Qui est derrière le tweet du «petit Grégory mort à Gaza», destiné à ridiculiser les pro-palestiniens ?

 

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Qui est derrière le tweet du « petit Grégory mort à Gaza », destiné à ridiculiser les pro-palestiniens ? 

La photo du petit Gregory annoncé mort à Gaza a d’abord été présentée comme venant d’un compte pro-Hamas. Selon nos éléments, elle a été revendiquée par un utilisateur pro-israélien et membre de l’Uni.
Publié le 30 mai 2021 à 10h01

 

Bonjour,

Vous nous avez interrogés à propos d’un tweet publié le 21 mai par le compte @HouriaTah. En anglais et en arabe, ce message parle du silence des médias autour de la mort d’un enfant, Ismail Ashur, couplé aux hashtags «#GazaUnderAttack», «#IsraelTerrorists» et «#FreePalestine». 

 Il est accompagné de la tristement célèbre photo du jeune Gregory Villemin, mort noyé en 1984 loin de Gaza, à Lépanges-sur-Vologne. : https://twitter.com/EdChirac/status/1397542742738227202

A première vue, le message fait penser à une parodie tant il est grotesque. Il n’est que très peu partagé pendant plusieurs jours. Jusqu’au mercredi 26 mai, où plusieurs personnalités s’en saisissent pour dénoncer et railler la communication mensongère du Hamas. «La photo du petit Grégory Villemin détournée par un groupe pro-Hamas le faisant passer pour une victime palestinienne tuée par Tsahal. Sans commentaire», dénonce par exemple le député des Français établis hors de France, Meyer Habib. «Voilà où en est la propagande du Hamas que les médias Français achètent argent comptant», abonde l’avocat Gilles-William Goldnadel. 

L’écrivain Raphaël Enthoven tombe également dans le panneau, tout comme la chaîne d’info en continu i24 News qui attribue le message à un groupe pro-Hamas.

Fausse infox et propagande

Mais comme l’ont remarqué des twittos vigilants, le compte en question, depuis supprimé par son utilisateur, n’affichait pas les caractéristiques d’un compte pro-Hamas. Comptant seulement une poignée de tweets et d’abonnés à son actif, il venait d’être créé. Dans une série de posts, le twittos EdChirac a dénoncé une supercherie dès le 26 mai. «J’ai pensé que c’était satirique au début, explique à CheckNews l’enseignant qui tient le compte. C’est un peu gros, le portrait du petit Gregory.»

Suite à ses tweets, un autre internaute contacte EdChirac pour lui fournir «un scoop» : des captures d’écrans d’un groupe Facebook pro-israélien, «Neurchi de Sionisme Décomplexé», dont l’un des membres se vante d’être l’auteur du message. CheckNews a pu entrer dans ce groupe. Les publications sont principalement des memes moquant les pro-palestiniens et le Hamas, ou dénonçant la couverture médiatique du conflit.

«Ça nous servirait de ouf»

Les messages concernant le tweet du petit Gregory ont depuis été supprimés, mais CheckNews a pu s’entretenir avec un des membres du groupe et retrouver plusieurs captures d’écrans de sources différentes, dans lesquels les noms ne sont pas censurés. L’auteur de la publication, dont nous ne donnerons seulement l’initiale qui est J, publie une capture du tweet, alors en ligne depuis seulement une seconde. Elle est accompagnée de ce message : «On va voir jusqu’où va leur connerie. Objectif : 2 000 retweets.»

En commentaire, il répond à un utilisateur qui lui demande si le tweet est de lui : «yessss. On va créer une trend. […].» Quand un autre évoque que la publication pourrait avoir du succès, il répond : «Ça nous servirait de ouf.» Il va même jusqu’à s’enorgueillir d’être «à deux doigts de devenir une star anonyme» quand un premier média relaye l’info.

 

L’auteur : un membre de l’Uni, pro-israëlien

Contacté sur son compte Facebook, J n’a pas répondu à nos sollicitations. Sioniste revendiqué dans ses publications, il était actif sur le «Neurchi» depuis plusieurs mois. Il y partageait principalement des memes, dans lesquels il parlait de «fakestiniens» à propos des Palestiniens, vantant la supériorité militaire d’Israël ou encore regrettant que le pays n’utilise plus de phosphore blanc (dont l’utilisation militaire offensive est un crime de guerre) à Gaza.

Les éléments rassemblés par CheckNews sur ses différents comptes, dont les noms et photos de profils sont similaires, montrent que ce dernier est un étudiant membre d’un des bureaux parisiens du syndicat de droite Union nationale inter-universitaire (Uni). Contacté, le bureau national explique découvrir l’affaire et ne souhaite pas faire de commentaire.

Avec la fausse infox démasquée et sa provenance dévoilée, les volte-face ont été nombreux. Raphaël Enthoven a de son côté reconnu son erreur et i24 a diffusé un rectificatif, tout en justifiant «que ce procédé est très utilisé pendant les conflits». 

 

Meyer Habib et Gilles-William Goldnadel ont fini par supprimer leurs tweets, sans plus d’explication.

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