 mai 2024

Bien que la justice ait récemment accordé à l’État marocain la permission d’utiliser la capacité de stockage de la SAMIR, la saga de liquidation de la raffinerie marocaine de pétrole n’a pas encore pris fin, selon le site « theafricareport.com ».

« Cela fait plus de 4 ans que l’une des plus importantes affaires judiciaires de l’histoire du pays a débuté devant le tribunal de commerce de Casablanca », souligne le site avant de rappeler que le 21 mars 2016, le juge a ordonné la liquidation de la SAMIR, la seule raffinerie du Royaume dans laquelle le milliardaire saoudien Sheikh Mohammed Hussein Al Amoudi détient une participation de 67% via sa société « Corral Morocco Holding ».

L’entreprise, qui employait alors 867 personnes, avait accumulé une dette de plus de 45 milliards de dirhams (4,16 milliards d’euros), dont une grande partie envers l’administration des douanes, ce qui l’a finalement amenée à cesser ses activités en août 2015.

Une liquidation s’étendant aux actifs des dirigeants

Depuis lors, la procédure de liquidation s’est prolongée sans fin, malgré deux syndics judiciaires successifs, Mohamed El Krimi ayant été remplacé, en mai 2018, par Abdelkbir Safadi, à la suite de différends survenus entre les parties impliquées dans l’affaire.

Mais les rebondissements se sont suivis l’un après l’autre. Par exemple, en 2017, l’ancien syndic judiciaire en charge de la liquidation, Mohamed El Krimi, a demandé que la liquidation soit étendue aux actifs privés des dirigeants de la SAMIR, estimant que la mauvaise gestion de ces derniers avait conduit à cette situation.

En novembre 2018, le tribunal de commerce a statué en faveur de cette extension aux actifs personnels de 6 de ses dirigeants; tous étrangers: l’Éthiopien Mohammed Hussein Al Amoudi (PDG et actionnaire majoritaire), le Saoudien Jamal Mohamed Baamer (Directeur général), le Britannique Bassam Felix Aburdene (directeur), le Britannique Jason T. Milazzo (directeur), le Suédois Lars Nelson (directeur) et l’Américain George Salem (directeur).

La décision a été confirmée en appel, un jugement qui a également interdit à ces dirigeants d’avoir des affaires au Maroc au cours des cinq prochaines années, une décision difficile à appliquer étant donné que les actifs en question sont tous détenus à l’étranger.

La nationalisation, une option privilégiée

En février 2019, le Conseil marocain de la concurrence s’est intéressé au dossier de la SAMIR alors qu’il se préparait à rendre son avis sur le plafonnement des marges des compagnies pétrolières au Maroc. Driss Guerraoui, le président de ce Conseil a lors de la présentation de son rapport, indiqué que « la SAMIR a fourni, avant sa fermeture en août 2015, au marché intérieur 64% de ses besoins en produits raffinés (…) la raffinerie nationale a donc joué un rôle fondamental dans l’approvisionnement, mais aussi dans le stockage, car elle représentait plus de 50% de la capacité de stockage du pays, ce qui protégeait notre pays de toute éventuelle pénurie ».

En conséquence, le conseil a ouvertement plaidé pour « la nationalisation » de la raffinerie afin de protéger la souveraineté et de créer un équilibre entre les puissances économiques du marché. Le président du conseil, faisait écho aux employés de la SAMIR, qui ont demandé que la raffinerie soit nationalisée dès le début de la procédure, en affirmant que « la préservation de la raffinerie nationale exige des décisions politiques audacieuses ».

Une offre de la part de Petroen Engineering

En septembre 2019, la société émiratie Petroen Engineering DMCC a financé une vaste campagne médiatique au Maroc, faisant connaître son offre d’acquérir la SAMIR. Abderrafii Bouhamria, le juge commissaire en charge de la liquidation de la raffinerie, a en effet obtenu une offre de 2,4 milliards de dollars, un montant correspondant à la valorisation des actifs de la raffinerie réalisée par un expert local nommé par le tribunal, qui a estimé la valeur des actifs à 21 milliards de dirhams marocains (2,12 milliards de dollars).

La société émiratie, détenue par Khurram Bin Latif Abdullatif Qureshi, aurait bénéficié du soutien financier de la filiale de Dubaï de la banque d’investissement canadienne Canaccord Genuity et cherchait à obtenir une garantie d’une banque marocaine, mais il semble que l’offre n’ait pas abouti. Probablement découragé par la campagne médiatique, le juge chargé de l’affaire a décidé de prendre son temps pour examiner l’offre.

Selon les sources de « theafricareport.com », aucune autre offre concrète n’a été adressée au tribunal malgré les nombreuses sociétés internationales qui semblent manifester un intérêt.

Stock stratégique

Enfin, en février dernier, le juge-commissaire Abderrafii Bouhamria a donné son feu vert pour la location des équipements de la SAMIR, un prélude à la décision rendue le 14 mai. Alors que les membres du syndicat national du pétrole et du gaz affilié à la Confédération démocratique du travail (CDT) avaient demandé aux juges d’éviter une telle décision par crainte de décourager d’éventuels acquéreurs, la remise en service des installations pourrait aider à préserver les actifs qui n’ont pas été utilisés depuis fin 2015.

Pour l’instant, personne ne connaît le cadre du contrat entre le gouvernement et le syndic judiciaire.

Selon les sources de « theafricareport.com, le prix et la durée du bail sont toujours en cours de négociation. L’accord devra permettre au Maroc de constituer un stock important au cours d’une période marquée par la baisse des prix du pétrole. Grâce à ces réservoirs d’une capacité de 2 millions de mètres cubes, les stocks du Royaume devrait passer de 30 à 90 jours.

Par Bendriss Chahid.

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