Les rêves s'échouent à Ceuta.
Ceuta, Espagne, le 21 mai 2021. Les mineurs sont placés par la ville autonome de Ceuta dans un entrepôt géré par la Croix-Rouge, proche de la frontière entre l'Espagne et le Maroc.
Le lieu est gardé par la police, qui y amène les mineurs isolés arrêtés dans la rue.
Ils font peur à l’Europe, sont instrumentalisés par le Maroc, mais ne sont poussés que par le désespoir. Dix mille migrants se sont jetés sur l’enclave espagnole pour échapper à une extrême pauvreté, exacerbée par l’arrêt presque total du tourisme et des échanges commerciaux en temps de pandémie.
Plus de 7000 adultes ont déjà été raccompagnés à la frontière. Restent les mineurs qui ne peuvent être rapatriés qu’à la condition d’être remis à leurs familles. Plus de 1500 d’entre eux sont pris en charge par la Croix-Rouge.
Même leurs rêves ne sont pas ceux d’enfants de leur âge. Ils n’espèrent ni aventure ni exploit, ils ne veulent battre aucun record et n’osent imaginer que le monde puisse changer. Leur ambition, c’est la survie ; et quand ils évoquent l’avenir, c’est au lendemain qu’ils pensent.
Zakaria nous dit qu’il a 14 ans, Ismaël, 13 ans; ils paraissent plus jeunes encore. Les deux amis déambulent dans les rues de l’enclave espagnole de Ceuta, fatigués, effrayés, mais pas encore désespérés. Deux bruns à la silhouette fluette, aux joues rebondies et imberbes, deux petites vies parmi les 10 000, dont 1 500 mineurs, comptabilisées par la Croix-Rouge espagnole depuis les arrivées massives du Maroc le lundi 17 mai.
Ce matin, un passant leur a offert un café au lait et une baguette de pain. Ils dévorent et sourient. « Au moins, ici, il y a à manger. Au Maroc, on a faim », dit Ismaël, assis sur un trottoir.
Ils portent les mêmes pulls, l’un violet, l’autre rouge. Ils ne parlent que l’arabe et c’est un grand, Youssef, 22 ans, qui traduit en français. Le récit qu’ils déroulent d’un ton grave raconte leur bravoure. Leur inconscience, aussi.
Zakaria et Ismaël viennent de Martil, une cité balnéaire au nord-est de Tétouan, région marocaine dont la fragile économie reposait, jusqu’à une date récente, sur la contrebande des produits non taxés vendus à Ceuta.
Fin 2019, la fermeture, sur décision du Maroc, du poste- frontière dévolu à ces échanges longtemps tolérés a plongé dans la pauvreté les populations de Tétouan, Tanger et Fnideq.
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