Le nouveau rapport d’un lanceur d’alerte détaille les abus, la mauvaise affectation des ressources et les représailles au FBI

 


Le nouveau rapport d’un lanceur d’alerte détaille les abus, la mauvaise affectation des ressources et les représailles au FBI !


Publié le 10 juillet 2023


Par le Comité d’enquête du Congrès étasunien – Le 18 mai 2023 – Source Judiciary.house.gov

Le comité d’enquête du Congrès étasunien vient de publier son rapport sur les abus au sein du FBI et le harcèlement qu’ont subi tous ceux qui voulaient le dénoncer.

 

WASHINGTON, D.C. – Aujourd’hui, la commission judiciaire de la Chambre des représentants et la sous-commission spéciale sur l’armement du gouvernement fédéral ont publié un rapport intérimaire intitulé “FBI Whistleblower Testimony Highlights Government Abuse, Misallocation of Resources, and Retaliation” [Le témoignage d’un lanceur d’alerte du FBI met en évidence les abus, la mauvaise affectation des ressources et les représailles au sein du Bureau], qui décrit en détail les problèmes flagrants qui affectent les hauts responsables du FBI. 

Les dénonciations faites par des agents et des employés de base révèlent un thème récurrent d’abus, de mauvaise affectation des ressources et de représailles.



Le rapport s’appuie sur des témoignages antérieurs de dénonciateurs décrivant la hiérarchie du FBI à Washington comme “pourrie jusqu’à la moelle“, avec une “culture systémique d’irresponsabilité“. Un lanceur d’alerte a qualifié l’état actuel du FBI de “cancéreux“, le Bureau s’étant “laissé envelopper par cette politisation et son utilisation comme une arme“. Le rapport souligne également comment la structure des primes du FBI, basée sur des mesures, conduit à l’utilisation inappropriée et inutile d’outils d’application de la loi, comment la direction du FBI a fait pression sur les agents pour qu’ils reclassent des cas comme étant de l’extrémisme domestique violent (EDV) afin de donner l’impression que cet EDV augmente organiquement dans tout le pays, et comment le FBI a suspendu des lanceurs d’alerte qui avaient fait des révélations de bonne foi et protégées sur des actes répréhensibles de l’agence.

En outre, le rapport explique comment le FBI a apparemment collaboré avec une grande institution financière pour recevoir, sans procédure légale, les données financières d’Américains ayant utilisé des cartes de crédit ou de débit dans la région de Washington, D.C., autour du 6 janvier 2021. Cette atteinte à la vie privée des citoyens américains est profondément troublante et devrait inquiéter tous les Américains. En outre, le rapport explique comment le bureau du FBI à Washington a fait pression sur le bureau de Boston pour qu’il ouvre une enquête sur 138 personnes qui s’étaient simplement rendues à Washington, D.C., pour exercer leur droit au premier amendement le 6 janvier 2021, sans aucune indication spécifique que ces personnes étaient impliquées de quelque manière que ce soit dans des activités criminelles.

Le rapport met également en évidence les représailles auxquelles ces lanceurs d’alerte ont été confrontés depuis qu’ils se sont manifestés. L’un d’entre eux a déclaré qu’il avait été transféré à l’autre bout du pays pour être suspendu le premier jour de sa nouvelle affectation. Les actions du FBI ont obligé sa famille à mendier et à emprunter des manteaux chauds pour leurs enfants et des vêtements chauds pour leur bébé parce que les biens de la famille étaient enfermés dans un entrepôt contrôlé par le FBI.

Ce rapport se concentre sur les révélations de plusieurs lanceurs d’alerte afin d’aider la commission et la sous-commission spéciale à comprendre les problèmes du FBI, de sorte que le Congrès puisse envisager d’éventuelles réformes législatives de la principale agence américaine chargée de l’application de la loi.

Voici le résumé de cette enquête :

La commission judiciaire et la sous-commission spéciale sur l’armement du gouvernement fédéral sont chargées par la Chambre des représentants de contrôler le Federal Bureau of Investigation (FBI). Les témoignages des employés de base du FBI constituent un élément essentiel de ce contrôle. Grâce aux récits de ces courageux et dévoués agents chargés de l’application de la loi, le Congrès peut mieux comprendre et, en fin de compte, s’attaquer aux graves problèmes qui affectent les hauts responsables du FBI. Il ressort clairement de ces révélations, et en particulier du rapport du conseiller spécial John Durham, que le FBI est devenu une arme politique.

À ce jour, la commission et le sous-comité ont reçu le témoignage de plusieurs employés actuels et anciens du FBI qui ont choisi de risquer leur carrière pour dénoncer les abus et les fautes commises au sein du FBI. Certains de ces employés – les agents spéciaux Garret O’Boyle et Stephen Friend, l’analyste superviseur du renseignement George Hill et le spécialiste des opérations d’état-major Marcus Allen – ont choisi de parler de leur expérience. 1

Les révélations de ces employés du FBI mettent en lumière des abus flagrants, une mauvaise affectation des ressources des forces de l’ordre et des fautes commises par les dirigeants du FBI. Parmi ces révélations :

– Le Washington Field Office (WFO) du FBI a fait pression sur un bureau de Boston (Massachusetts) pour qu’il ouvre une enquête sur 138 personnes qui s’étaient rendues à Washington (D.C.) pour exercer leurs droits au titre du premier amendement le 6 janvier 2021, sans aucune indication spécifique que ces personnes étaient impliquées de quelque manière que ce soit dans des activités criminelles. La seule raison d’enquêter sur ces personnes est qu’elles ont partagé des bus pour Washington avec deux personnes qui ont pénétré dans des zones interdites du Capitole ce jour-là. Plutôt que de limiter l’enquête aux deux personnes ayant pénétré dans les zones d’accès restreint, la WFO a demandé au Field Office de Boston d’ouvrir une enquête sur les 140 personnes ayant participé au rassemblement politique.

– En réponse à la pression exercée par le WFO pour ouvrir des enquêtes sur les 140 personnes, le Field Office de Boston a demandé au WFO de lui fournir davantage de preuves, y compris des vidéos du Capitole, afin de fonder correctement les enquêtes. La WFO a fourni des photos des deux individus à l’intérieur du Capitole ; cependant, la WFO a refusé de fournir des preuves vidéo du Capitole de peur qu’elles ne révèlent des agents infiltrés ou des sources humaines confidentielles à l’intérieur du Capitole.

– Peu après les événements du 6 janvier 2021, Bank of America (BoA) a fourni au FBI des données confidentielles sur ses clients, volontairement et sans aucune procédure judiciaire. BoA a remis au FBI une liste de personnes ayant effectué des transactions dans la région de Washington, D.C. en utilisant un produit BoA entre le 5 et le 7 janvier 2021. Les personnes ayant déjà acheté une arme à feu avec un produit BoA auraient été placées en tête de liste.

– La direction du FBI a fait pression sur les agents pour qu’ils reclassent des cas en tant qu’extrémisme domestique violent (EDV), et a même fabriqué des cas d’EDV là où il n’y en avait pas, tout en manipulant son système de catégorisation des cas pour donner l’impression que l’EDV se développe organiquement dans tout le pays.

– Le FBI distribue des primes en espèces aux dirigeants des bureaux locaux lorsqu’ils atteignent certains paramètres et objectifs de performance arbitraires. Cette structure de primes crée des incitations perverses qui poussent le FBI à utiliser les outils et les ressources des forces de l’ordre là où ils ne sont pas nécessaires ou appropriés, afin que les dirigeants du FBI en tirent un bénéfice financier.

Ces employés du FBI se sont manifestés pour dénoncer les abus, au prix de grands risques personnels et professionnels. Chacun de ces lanceurs d’alerte a décrit les représailles dont il a fait l’objet après avoir fait des révélations protégées sur ce qu’il croyait de bonne foi être une conduite répréhensible.

Un thème récurrent est que le FBI a violé les lois fédérales sur la protection des lanceurs d’alerte et a abusé de son processus d’examen des habilitations de sécurité pour entraver les courageux agents qui ont exercé leur droit de faire des révélations protégées au Congrès ou qui ont osé remettre en question la direction de l’agence. Par exemple, l’agent spécial O’Boyle a fait des révélations protégées au Congrès :

– L’agent spécial O’Boyle a fait des révélations protégées à son agent spécial superviseur sur des activités potentiellement illégales, et le FBI l’a transféré dans une nouvelle unité qui l’obligeait à déplacer sa famille à l’autre bout du pays. Lorsque O’Boyle est arrivé pour son premier jour, le FBI l’a placé en suspension sans solde et pour une durée indéterminée, rendant de fait sa “famille sans abri” et la laissant sans aucun effet personnel – y compris les vêtements de ses jeunes enfants – parce que ces articles se trouvaient dans les entrepôts du FBI.

– De même, dans le cas de l’agent spécial Friend, le FBI a suspendu son habilitation de sécurité après avoir fait des révélations protégées. Cette suspension a rendu Friend incapable de remplir ses fonctions d’agent spécial – le FBI l’a donc suspendu pour une durée indéterminée. Pendant la durée de la suspension, le FBI a refusé d’autoriser Friend à obtenir un emploi extérieur, laissant sa famille sans revenus.

– Dans le cas du spécialiste des opérations d’état-major Allen, le FBI a suspendu son habilitation de sécurité pour avoir simplement exercé les fonctions de son poste, c’est-à-dire pour avoir effectué des recherches sur l’affaire en utilisant des articles de presse et des vidéos de sources ouvertes et avoir envoyé les résultats de ses recherches à ses collègues de l’équipe spéciale. La tendance à la partisanerie politique de la direction du FBI au cours des dernières années a perturbé les rangs des agents de première ligne du FBI comme O’Boyle, Friend et Hill. Selon un lanceur d’alerte, l’état actuel du FBI est “cancéreux” car le Bureau “s’est laissé envelopper par cette politisation et cette utilisation à des fins partisanes“. Ce témoignage vient compléter les révélations antérieures des dénonciateurs, soulignées dans le rapport de la commission de novembre 2022, dans lequel les dénonciateurs décrivent la direction du FBI à Washington comme étant “pourrie jusqu’à la moelle” et ayant une “culture systémique d’irresponsabilité “.

Les lanceurs d’alerte qui se sont adressés à la commission et à la sous-commission spéciale ont exprimé une inquiétude sincère quant à l’état du FBI, mais ils sont restés optimistes quant à la possibilité pour le Bureau de s’améliorer en faisant preuve d’une “affection sévère“. Cette inquiétude et cet espoir pour l’avenir du FBI sont fondamentalement ce qui motive ces courageux lanceurs d’alerte : la conviction que dire la vérité au pouvoir, par les bons canaux, peut aider à restaurer le Bureau tel qu’il était autrefois. Le présent rapport s’appuie sur les révélations de ces lanceurs d’alerte pour aider la commission et la sous-commission spéciale à comprendre les problèmes, afin que le Congrès puisse envisager d’éventuelles réformes législatives de la principale agence américaine chargée de l’application de la loi.

The House Representatives judiciary Committee - Traduit par Wayan, relu par Hervé.


La politisation du FBI fait référence au fait que le Bureau a tout fait pour gêner la présidence Trump tout en protégeant Hillary Clinton puis Biden.

Mais elle fait référence aussi à des affaires comme celles relatées dans cet article de The Intercept :

Le FBI a préparé un jeune ayant des « problèmes de développement cérébral » à devenir un terroriste

Un agent du FBI sous couverture s’est lié d’amitié avec l’adolescent en ligne. Lorsqu’il a eu 18 ans, il a été arrêté pour avoir soutenu ISIS.

Par Murtaza Hussain − 15 juin 2023 − The Intercept

 

La semaine dernière, le ministère de la Justice a annoncé l’arrestation d’un adolescent du Massachusetts, accusé d’avoir apporté un soutien financier au groupe État islamique.

L’arrestation de Mateo Ventura, un habitant de 18 ans de la petite ville de Wakefield, a fait l’objet d’une multitude de reportages, faisant écho aux déclarations du gouvernement selon lesquelles un financier du terrorisme international et un partisan de l’ISIS venait d’être arrêté aux États-Unis. Le communiqué de presse du ministère de la Justice sur l’affaire a également claironné l’arrestation de Ventura pour avoir “sciemment dissimulé la source d’un soutien matériel ou de ressources qu’il destinait à une organisation terroriste étrangère“.

Le seul problème que posent l’affaire et la façon dont elle a été décrite est que, selon la plainte pénale déposée par le gouvernement, Ventura n’a jamais financé un groupe terroriste. Le seul “terroriste” avec lequel il est accusé d’avoir été en contact était un agent du FBI sous couverture qui s’était lié d’amitié avec lui en ligne à l’âge de 16 ans, lui avait demandé de faire de petits dons en espèces sous la forme de cartes-cadeaux et lui avait demandé de ne parler à personne de leur relation intime en ligne, y compris à sa famille.

L’arrestation a ébranlé sa famille, qui a nié les allégations selon lesquelles leur fils était un terroriste et a déclaré qu’il avait été manipulé par le FBI. Le père de Mateo Ventura, Paul Ventura, a déclaré à The Intercept que Mateo souffrait de problèmes de développement pendant l’enfance et qu’il avait été contraint de quitter son école en raison des brimades des autres élèves.

“Il est né prématurément et avait des problèmes de développement cérébral. J’ai demandé à l’école de faire une évaluation neurochirurgicale et ils ont dit que son cerveau était sous-développé“, a déclaré Ventura. “Il subissait des brimades incessantes à l’école : les autres enfants lui prenaient la nourriture dans son assiette, le faisaient trébucher dans le couloir, l’humiliaient, se moquaient de lui.”

Contrairement au récit sensationnel diffusé par les médias sur le financement du terrorisme aux États-Unis, les documents d’inculpation montrent que Ventura a donné à un agent du FBI sous couverture des cartes-cadeaux pour des montants dérisoires, parfois par tranches de 25 dollars. Lors de sa première tentative de voyage vers État islamique, l’adolescent a hésité, inventant une excuse, selon le FBI lui-même, pour expliquer pourquoi il ne voulait pas y aller. Lorsqu’une autre occasion de voyager à l’étranger s’est présentée, Ventura a de nouveau hésité, restant chez lui le soir de son vol supposé au lieu de se rendre à l’aéroport. Alors que l’enquête touchait à sa fin, il semblait prêt à dénoncer son prétendu contact avec ISIS – un agent du FBI – au FBI.

Il reste encore beaucoup à apprendre sur l’affaire Ventura, qui n’en est qu’à ses débuts. D’autres informations peuvent encore être révélées au fur et à mesure de l’instruction et du procès, notamment en ce qui concerne ses relations avec le FBI et ses autres activités en ligne.

Toutefois, si l’on se réfère au récit du gouvernement sur ce qui a conduit à l’arrestation de Ventura, il y a des raisons de penser que cette affaire n’est pas tant une grave affaire de terrorisme qu’un des nombreux cas où un jeune homme troublé ou mentalement inapte a été préparé par des agents infiltrés du FBI à commettre un crime qui n’aurait pas eu lieu autrement.

Cette tactique d’application de la loi a été critiquée par des chercheurs en sécurité nationale qui ont examiné le rôle du FBI dans la fabrication d’affaires de terrorisme en utilisant des personnes vulnérables qui auraient été incapables de commettre des crimes sans l’aide et l’encouragement prolongés du gouvernement. Un rapport de 2014 de Human Rights Watch critiquant l’utilisation d’informateurs dans les enquêtes sur le terrorisme a déclaré : “De cette façon, le FBI a peut-être créé des terroristes à partir d’individus respectueux de la loi“.

Cette tactique du FBI a été un pilier des poursuites contre le terrorisme pendant une vingtaine d’années. Bien que son utilisation ait récemment diminué, l’affaire Ventura pourrait indiquer que les autorités sont toujours disposées à faire apparaître des terroristes là où il n’y en a pas.

“Les enquêtes du FBI font encore largement appel à des informateurs et à des agents infiltrés qui ne se contentent pas de recueillir des informations sur des délits potentiels, mais suggèrent activement des idées de délits ou facilitent la tâche des personnes qui prétendent vouloir faire ce qu’elles veulent faire“, a déclaré Naz Ahmad, directeur par intérim du projet CLEAR (Creating Law Enforcement Accountability and Responsibility) à la faculté de droit de la City University of New York. “Il existe des cas avérés où le gouvernement a fourni à des personnes tout ce dont elles avaient besoin pour mettre en œuvre un complot. Les informateurs et les agents infiltrés ont souvent été utilisés comme outils dans ces enquêtes pour faire avancer les choses.”

Paul Ventura a déclaré qu’en 2021, des agents armés du FBI se sont rendus à son domicile, l’ont informé que son fils naviguait sur des sites web “qu’il ne devrait pas consulter” et l’ont mis en contact avec ce qu’ils ont dit être un conseiller. Après la première visite, il a déclaré qu’il n’était pas au courant des communications en ligne de son fils avec l’agent infiltré du FBI.

“Il y a deux ans, le FBI est venu chez moi, a pris son ordinateur et a dit qu’il était sur ces sites où il ne devrait pas être. Nous avons dit d’accord, et il n’a pas été arrêté à ce moment-là. Je n’ai plus entendu parler d’eux après cela, mais je suppose qu’avec le temps, les choses se sont aggravées“, a déclaré Paul Ventura. “Je n’étais pas souvent à la maison parce que je travaillais, et il n’allait pas à l’école à cause des brimades. Au lieu de me dire ce qu’il faisait en ligne et de lui retirer son ordinateur, ils l’ont laissé continuer à le faire.”

Les faits de l’affaire contre Mateo Ventura, exposés dans la plainte pénale du gouvernement, détaillent la façon dont sa relation s’est développée avec le FBI.

En août 2021, alors qu’il avait 16 ans, Mateo Ventura a commencé à communiquer en ligne avec un agent du FBI sous couverture. Il lui a fait part de son désir de faire la “hijrah“, c’est-à-dire d’émigrer vers des territoires contrôlés par État islamique.

Au moment de la discussion, ISIS avait été largement vaincu dans ses territoires d’origine, l’Irak et la Syrie, mais il n’est pas certain que Ventura en ait été conscient. Selon la plainte déposée par le ministère de la justice, un agent infiltré du FBI se faisant passer pour un membre d’ISIS a communiqué avec l’adolescent de 16 ans dans un anglais approximatif, l’encourageant à prendre sa décision et lui demandant expressément de n’informer personne d’autre de leurs conversations en ligne, y compris ses amis ou sa famille. 

La plainte pénale dans cette affaire décrit l’échange entre Ventura et “OCE“, ou “l’employé du FBI agissant sous couverture” :


VENTURA : J’ai contacté mon frère [A.D.] pour une hijrah [migration]. Je ne sais pas si c’est encore possible, mais si c’est le cas, je sais que cela prendra du temps.

OCE : Ahh

OCE : Inshallah [si Allah le veut], je t’aiderai, mais avant de parler, règle-toi mon frère.

OCE : Tu ne dois pas parler de ce qui a été dit ici ou de ton intention à qui que ce soit. N’en parle pas à ta famille. N’en parle pas à tes amis. N’en parlez pas aux ikhwan [frères] à la masjid [mosquée]. A personne. Ceci pour notre sécurité à tous les deux.

OCE : L’intention reste entre toi et Allah azzawajal [le puissant et majestueux].

Ventura a continué à discuter avec l’agent d’infiltration de ce qu’il pourrait faire pour ISIS, y compris se battre pour eux dans un pays étranger. Les deux hommes ont décidé d’acheter une carte-cadeau Google Play de 25 dollars et d’envoyer le code d’échange à l’agent du FBI. À la demande du FBI, le jeune homme de 16 ans a également enregistré un fichier audio dans lequel il prête allégeance au chef d’ISIS et a transmis l’enregistrement audio sur le chat.

Au cours des deux années suivantes, Ventura a continué à envoyer de petites sommes d’argent à l’agent du FBI sous forme de cartes-cadeaux, principalement par l’intermédiaire de magasins de jeux comme Steam, PlayStation Network et Google Play. Les montants de ses petites transactions, qui se sont étalées sur environ deux ans, se sont élevés à un total de 965 dollars pendant la période où il était mineur, et à 705 dollars après qu’il soit devenu un adulte légal.

Pendant tout ce temps, les conversations de Ventura avec l’agent infiltré du FBI en ligne se sont poursuivies, avec notamment la promesse de fabriquer un passeport et l’assurance qu’il apprendrait l’arabe “très vite” au cas où il se rendrait en Égypte pour le compte du groupe.

À la fin, Ventura a semblé se dégonfler. En septembre 2022, alors qu’il avait 17 ans, il a déclaré à l’agent qu’il ne pouvait plus “faire la hijrah“, car il avait été “très gravement blessé à l’automne et ne pouvait plus marcher“. Cette blessure était une excuse que le FBI – qui, selon la déclaration sous serment relative à l’affaire, a interrogé Ventura six jours plus tard – a conclu avoir été inventée par l’adolescent.

En janvier 2023, juste après son 18e anniversaire, Ventura a repris contact avec l’agent du FBI sur la plateforme de messagerie cryptée. S’excusant de ne pas avoir été communicatif au cours des mois précédents après sa prétendue blessure, Ventura a de nouveau déclaré qu’il voulait se rendre dans les rangs d’État islamique. Les deux hommes ont évoqué la possibilité qu’il meure lors d’une attaque de combattants d’ISIS quelque part dans le monde ou en participant à un camp d’entraînement.

Sur les instructions de l’agent infiltré du FBI, Ventura a pris une vidéo de lui-même et l’a envoyée sur le chat, en disant à l’agent qu’il avait maintenant une barbe. L’agent du FBI a fait l’éloge de sa performance, déclarant que Ventura était “fort” et “ressemblait (sic) à un lion“.

Ventura a envoyé à l’agent du FBI un autre chèque-cadeau Google Play de 25 dollars, dont on lui a assuré qu’il serait utilisé pour le djihad, avant d’essayer et d’échouer à réserver plusieurs vols parce qu’il n’avait apparemment pas accès à une carte de crédit. Le 10 avril de cette année, Ventura a finalement réussi à réserver un vol Turkish Airlines à destination de l’Égypte.

Mais au lieu d’embarquer sur le vol, ou même de quitter son domicile le soir prévu, Ventura a contacté le National Threat Operations Center du FBI et a signalé un tuyau, déclarant dans un message décousu qu’il voulait “10 millions de dollars dans des sacs de sport” en échange d’informations sur de futures attaques terroristes. “Je sais (sic) que vous m’avez pris pour un imbécile attardé, mais je me moque de vous. Je n’admettrai pas que j’ai envoyé ce message et je ne communiquerai pas tant que l’argent n’aura pas été livré“, disait le message, selon la plainte pénale déposée dans l’affaire.

À ce stade de l’enquête, Ventura n’avait pas seulement semblé hésiter à rejoindre le groupe, mais il semblait désireux de vendre aux forces de l’ordre son contact supposé avec ISIS.

Ventura a rappelé le FBI à plusieurs reprises au cours des jours suivants, leur disant qu’il voulait aider à lutter contre le “terrorisme” et leur proposant à nouveau d’aider à empêcher une future attaque terroriste d’ISIS et de fournir des informations sur les personnes qui facilitaient les déplacements du groupe, en échange d’argent liquide et d’une immunité juridique pour lui-même.

Le 20 avril, selon la déclaration sous serment, il a été informé par un appel téléphonique du FBI que les informations qu’il avait fournies n’étaient “pas spécifiques et donc pas exploitables“.

Pendant ce temps, alors que ses tentatives de dénoncer le propre informateur du FBI en échange de millions de dollars en espèces semblaient s’enliser, Ventura a également continué à communiquer avec leur agent infiltré en ligne, s’excusant d’avoir manqué son vol pour l’Égypte et s’informant des autres moyens par lesquels il pourrait voyager pour rejoindre ISIS. Le 16 mai, il a envoyé à l’agent une autre carte-cadeau Google Play d’une valeur de 45 dollars.

Ces interactions se sont poursuivies jusqu’à ce que Ventura soit arrêté début juin et inculpé d’un chef d’accusation de “dissimulation en connaissance de cause de la source d’un soutien matériel ou de ressources à une organisation terroriste étrangère” – en référence aux dons de cartes-cadeaux qu’il avait passé des années à envoyer au FBI au cours de leurs discussions en ligne.

Bien que les médias se soient fait l’écho du ministère de la Justice en présentant l’arrestation comme la mise en échec d’une opération de financement de l’État islamique naissante aux États-Unis, rien n’indique dans les allégations portées contre lui que Ventura ait jamais été en contact avec le groupe terroriste.

À la suite de son arrestation, le père de Ventura a déclaré à des journalistes à l’extérieur du tribunal que son fils était “pris en otage” et qu’il était “un Américain loyal à 100 %“.

Ventura risque maintenant jusqu’à dix ans de prison s’il est reconnu coupable d’avoir apporté un soutien matériel à un groupe terroriste.

Les cas d’arrestation d’agents d’ISIS aux États-Unis sont devenus de plus en plus rares depuis la défaite du groupe il y a plusieurs années en Irak et en Syrie. Même au plus fort de l’influence d’ISIS, de nombreuses affaires de terrorisme ont été critiquées pour avoir utilisé des tactiques de piégeage et de préparation à l’encontre de personnes qui semblaient dépasser la ligne de démarcation en les encourageant et en les aidant à enfreindre la loi. Malgré l’attention croissante du public et des groupes de défense des droits civiques, ces tactiques n’ont jamais été réformées.

Dans l’affaire Ventura, il est possible que l’on en sache encore plus sur les actes qui ont conduit à son arrestation. Toutefois, si l’on se base sur le récit du FBI, il est difficile de considérer comme crédible la description de Ventura comme un dangereux collecteur de fonds terroriste qui est actuellement diffusée dans la presse.

L’image qui ressort des documents d’inculpation est plutôt celle, plus familière, d’un jeune homme impressionnable et vulnérable, légalement un enfant au moment où l’enquête a commencé, préparé par des agents infiltrés du FBI en ligne à enfreindre la loi et à faire les gros titres dans la foulée.

“Ce gamin a des besoins particuliers, il a été victime de brimades à l’école“, a déclaré le père de Ventura à The Intercept. “Il avait besoin d’aide.”

Murtaza Hussain


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