Procédures administratives marathoniennes, d’un autre temps, arnaques en tout genre… Le marché de l’occasion a toujours eu mauvaise presse au Maroc.
Mais les choses sont en train d’évoluer, sous l’impulsion de la Narsa et des filiales VO des acteurs du neuf.
Ces derniers se contentent encore de faire de la figuration en termes de chiffres de ventes, mais n’en jouent pas moins les premiers rôles dans la professionnalisation de la filière. Il est encore loin, le temps où les principaux bras opérationnels de l’informel, le «semsar» et le «7agaragiste», en l’occurrence, figureront sur la liste des «espèces» en voie de disparition, hélas !
Ainsi que l’ont déploré les deux professionnels de la distribution automobile que sont Adil Bennani et Fabrice Crevola, les nouveaux acteurs du VO, les antennes VO des marques dont ils président aux destinées et celles de leurs concurrents, mais aussi les nouveaux marchands et intermédiaires spécialisés, des startups, essentiellement, captent des parts de marché infimes, doivent se contenter d’une maigre pitance, alors que le festin est royal (1,5% à 2% des volumes de ventes globaux, dixit Bennani).
Le VO est dominé outrageusement par les ventes directes, de particulier à particulier, et par celles dans lesquelles des intermédiaires sont impliqués. Et ces opérations sont le plus souvent opaques, de même qu’elles peuvent donner lieu à toutes sortes d’arnaques, de déconvenues.
«En ce qui concerne les intermédiaires, notre objectif, en tant qu’administration, est de définir les règles. Nous ne voulons affronter personne, seulement que tout le monde s’aligne sur les règles et les process, pour qu’il y ait une certaine équité au niveau du secteur», a commenté à ce propos notre représentant des pouvoirs publics, Benacer Boulaajoul.
Ces transactions de gré à gré représentent, enfin, un manque à gagner considérable, pas seulement pour les opérateurs structurés ou pour le consommateur (quand il est floué, trompé sur la marchandise), mais aussi pour l’État. «Si l’État prend 20 % de la marge moyenne de 5 % que l’on fait, il ne perçoit que l’argent de deux contrôles techniques sur l’écrasante majorité des 98 % des transactions dans le VO», a indiqué le président de l’Aivam.
Des contraintes administratives en recul
Boulaajoul a mis, pour sa part, l’accent sur d’autres considérations
qui poussent la Narsa à professionnaliser cette filière, à la «normer».
«En tant qu’institution publique, notre objectif est d’assurer la
célérité des transactions et, surtout, de protéger le citoyen, le
consommateur.
Notre but est de le protéger doublement. Dans un premier lieu, il faut s’assurer que toute transaction est claire, ne fait pas l’objet d’arnaques. Parfois, vous pouvez acheter un véhicule, mais vous n’avez que le carton, au final, parce que le véhicule est frappé d’une opposition, soumis à un jugement…
Ce n’est qu’une fois le véhicule payé que vous vous rendez compte que vous n’obtiendrez jamais votre carte grise. Notre autre domaine d’intervention, c’est la sécurité routière. Le législateur a prévu que chaque mutation doit être soumise à un contrôle technique pour s’assurer que le véhicule répond aux normes en matière de sécurité routière mises en place par la réglementation. Nous aspirons à faciliter l’accès à ces services à travers la levée d’un certain nombre de contraintes que nous vivons aujourd’hui sur le marché du VO», s’est exprimé le directeur de la Narsa.
Ces contraintes sont nombreuses et variées. L’une des plus rédhibitoires, surtout pour les concessionnaires souhaitant développer l’activité VO, c’est la contrainte par rapport au lieu de résidence. «Vous ne pouvez actuellement procéder à une transaction qu’au niveau du lieu de résidence du vendeur. Mais nous avons développé, d’un commun accord avec l’AIVAM, un arrêté concernant la levée de cette contrainte.
Il est prêt, dans le circuit». Nous le verrons plus tard, la Narsa a également investi lourdement dans la dématérialisation de ses services. Objectif : éviter aux citoyens toutes les tracasseries observées au niveau de toute la chaîne. Cela devrait également faciliter la tâche aux nouveaux opérateurs sur le marché de l’occasion.
Des habitudes à casser
Les efforts fournis par les pouvoirs publics sont louables. Selon
Bennani, cela dit, lever les obstacles administratifs permettra aux
nouveaux labels VO de dire à leurs équipes qu’elles ont enfin les
coudées franches pour faire de la reprise, pour vendre, que la balle est
dans leur camp, désormais, que la réussite du business ne tient plus
qu’à eux.
«Sur les 600.000 transactions réalisées dans le VO, nous n’avons pas l’ambition de tout rafler. Il y aura toujours de la vente entre particuliers, des marchands, de même que des plateformes structurées comme on en voit fleurir partout dans le monde qui s’intéresseront à cette activité d’intermédiation. Pour nous, aujourd’hui, le principal canal de reprise, c’est la vente de véhicules neufs.
On fait, pour schématiser, 200.000 ventes. Déjà, tous les acheteurs de VN n’ont pas un véhicule à revendre, ou ne veulent tout simplement pas le revendre. Si seulement la moitié d’entre eux a un véhicule à revendre, ça fait 100.000 VO. Sur les 100.000, si on en transforme deux sur trois en ventes effectives, c’est déjà excellent.
Ça fait grosso-modo 70.000 véhicules, ce qui est considérable. Pourquoi on ne les fait pas aujourd’hui ? C’est dû en partie seulement au volet administratif, mais aussi parce que nous avons beaucoup de choses à régler au niveau de nos concessions, de notre personnel. Il faut casser les habitudes.
Voilà ce qui se passe sur le terrain. On propose à un acheteur VN de revendre son VO. Nous appelons un intermédiaire qui commissionne notre commercial cinq fois le montant que nous lui promettons. Résultat : le vendeur de VN ne vous propose un véhicule à reprendre que quand personne n’en veut sur le marché, quand il est déglingué. Même quand, une fois sur trois, il vous donne un petit «lead» sur le véhicule d’occasion, le véhicule passe à l’atelier et vous avez un autre circuit informel…
Nous devons donc sensibiliser nos équipes par rapport à l’importance du VO, leur expliquer que l’avenir de nos entreprises dans la distribution formalisée passe par l’occasion, que leur emploi dépend du développement de cette activité».
Par Mehdi Labboudi
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